Chapitre IV Quelques aspects de l'inégalité Supposons que le propriétaire d'une usine emploie des travailleurs
spécialisés et d'autres non spécialisés afin de faire fonctionner son
usine. A la fin du mois et la paie des salaires, le propriétaire paie les
travailleurs spécialisés et qualifiés plus que les autres. A la lumière de cette constatation, nous comprenons la nécessité des
vicissitudes de la vie humaine faite de lumière et d'obscurité, de succès
et d'échec afin de maintenir l'équilibre général du monde. L'ordre de création est basé sur l'équilibre, et sur les réceptivités
et les capacités. Ce qui est fermement établi dans la création c'est la
différenciation et non la discrimination. Cette observation nous donne la
possibilité d'examiner le sujet plus objectivement et plus spécifiquement.
La discrimination signifie faire une différence entre des objets existant
sous les mêmes circonstances et ayant la même réceptivité. La
différenciation veut dire différencier entre des capacités inégales et qui
ne sont pas soumises aux mêmes circonstances. Si une toile est peinte de façon uniforme, nous ne pouvons pas dire que c'est une image; c'est la variation de la couleur et du détail qui exposent le talent de l'artiste. Afin que l'identité d'une chose soit connue, il est essentiel qu'elle soit différenciée des autres choses, car la mesure par laquelle les personnes et choses sont distinguées est la différence externe et interne qu'elles ont les unes des autres. * * * L'une des merveilles de la création est la variation dans les capacités et dons, dont les êtres sont dotés. Afin d'assurer la continuation de la vie sociale, la création a donné à chaque individu un ensemble particulier de goûts et de capacités, dont les réactions réciproques assurent les besoins de la société et contribuent à résoudre quelques problèmes. La différence naturelle des individus dans leurs capacités, les oblige à avoir besoin l'un de l'autre. Chaque personne s'adonne aux tâches dans la société selon son propre goût et capacité, et ainsi la vie sociale assurée de cette façon, donne la possibilité à l'homme d'avancer et de faire des progrès. Prenons par exemple un bâtiment ou un avion. Chacun d'eux possède
plusieurs parties séparées, des éléments complexes et détaillés qui
diffèrent beaucoup en forme et en dimension; cette différence découle de
la responsabilité de chaque élément par rapport à l'ensemble. Il y a des preuves philosophiques précises soutenant cette proposition, et elle est aussi exprimée dans le saint Coran: "Nous avons créé toute chose avec mesure; et Coran, sourate 54, verset 49 et 50 Il serait faux d'imaginer que la différenciation et les relations établies par Dieu dans sa création sont les mêmes que celles des relations conventionnelles existant dans la société humaine. La relation de Dieu avec ses créatures n'est pas une simple convention ou une affaire de perception. C'est une liaison découlant de l'acte de création même. Ainsi, l'ordre par lequel il a classé toutes les choses est le résultat de sa création. Chaque être reçoit de Dieu le degré de perfection et de beauté qu'il est capable de recevoir. S'il n'y avait pas un ordre particulier régissant le monde, toute
existence pourrait, dans le cours de ses mouvements, donner naissance à
une autre existence, et la cause et l'effet pourront changer de place.
Mais il reste bien entendu que les relations réciproques essentielles
entre les choses sont nécesaires et fixes. La position et la propriété
accordées à une chose, adhère inséparablement à celle - ci, et ce, quel
que soit le rang et le degré d'existence qu'elle pourrait avoir. Aucun
phénomène ne peut aller au - delà du seuil qui lui a été fixé, ni occuper
le degré d'une autre existence. La différenciation est un concomitant des
degrés de l'être, leur attribuant des parts diférentes de faiblesse et de
force, de défaut ou de perfection. La relation liant chaque chose à ses effets, et chaque effet avec sa
cause se déduit des essences mêmes de la cause et de l'effet
respectivement. Si quelque chose est une cause, il en est ainsi parce
qu'elle porte en elle une qualité qui est inséparable d'elle, et si
quelque chose est un effet, c'est à cause d'une qualité inhérente en elle,
et qui n'est rien d'autre que le mode de son être. Il est clair que tous les phénomènes possèdent des rangs, et des modalités fixées qui sont subordonnées à une série de lois fermes et immuables. La loi divine ne forme bien sûr pas une entité créée séparément, mais un concept abstrait déduit de la manière dont les choses sont. appelées à exister. Ce qui a une existence extérieure consiste en niveaux et degrés de l'être d'un côté et en système de cause et effet de l'autre côté. Aucune chose ne peut avoir lieu en dehors de ce système qui n'est que la règle divine mentionnée dans le Coran: "Vous ne trouverez aucun changement dans les normes divines". Coran, sourate 35, verset 43 * * * L'ordre de la création repose sur une série de lois naturelles
inhérentes en son essence. La place de chaque phénomène dans cet ordre est
clairement définie, et l'existence de plusieurs niveaux et degrés
d'existence est une conséquence nécessaire de la nature systématique de la
création, qui inévitablement donne naissance à la diversité et la
différenciation. Les matérialistes qui considèrent l'existence de la variation et de
différenciation dans l'ordre naturel, comme étant une preuve d'oppression
et d'injustice et s'imaginent que le monde n'est pas régi par la justice,
trouveront inévitablement la vie difficile, déplaisante et
ennuyeuse. Si toutes les bontés du monde étaient mises à la disposition du
matérialiste, il ne serait jamais" satisfait. Car une fois que le monde
semble sans but et dominé par l'injustice, il est insensé pour l'homme de
demander la justice; et dans un monde manquant de but, il est absurde à
l'homme de s'en faire un, lui - même. Les commémorations posthumes et les cérémonies à son honneur sur sa tombe, ne lui seront d'aucun profit; elles ne serviront qu'à maintenir une légende creuse, du fait que la personne en question ne serait rien qu'une forme assemblée par la nature pour sa distraction comme un jouet durant quelques jours avant de se transformer en une poignée de poussière. Si nous observons le sort de la majorité des peuples qui sont constamment en lutte avec les différents types de souffrance, de privation et d'angoisse, le tableau est de plus en plus morne.Avec une telle vision de la vie humaine, le seul paradis que le matérialisme peut offrir est l'enfer de la terreur et de la peine. La position matérialiste qui veut que l'homme manque de liberté et de choix a même fait de lui une créature misérable. Le point de vue unidimensionnel du matérialisme voudrait que l'homme
soit tel un automate dont le mécanisme et le dynamisme des cellules sont
opérés par la nature. L'intelligence et l'instinct humains et encore moins
les réalités de l'existence peuvent - elles accepter une telle
interprétation ridicule et banale de l'homme, de sa vie et de son
destin? Un homme avec une mentalité religieuse verra ce monde comme un système possédant une conscience, une volonté, de la perception et un but. L'intelligence de Dieu dispensatrice de la justice suprême règne sur tout l'univers et toute particule de l'être et elle surveille toutes les actions et faits. Un homme religieux ressent un sens de responsabilité vis à vis de la conscience qui gouverne le monde, et sait que le monde créé et administré par Dieu est nécessairement un monde d'unité, d'harmonie et de bien. Il comprend que la contradiction et le mal ont une existence épiphénoménale et jouent un rôle fondamental dans la réalisation du bien et de l'émergence de l'unité et de l'harmonie. En outre, selon cet aperçu général du monde qui ouvre de larges horizons à l'homme, la vie n'est pas restreinte à ce monde, et même la vie de ce monde n est pas restreinte au bien être materiel ou la libe ration de l'effort et de la peine. la libération de l'effort et de la peine. Le croyant (en Dieu) verra le monde comme un chemin qui doit être traversé, comme un lieu de test, comme une arène d'effort. C'est dans ce monde que la vertu des actes de l'homme est mise à l'épreuve. Au début de la vie de l'au - delà, le bien et le mal dans les pensées, croyances et actions seront mesurés dans la plus précise des balances. La justice de Dieu se révèlera sous son véritable aspect, et quelle que soit la privation de l'homme dans ce monde, matérielle ou autre elle lui sera rendue. A la lumière de cette destinée qui attend l'homme, et vu l'indigence essentielle des biens de ce monde matériel, l'homme oriente son effort de conscience exclusivement vers Dieu. Son but devient ainsi de vivre et de mourir pour Dieu. Les vicissitudes de ce monde n'attirent plus son attention. Il voit les choses éphémères telles qu'elles sont, et il ne permet à rien de séduire son coeur. Car il sait que les forces de séduction causeraient le dépérissement de sa nature humaine et l'entraîneraient dans le tourbillon de l'égarement. * * * En conclusion, nous ajouterons que mis à part la question de la réceptivité, l'existence de la différence dans le monde n'implique pas l'injustice. L'oppression et l'injustice signifient que quelqu'un est soumis à la discrimination bien qu'il ait des droits égaux à ceux d'une autre personne. Mais les êtres n'ont jamais eu de revendications et ne peuvent en avoir envers Dieu. Ainsi si quelque chose jouit d'une supériorité sur une autre, ceci ne peut être considéré comme étant une injustice. Nous n'avons rien de nous - mêmes; tout souffle, tout battement de coeur, toute pensée et toute idée traversant notre esprit, tout ceci est puisé d'une provision à laquelle nous n'avons contribué en rien. Cette provision est un don de Dieu, qui nous a été offert à notre naissance. Une fois que nous comprenons que tout ce que nous possédons n'est qu'un don divin, il sera évident que toutes les différences entre les dons accordés à l'homme sont basés sur sa sagesse, mais elles n'ont rien à faire avec l'injustice, du fait qu'il n'était pas question de mêrite ou de revendication de notre part. Cette vie temporaire et limitée est un don qui nous a été accordé, un cadeau du créateur. Il a la discrétion absolue pour décider de la quantité et de la qualité du don, et nous n'avons aucune réclamation contre lui. Par conséquent, nous n'avons aucun droit de désapprouver, ni d'objecter même si le don qui nous a été accordé à titre gratuit apparaît minime et inconséquent. * * * |