Chapitre II L'idée de Dieu profondèment ancrée en l'homme Hormis cet ensemble complexe que constitue son corps physique, l'homme possède une vaste série d'activités vitales qui ne se réduisent jamais aux mécanismes organiques. Pour la connaissance de ce domaine métaphysique il faut enquêter dans son fond psychologique pour entrevoir au-delà de ses activités physiologiq ues les larges horizons de la structure de la nature humaine, et les manifestations les plus sublimes de ses sentiments et instincts. * * * Il existe en l'homme certaines formes de perception spécifiques
inhérentes à sa nature, qui ne dépendent d'aucun agent extérieur. Dans ses manifestations initiales, l'attraction pour la religion et la
foi prend sa source dans les motivations instinctives et les perceptions
inhérentes,puis elle croît et se développe par la raison et la pensée. Les
racines du sens primordiale sont à ce point profondes et en même temps
manifestes et claires que si un homme lavait son esprit et son ame de
toute pensée et imagination anti-religieuse et qu'il se concentrait sur
soi-même et l'univers, il réaliserait parfaitement qu'il se dirige aux
côtés des autres créatures, vers un même objectif. Quand l'homme évalue sa situation dans le monde, il se rend compte
qu'une force invisible et inconnaissable l'a créé, l'a doté du mouvement
et le fera disparaître quand elle voudra, sans le consulter ni demander
son aide. La recherche de la relation de cause à effet est une opération
d'origine intérieure. Et puisqu'on ne peut extirper de l'homme la loi de
la causalité, le sens religieux et la quête du créateur sont
indissociables de son âme. Toutes les disciplines, la géologie, la physique, la chimie, la sociologie et l'économie, etc... consistent en l'examen des phénomènes, pour en déduire les causes et les effets et en diagnostiquer les relations. Ainsi, il est clair que la science ne consiste en rien d'autre qu'en la recherche des causes, et que l'ensemble des progrès de l'humanité est le fruit de l'effort soutenu des savants pour connaître les causes des phénomènes. S'il nous était possible de présenter, en exemple, quelque part dans le
monde, ou dans une créature quelconque, un cas de création spontanée
absolue, nous serions en droit de généraliser à d'autres cas cet.
exemple. Quand les sciences expérimentales démontrent que toutes les voies sont fermés à la génération spontanée des éléments de la nature, quand toutes nos expériences, nos sens,nos déductions parviennent à cette conclusion que rien dans la nature ne se produit sans agent et cause, et que tous les évènements reposent sur un ordre fixé et des lois déterminées, il est surprenant de voir certains tourner le dos aux lois scientifiques, aux jugements élémentaires, et aux observations étayées par la raison, et nier l'existence d'un créateur. En d'autres termes, on peut considérer la nature primordiale (Fitrat) comme l'instinct animal qui aurait évolué et atteint la perfection, et qui se serait émancipé des limites qui le retenaient, de façon à ce qu'il puisse percer le mur du monde sensible et embrasser les secrets de l'inconnu. Tout jugement et sentiment émanant du for intérieur des hommes, et non
d'un système de croyance ou d'éducation sociale particulier, fait partie
de la nature primordiale, et ne diffère pas de l'amour de soi, de la
relation avec l'Existence et des autres instincts humains, quant à
l'authenticité et à l'universalité. Walter Oscar lindberg, physiologiste et savant réputé dit: Par conséquent, ce qui procède d'un principe instinctuel est esthétiquement semblable aux beautés naturelles. Et ceux qui sont restés libres tout au long de l'itinéraire originel de la création; et ne sont pas devenus prisonniers de leurs habitudes, et dont la nature n'a pas été altérée par les terminologies et les concepts, perçoivent mieux l'appel intérieur. On trouve moins d'irréligieux parmi ces derniers que parmi les autres catégories d'hommes. Si quelqu'un leur disait que ce monde n'a pas de but et qu'il est accidentel même s'il prenait soin de garnir ses paroles d'un couvert philosophique, il n'obtiendrait aucune adhésion de leur part, parce qu'ils rejettent instinctivement de telles assertions. Quand à ceux qui sont familiers des modes de pensée scientifiques, il
est possible qu'un tel discours, attirant par son étiquette conceptuelle,
jette le doute et l'hésitation dans leur esprit. Beaucoup, en effet ne progressent pas. Ils sont incapable de se servir de leur connaissance comme une échelle pour s'élever intellectuellement, et deviennent prisonniers du cadre étroit de leur savoir acquis et le leurs terminologies et conceptions. La nature originelle vient aussi au secours de l'homme quand elle perçoit un danger; quand il est aux prises avec des contraintes sévères et de sérieuses difficultés, et qu'il est cerné de toutes parts par les facteurs matérielles, et qu'il n'est en mesure d'accomplir aucune action, noyé dans les tourments, devenu la proie des évènements, au point d'être à un pas de la mort, c'est alors que ce même agent intérieur le guide et le conduit vers un appui immatériel. Il entre en contact avec une puissance qui est au - dessus de toutes les puissances. Il réalise ensuite que cet Etre Clément et Tout - puissant peut lui tendre la main et venir à son secours, énergiquement; et c'est pourquoi, il l'implore pour le tirer du danger, rassuré en son coeur qu'Il a le pouvoir de le sauver. Même les puissants tyrans matérialistes, qui ignorent la souveraineté et la puissance infinies de Dieu, oublient tout ce que leur milieu et leurs doctrines athées leur ont enseigné en matière de religion, dès qu'ils sentent l'imminence du danger et voient que l'étau se resserre autour d'eux et jurent du fond de leur coeur qu'ils acceptent un principe créateur, source de tout pouvoir. L'histoire est riche en exemple de personnes dont le miroir de la
nature primordiale a été nettoyé de ses impuretés par des épreuves dures
et pénibles, et qui du fond de leur âme ont appelé le Créateur sans
égal. "Mon Dieu! J'ai commencé mon propos par la nature que les croyants pensent être Ton oeuvre, et je finis par Toi que les gens de la Terre appellent "Dieu". Mon Dieu, je su ppose que Tu existes, que Tu es témoin de mon état, et conscient de mon for intérieur. Si j'apprends que dans le passé j'ai agi contre Ton commandement et contre ma raison, j'en serai navré et je le regretterai. Mais je suis serein pour l'avenir, car il suffit que je reconnaisse mon péché pour que Tu le pardonnes. Dans ce monde, je ne Te demande rien, car ce qui doit y être, y est,
soit par Ton commandement soit par la loi de la nature. Mais s'il y a un
autre monde, j'y attends de Toi une récompense, bien qu'ici-bas ce que
j'ai fait je l'ai fait pour moi- même."6 Les prophètes ont été suscités pour orienter l'homme vers le sens
sublil de sa nature primordiale, canaliser son penchant pour Dieu dans une
voie juste, et promouvoir ses aspirations supérieures. Les premiers à répondre à l'appel des prophètes étaient les hommes purs de coeur et de conscience; alors que rejoignaient les rangs de leurs opposants ceux qui s'appuyaient sur leur richesse et leur puissance éphémères, ou qui s'enorgueillissaient de leur savoir méprisable, de leur esprit impuissant et pollué par les illusions, de sorte que ce même orgueil et ces mêmes prétentions devenaient un obstacle à l'éclosion de leurs aptitudes et de leurs facultés sublimes. "La loi de l'offre et de la demande existe aussi en matière de valeurs
morales. s'il n'y avait pas de demande religieuse dans la nature des
hommes, l'offre des prophètes aurait été vaine. En principe, la base de la prédication des prophètes était plutôt un appel au monothéisme, qu'une démonstration de l'existence de Dieu. Ils réfutaient l'adoration des idôles, du soleil, de la lune, des étoiles etc... pour que leur soif spirituelle inhérente ne soit pas étanchée par de fausses divinités, et que les hommes cherchent plutôt à réaliser les objectifs et les valeurs dans la quête du dieu réel, loin de toute déviation, et sur la voie de la perfection infinie, qu'ils se hâtent dans leur course ininterrompue vers la source de toutes les valeurs et de toutes les vertus, pour parvenir enfin à leurs aspirations. Par conséquent, le polythéisme et l'athéisme, sous leur forme
traditionnelle d'idôlatrie, ou leur forme moderne de matérialisme,
résultent tous les deux d'une déviation par rapport à la nature
innée. D'autre part, la psychologie investissant l'étude de l'inconscient, entreprise par Freud et poursuivie par Adler et Jung, est parvenue aux profondeurs de l'âme humaine, découvrant ainsi un univers nouveau des forces secrètes et des formes d'appréhension pararationnelles, et ouvrant un champ d'investigation scientifique pour les facteurs irrationnels qui échappent à la volonté, comme le "sens religieux". En ce moment, il existe un courant intellectuel qui persuade de plus en plus de penseurs de différentes écoles de ce que le sens religieux est l'un des éléments primordiaux naturels et immuables de l'esprit humain, et qu'il est le mode de perception innée du domaine situé au - delà de la raison. Vers 1920, un philosophe allemand a pu démontrer que parallèlement aux éléments rationnels "moraux", il existe aussi dans le sens religieux, des éléments innés ou irrationnels. Et tous les attributs de Dieu, comme la Toute - puissance, la sacralité et la grandeur, concourrent à montrer que le concept de "sacré" ne peut être renvoyé à aucune faculté perceptive, et qu'il est autonome et ne procède d'aucun autre concept, et l'on ne peut le confondre avec aucun autre concept rationnel ou irrationnel. Une découverte propre à notre époque est celle de la "durée", quatrième
dimension de la nature, et intimement lié au corps. Il n'existe aucun
corps dans l'univers qui soit en dehors du temps, qui procède lui même du
mouvement et de l'évolution. 1- Le sens de la curiosité ou la sincérité. 2- Le sens du bien, sur quoi reposent les vertus et les qualités spirituelles élevées. Tout homme éprouve en lui - même une inclination à la justice, à l'amour et au sacrifice. Cette tendance authentique crée en somme une sorte d'orientation vers les qualités pures, et de répugnance envers les bassesses. 3- Le sens esthétique qui est la cause de la manifestation des formes et des goûts artistiques et qui exerce une influence profonde dans l'apparition d'une grande partie des phénomènes sociaux. 4- Enfin, le sens religieux ou sacré, qui est la quatrième dimension est un sens primordial; car tout homme, de par sa nature, ressent une attraction pour l'univers métaphysique. Ce concept est indépendant des trois précédents. Avec sa découverte, la conception tridimensionnelle de l'esprit humain a été bouleversée. Car il est démontré que le penchant religieux a une origine propre, et qu'il s'est manifesté même aux époques primitives où les hommes vivaient en prédateurs dans les cavernes. La prise de conscience du principe de l'existence se fait par plusieurs méthodes. Le concept de "Dieu" répond aux besoins rationnels et irrationnels, de façon que l'esprit acquiert par la voie de l'ordre et des signes, une certitude définitive et claire. La nature innée établit un lien avec Dieu par la voie de l'amour et de la nécessité, au point qu'on dirait qu'elle "Le" voie directement, non pas avec l'oeil, mais avec l'oeil du coeur. La perception de Dieu par la voie du coeur n'a besoin d'aucune démonstration ni preuve. Bien que la science moderne soit en quête de preuve expérimentale pour compléter sa démonstration, toute sorte de connaissance de Dieu résultant directement de la recherche et de l'argumentation, soit par des arguments rationnels et philosophiques ou des sciences expérimentales et perceptives, constitue un unitarisme démonstratif. Des sav ants comme Descartes et Saints Thomas d'Aquin sont arrivés par la raison, la démonstration et la spéculation scientifique à des conclusions probantes dans la connaissance du principe ontologique. Et un mystique français, comme Pascal perçoit le Créateur à partir d'une illumination du coeur, une inspiration venue du fond de sa nature innée. Il dit à ce propos que le coeur a ses raisons, que la raison ne connaît pas.8 De même Einstein pensait: Schopenhauer philosophe allemand du XIXe siècle, reconnaît à la
tendance religieuse des racines si profondes en l'homme, qu'il la
considère comme spécifique à lui, disant: Bien que le sens de la curiosité, le sens du bien, et celui du beau
soient tous les trois indépendants et jouent tous les trois un rôle
essentiel et déterminant dans la découverte des sciences, de la morale et
des arts, c'est le sens religieux qui aplanit le terrain à leur
manifestation, et les soutient dans leur développement, et qui s'attribue
la plus grande responsabilité dans la résolution des énigmes de l'univers
de la création. Will Durant dit: Le rôle du sens religieux dans le développement et l'élévation des qualités humaines, dans la modération des instincts, et dans la fécondation des potentialités de la morale et de la vertu, est indéniable. Les personnes qui ont conscience de leur expérience religieuse constatent que la plus importante fonction de la religion est d'aider l'homme à contrôler ses instincts et acquérir un caractère fort et digne de respect. La pensée religieuse est aussi un des facteurs du développement du sens esthétique, et ce depuis le début de l'histoire, Les générations précédentes ont consacré le meilleur de leurs oeuvres artistiques à louer leurs divinités; les magnifiques temples de la Chine, les grandes pyramides de l'Egypte, les statues admirables du Mexique, l'architecture fine et subtile de l'Orient islamique, procèdent tous du sens religieux. Les psychologues sont persuadés qu'il existe un lien entre la crise de la puberté et l'euphorie soudaine des sentiments religieux. Dans cette phase de la vie, une sorte de tendance particulière se manifeste, même chez des individus qui étaient jusqu'alors indifférents aux questions religieuses. "Pour Stanley, la limite de ces sentiments religieux se situe au x alentours de 16 ans. Cette période peut être considérée comme une image réduite de la personnalité future de l'adolescent. Ces sentiments permettent au jeune qui se trouve sous l'influence de différentes forces, d'entrevoir que la cause ultime de son existence est dans l'existence de Dieu.12 Il n'y a pas de doute que les appels de la nature originelle ne sont perceptibles que dans les cas où rien ne fait obstacle à leur manifestation. Un facteur comme la propagande réduit et entrave le développement des potentialités naturelles et de l'intelligence, bien que cette façon de réprimer n'arrive jamais à déraciner les tendances innées. C'est pour cela que dès que l'agent qui fait obstacle est écarté, les structures originelles reprennent leur activité, et se remanifestent par l'effort créatif. Nous savons que plus de soixante ans se sont écoulés depuis la Révolution Communiste en Union Soviétique. Cependant les aspirations religieuses demeurent encore vivaces dans les âmes de vastes couches de la population soviétique, et malgré tous les efforts déployés tout au long de cette période par ceux qui détiennent le pouvoir pour enrayer la religion, ils n'ont pas encore pu en venir à bout dans les coeurs des hommes. Par conséquence l'existence d'idées matérialistes dans le monde ne constitue pas un argument contre l'innéité de la foi en Dieu. Cet éloignement et cette scission par rapport à la voie naturelle, propre à une doctrine particulière et exceptionnelle par rapport aux doctrines et aux nations différentes, ayant des croyances métaphysiques, ne peut jamais, de nos jours comme par le passé, être considérée comme une réfutation de la connaissance naturelle de Dieu, parce que de telles exceptions existent en toutes choses. Mais ce que l'on peut déduire de l'histoire, c'est que les bases de
cette école de pensées ont été jetées aux VIIe et VIe siècle d'avant l'ère
chrétienne. Les partisans de l'école matérialiste étaient
successivement: Malgré cela, on ne peut pas attribuer la paternité du matérialisme à
ces derniers, parce que certains penseurs comme "Bangoun" ne partagent pas
cette opinion; ce dernier, écrit dans son ''Histoire de la Philosophie" à
propos de Thalès: A propos de Démocrite, il écrit: Bien entendu, le matérialisme moderne n'a commencé à s'élaborer qu'au XVIIIe siècle. Il eut aussi ses partisans même parmi les savants physiciens, bien qu'ici aussi les jugements sont divergents. Par exemple, certains historiens classent Jean-Jacques Rousseau parmi les matérialistes, alors que d'autres le considèrent comme Croyant en Dieu. Il se peut que le matérialisme qu'on lui attribue soit dû à ce que l'on méprise son anti-cléricalisme. Farid Wajdi, auteur d'une encyclopédie, cite cette parole de Rousseau à
propos du principe de l'existence: Par conséquent, c'est Sa volonté à lui, Dieu, qui meut l'existence, et qui fait revivre les morts. Mais vous direz! Où est - Il? En réponse je dirai: Il existe, dans les cieux auxquels il a imprimé le mouvement, dans les étoiles qu'Il pourvoit en lumière. Il n'est pas seulement en moi, mais aussi dans le troupeau qui paît, dans l'oiseau qui vole, dans la pierre qui tombe, dans la feuille de l'arbre que le vent emporte çà et là; Il est partout. Combien donc sont loin de la raison, ces hypothèses! Ces théories qui supposent que cet ordre merveilleux est le résultat d'un mouvement aveugle de la matière. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent! * * * |