L'Education de l'Âme
 

Compilé, édité et traduit en français
par
Abbas Ahmad al-Bostani
 

Editeur:

Abbas Ahmad al-Bostani
(La Cité du Savoir)
C. P. 712 Succ. (B)
Montréal, Québec, H3B 3K3
Canada

Site Web: www.bostani.com
E-mail: abbas@bostani.com

Première Edition: 2000

Copyrights : Tous droits réservés à l'éditeur

ISBN: 2-922223-06-x
 

Publication de la Cité du Savoir
 

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Table des Matières

Première Partie : L'Auto-interrogatoire 5
1- Le muchâratah ou "l'engagement devant soi" 21
2- Le murâqabah ou "la surveillance du soi" ... 23
3- Le Muhâsabah ou "la demande de comptes à soi" 28
4- Le blâme et le châtiment (Le Mu'âtabah et le mu'âqabah) 29
5- Al-mujâhadah ou l'effort en vue d'une meilleure conduite 30

Deuxième Partie : Le Péché intérieur33
La conduite humaine est extérieure et intérieure 33
La Relation entre la conduite extérieure et la conduite intérieure 35
Le Coran traite du péché intérieur : 37
Le choix sous la contrainte peut découler d'un choix libre 39
La source du péché intérieur 41
Le péché intérieur est une maladie 43
Comment traiter avec les gens au coeur malade? 44
Quelques exemples du péché intérieur 48
Conclusion 55

Annexe: L'éducation du coeur selon le Hadith 57
 
 

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Première Partie

L'Auto-interrogatoire(1)





Il est dit que dans le domaine de la formation et de l'éducation de l'âme la demande de comptes à soi-même vient après la repentance. Ainsi après avoir décidé de se repentir, le Croyant doit se poser des questions concernant sa repentance afin de s'assurer de sa bonne application et de sa pérennité.

En réalité, la repentance et l'interrogatoire du soi sont en corrélation et interaction, car la première conduit à la seconde et celle-ci influe sur l'application et la durabilité de celle-là (la repentance) d'une part, et elle conduit, avant la repentance, à la repentance d'autre part.

En effet Allah dit:

«O vous qui croyez! Craignez Dieu! Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain! Craignez Dieu! Dieu est parfaitement informé de ce que vous faites. Ne ressemblez pas à ceux qui oublient Dieu; Dieu fait qu'ils s'oublient eux-mêmes. Ceux-là sont les pervers». (Sourate al-Hachr; 59: 18-19)

Or, l'énoncé «Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain» est un ordre pour chaque croyant de se demander des comptes, de s'interroger sur ses actes, et de voir ce qu'il a accompli pour la vie future: a-t-il fait un bien ou un mal? S'il a fait un bien, dans quelle mesure ce bien est fait purement pour la Face d'Allah et non pour un intérêt personnel? sachant que ce qu'il accomplit pour l'amour d'Allah s'inscrira pour toujours à son crédit, alors que ce qu'il a fait pour lui-même disparaîtra, comme l'affirme le Noble Coran: «Ce qui se trouve auprès de vous s'épuise; ce qui se trouve auprès de Dieu, demeure». (Sourate al-Nahl, 16: 96)

Chose intéressante à remarquer, l'énoncé qui termine le dernier verset ci-dessus: «Ne ressemblez pas à ceux qui oublient Dieu; Dieu fait qu'ils s'oublient eux-mêmes. Ceux-là sont les pervers» signifie que négliger de se demander des comptes est le fait de ceux qui oublient Allah et qu'Allah punit ceux qui L'oublient de l'oubli d'eux-mêmes, lequel oubli est on ne peut plus grave et lourd de conséquences même pour quelqu'un qui ne s'occupe que de ses propres intérêts ou qui ne s'intéresse qu'à soi-même. Il nous reste à noter que l'oubli de soi-même consécutif à l'oubli d'Allah se produit ou s'explique de la façon suivante:

1- Celui qui oublie Allah oublie en fait ses propres intérêts eschatologiques (de la Vie future), lesquels sont les plus importants puisque, les seuls durables et éternels; or négliger ses propres intérêts équivaudrait à l'oubli de soi-même, autrement comment peut-on ne pas s'occuper de ses propres intérêts, si ce n'est par l'oubli de soi-même?!

2- Il oublie et néglige l'importante énergie de bonté qu'Allah a déposé, par Sa Grâce, dans sa nature innée; or l'oubli de cette importante énergie équivaudrait là également à l'oubli de soi-même.

Cette expression coranique (l'oubli du soi) ressemble à une autre expression significative employée à plusieurs reprises dans le Coran, à savoir la «perte du soi-même» ou littéralement «ceux qui se perdent eux-mêmes».(2)

En effet, ceux dont le sort a été scellé par le mal et qui n'ont rien fait de bon pour leur Vie future, auront perdu eux-mêmes soit parce qu'ils ont perdu pour toujours leurs intérêts dans l'Au-delà, soit parce qu'ils ont perdu l'énergie de bonté qu'Allah avait déposée en eux-mêmes ou dans leur nature, et en la perdant ils ont donc perdu eux-mêmes.

Il y a un degré inférieur de la perte ou de l'oubli du soi rapporté par certains récits hagiographiques et résultant de certains péchés. En effet selon l'Imâm al-Sâdiq (p): «Un homme commet un péché et il sera privé en conséquence de la Prière du Minuit...»(3) et «Un homme dit un mensonge et il sera privé en conséquence de la Prière de la Nuit. Or la privation de la Prière du Minuit le privera de la subsistance (rizq)».(4)

Selon une tradition, un homme s'est plaint un jour auprès de l'Imâm: «Je suis privé de la Prière du Minuit». L'Imâm 'Alî (p) lui répondit: «Tu es un homme enchaîné par ses péchés».(5)

En tout état de cause le fait de regarder en permanence ce qu'on a fait ou n'a pas pour la Vie future, dont parle le Verset précité, découle de la nature innée de l'homme, car lorsque quelqu'un s'apprête à effectuer un voyage ordinaire, il fait naturellement le nécessaire pour un tel voyage, pourtant à durée limitée. Que dire alors de quelqu'un qui se sait partir pour le Monde éternel!

Et comment peut-on négliger de se demander des comptes et d'examiner ses actes tout en sachant qu'Allah nous interrogera minutieusement et nous demandera des comptes sur nos moindres actes, comme nous l'informe le Noble Coran à maintes reprises:

- «Nous poserons les balances exactes, le Jour de la Résurrection. Nul homme ne sera lésé pour la plus petite chose; serait-elle équivalente au poids d'un grain de moutarde, Nous l'apporterions. Nous suffisons à faire les comptes». (Sourate 21, verset 47)

- «Ô mon fils! Même si c'était l'équivalent du poids d'un grain de moutarde et que cela fût caché dans un rocher ou dans les cieux, ou sur la terre, Dieu le présentera en pleine lumière. Dieu est Subtil et Bien-Informé». (Sourate 31, verset 16).

Il est probable que le dernier verset, et même le premier, indiquent que nos actes demeurent, que ce soit sous forme d'ondulations aériennes et de particules matérielles, comme un grain de moutarde répandu dans les cieux et sur la terre et qu'Allah en ressemble les parties et les matérialise devant nous (les auteurs de ces actes) le Jour de la Résurrection.

Il y a beaucoup de Récits hagiographiques attribués aux Imâms Infaillibles d'Ahl-ul-Bayt (p) sur la nécessité de se demander des comptes:

1- On rapporte que l'Imâm Zayn al-'Âbidine (p) dit: «O fils d'Adam! Tout ira bien pour toi tant que tu resteras auto-prédicateur, tant que tu te soucieras de ton examen de conscience, tant que la crainte d'Allah sera ta devise et la vigilance ta couverture! O fils d'Adam! Inévitablement tu mourras un jour, tu seras ressuscité et présenté devant Allah! Prépare donc ta réponse».(6)

2- Selon Ibrâhîm Ibn 'Omar al-Yamânî, l'Imâm Mûssâ Ibn Ja'far al-Kâdhim (p) dit: «N'est pas des nôtres quiconque ne s'interroge pas chaque jour sur ses actes pour ensuite prier Allah de le conduire à faire davantage, s'il constate qu'il a fait le bien, et demander pardon à Allah et se repentir devant Lui, s'il se rend compte qu'il a commis le mal».(7)

3- Le Noble Prophète (P) recommanda à son fidèle Compagnon Abû Tharr al-Ghifârî: «O Abû Tharr! Demande-toi des comptes avant qu'on te les demande, car ce sera plus facile pour toi, lorsque tu seras interrogé demain; mets-toi dans la balance avant qu'on ne t'y mette et prépare-toi pour la Grand Exposition, où rien ne pourra être caché à Allah! O Abû Tharr! Un homme ne saurait être considéré comme pieux avant de s'être demandé des comptes d'une façon plus tatillonne que celle dont un associé demande des comptes à son coassocié. Qu'il s'interroge sur l'origine de ce qu'il mange, de ce qu'il boit et de ce qu'il porte! L'a-t-il obtenu d'une façon légale ou illégale?! O Abû Tharr! Lorsque quelqu'un ne se soucie pas de la façon dont il a obtenu ses gains, Allah ne se soucie pas de quelle façon IL le fera entrer en Enfer!».(8)

Ce Hadith renferme trois commandements: la demande de compte à soi-même avant qu'on soit soumis à une demande des comptes, se mettre sur la balance avant qu'on soit mis sur la balance, se préparer pour la Grande Exposition, le Jour de la Résurrection, devant Allah à Qui rien ne sera caché.

Bien que ces trois commandements paraissent ne concerner qu'un même sujet, ils désignent en fait trois choses plus ou moins différentes. Ainsi, la demande des comptes à soi-même signifie qu'on doit examiner les actes qu'on a accomplis pour voir lesquels sont considérés comme une bonne action et lesquels doivent être classés dans le domaine du mal. La mise dans la balance, vise à savoir dans quel stade on se trouve actuellement et dans quel stade on aurait dû être et à combler le cas échéant, ce qui manque à la balance. La préparation à la Grande Exposition signifie qu'on doive corriger le résultat de la demande des comptes à soi-même et de la mise dans la balance du soi-même, en accomplissant ce qui n'aurait pas été accompli et en complétant ce qui aurait manqué.

La demande des comptes à soi-même est la chose la plus difficile à faire. Cette difficulté découle du fait de l'unité de l'interrogateur et de l'interrogé, lesquels sont une seule et même personne. Il est facile en effet qu'une personne interroge une autre personne, mais l'interrogatoire se réalise difficilement dès lors que l'interrogateur et l'interrogé fusionnent pour ne former qu'une seule personne qui assume le rôle de l'un et de l'autre. C'est pourquoi rares sont les croyants qui réussissent à réaliser ou à passer cet examen de conscience, et ils constituent l'élite la plus pure parmi les serviteurs d'Allah.

Certes, on dirait que c'est la raison qui demande des comptes à la conscience et que celle-ci et celle-là constituent deux entités différentes; mais en réalité cette différenciation est une division purement abstraite, et le soi-même, la conscience ou l'âme est une entité qui englobe toutes les forces qu'elle renferme. Donc en fin de compte c'est le soi qui doit demander des comptes au soi. De là la difficulté. Que faire alors?

En fait ce problème ne pourrait avoir que l'une des deux solutions suivantes:

La première solution: consiste à ce que le soi saisit son état de réveil ou de prise de conscience pour demander des comptes au soi dans son état de sommeil ou de faiblesse. En d'autres termes, le soi ou l'âme ne tend au péché que sous l'effet du sommeil ou de la faiblesse devant des facteurs de séduction, et par la suite il se réveille ou se rétablit (se ressaisit) sous l'effet de l'un des facteurs suivants:

1- Après avoir commis ce à quoi l'a incité le désir, le soi pourrait connaître un état de réveil, même relatif, après que le désir, ayant été rassasié, s'éteint. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre sans doute le Hadith suivant de l'Imâm al-Sâdiq (p) qui répondait à la question de savoir: si «un adultère pourrait commettre l'adultère tout en ayant la Foi?» «Non! dit-il, car lorsqu'il se trouve sur le ventre de la femme, il est dépouillé de la Foi, et celle-ci ne lui revient que lorsqu'il se relève».(9)

D'autres facteurs pourraient également causer l'extinction du désir et l'avènement du stade de réveil, à savoir un mauvais état de santé, la vieillesse etc.

2- Les excitants devant lesquels l'âme faiblit pourraient disparaître ou s'atténuer, permettant ainsi la venue du stade de réveil et de lucidité, même relatif.

3- L'âme pourrait se renforcer par certains facteurs fortifiants, tels que l'écoute d'un prédicateur, la lecture du Coran, la crainte du futur et des conséquences lointaines des actes incriminés.

Ainsi, lorsque, pour l'une des raisons précitées, le croyant se trouve dans le stade de réveil, il doit saisir l'opportunité pour soumettre ses actes à un examen de conscience et se demander des comptes sur ses actes commis pendant le stade de léthargie, d'oubli et de soumission aux excitants. De même il doit s'employer à rechercher, si possible, les causes du réveil, par des moyens légaux, lorsque ces causes ne se présentent pas d'elles-mêmes.

La seconde solution: à laquelle doit recourir celui qui ne parvient pas à bénéficier de la première solution consiste à désigner une autre personne pour se charger de surveiller ses actes et de lui demander des comptes, afin que l'interrogé et l'interrogateur, le juge et la partie, l'accusateur et l'accusé ne soient pas une même personne et que la demande des comptes devienne aisée et réalisable. D'autre part, il faut savoir que la demande des comptes à soi-même n'est pas le domaine réservé des pécheurs pour que les croyants pieux s'imaginent qu'ils en sont dispensés, car en fait les degrés de la piété ou plutôt de 'irfân(10) sont infinis et la punition des «péchés mystiques» ou du manquement au devoir du mysticisme que ressentent les mystiques ('urafâ') n'est pas moins sévère à leurs yeux que la punition des péchés des pécheurs ordinaires. En effet un mystique puni de la privation des délices des munâjâts (entretiens intimes avec Allah) par exemple ou même de quelques degrés de ces délices pourrait peut-être ressentir la douleur de cette privation plus qu'un pécheur ne ressente la douleur de sa brûlure au Feu. Ainsi, la hauteur de la sublimation de la conduite dans le mysticisme étant illimitée, le mystique, quels que soient les hauts degrés de bonne conduite auxquels il parvient, ne saurait se dispenser de l'examen de conscience, tant qu'il aspire en permanence à atteindre à des degrés supérieurs dans la voie du mysticisme.

De même, la délivrance de la punition qu'il croit subir (en étant privé d'un degré supérieur de la proximité d'Allah) ou de la douleur morale lui procure une joie supérieure à celle éprouvée par le pécheur lors de sa délivrance de la douleur que lui cause sa punition corporelle. Il suffit de contempler le langage des mystiques pour sentir que les flammes de leur tourment engendré par la punition morale sont plus intenses que la brûlure physique que ressentent les pécheurs au contact du Feu.

Illustrons cette vérité par l'exemple suivant. Si l'on suppose que «l'évitement des propos vains» en général (que l'apparence du texte coranique suivant «Heureux les Croyants qui sont humbles dans leurs prières, qui évitent les propos vains»(11) présente comme trait des croyants) constitue une obligation mystique et non juridique, et que par conséquent, cette obligation (n'étant pas de nature juridique) n'ait qu'une importance secondaire, sa négligence, à supposer qu'elle ait été effectivement négligée, n'aurait rien d'alarmant!

Pourtant, on ne peut ne pas ressentir l'intense tourment que l'auteur du Do'â'(12) dit d'Abû Hamzah al-Thamâlî, éprouve en craignant de n'avoir pas rempli pleinement cette obligation. Ainsi s'adressant à Allah, il Lui fait part de cette crainte: «Ou bien, as-Tu jugé que j'ai un penchant pour la compagnie des oisifs(13), et Tu m'as laissé alors parmi eux!»

Ainsi, soucieux toujours d'atteindre à des degrés supérieurs de la perfection et de goûter ainsi au plaisir de la proximité d'Allah, les purs n'ont jamais de cesse de se remettre en cause et de surveiller scrupuleusement leur conduite.

En contemplant l'extrait suivant du même Do'â' d'Abû Hamzah al-Thamâlî, on ne peut ne pas être convaincu que la perte du plaisir des munâjât (ces entretiens intimes et émouvants avec l'Objet suprême de leur amour, Allah) est ressentie plus durement par les mystiques que la douleur de la brûlure causée par le Feu, dont souffrent les pécheurs:

«O mon Dieu! Chaque fois que je me suis dis être préparé et totalement prêt à prier devant Toi et à T'adresser mes supplications, Tu fais tomber le sommeil sur moi, lorsque je prie, et Tu me prives de mes supplications, lorsque je me mets à Te supplier!

»Qu'ai-je donc fait! Chaque fois que je me dis avoir réformé mon fond et rapproché ma position de celle des repentants, un malheur m'arrive qui fait glisser mon pied et m'empêche ainsi d'être à Ton service!

»O mon Seigneur! Peut-être m'as-Tu chassé de Ta Porte et de Ton service m'as-Tu écarté!

»Ou bien, peut-être m'ayant considéré comme indigne de Toi, m'as-Tu proscrit!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme indifférent à Toi, m'as-Tu démis!

»Ou bien peut-être m'ayant classé au rang des menteurs, m'as-Tu rejeté!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme ingrat envers Tes Bienfaits, m'en as-Tu privé!

»Ou bien peut-être m'ayant considéré comme absent des réunions des ulémas, m'as-Tu abandonné!

»Ou bien peut-être m'ayant rangé au nombre des oublieux, m'as-Tu fait désespérer de Ta Miséricorde!

»Ou bien, peut-être as-Tu jugé que j'ai un penchant pour la compagnie des oisifs, et Tu m'as laissé alors parmi eux!

»Ou bien peut-être n'aimant pas entendre mon Do'â', m'as-Tu éloigné!

»Ou bien, peut-être, est-ce à cause de mes crimes et mes péchés que Tu m'as sanctionné!

»Ou bien, peut-être est-ce à cause de mon peu de pudeur envers Toi que Tu m'as puni!»(14)

C'est de tels Do'â' que nous apprenons le langage de l'examen sincère de conscience et comment nous devons demander des comptes à nous-mêmes, lors bien même nous nous croyons au-dessus de tout péché. Bien que ce langage (du Do'â') soit le même pour les véritables pécheurs et pour les croyants pieux et mystiques, quel que soit le haut niveau de leur piété ou mysticisme, les mots prennent une signification différente selon chaque cas.

Lorsqu'un voleur implore Allah de lui pardonner son péché, il entend le vol qu'il a commis. Et lorsqu'un Croyant pieux ayant atteint de très hauts degrés de piété supplie le Seigneur de lui pardonner son péché, il exprime son insatisfaction de tout ce qu'il a fait (et qu'il juge cependant insuffisant) pour satisfaire Allah, car il sait qu'on ne fait jamais assez pour remercier le Créateurs de Ses Bienfaits infinis et de Sa Miséricorde illimitée qui nous couvre.

C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les supplications des Prophètes et des Imâms, lesquels, bien qu'infaillibles, donc immunisés contre le péché, implorent Allah de leur pardonner leurs «péchés».

Pour conclure cet exposé sur «la demande de compte à soi-même» ou «l'examen de conscience», il est important de préciser la position de cet exercice spirituel de l'éducation de l'âme dans l'ordre des étapes de ladite éducation et d'expliquer brièvement chacune de ces étapes.

En effet, «l'examen de la conscience» se situe au centre du processus du perfectionnement de la morale islamique. Pour que cet examen produise l'effet escompté, il est précédé et suivi par d'autres exercices ou étapes de formation. Les étapes de ce processus de perfection-nement sont:

1- Le "muchâratah" ou l'engagement devant soi:

Les jours de l'homme sont comptés et ils constituent son véritable capital qu'il confie à soi-même. Or le soi a une tendance au mal. S'il omet de le surveiller, il peut gaspiller ce capital. Aussi doit-il s'engager devant soi du moins une fois par jour sinon une fois le matin et une fois le soir de ne dépenser ce capital que de telle ou telle autre manière. Ainsi, il doit considérer les heures de sa vie comme des trésors et des bijoux qu'Allah lui a confiés et que leur perte lui sera très préjudiciable et regrettable. En effet selon la Tradition le Prophète (P) dit:

«Le Jour de la Résurrection on ouvrira pour chaque jour de la vie d'un serviteur vingt-quatre trésors, au nombre des heures du jour et de la nuit. Il voit alors l'un de ces trésors pleins de lumière et de joie et en le voyant, il éprouve une telle joie et un tel bonheur que, s'ils étaient distribués aux gens de l'Enfer, ils les distrairaient de la douleur du feu. Ce trésor représente l'heure pendant laquelle il avait obéi à Allah dans la vie d'ici-bas. Puis on lui ouvrira un autre trésor qu'il trouvera ténébreux, nauséabond et terrifiant, et en le voyant, il éprouvera une telle peur et une telle affliction que, si elles étaient réparties entre les gens du Paradis, elles gâcheraient leur bonheur. Ce trésor représente l'heure pendant laquelle il avait désobéi à Allah dans la vie d'ici-bas. Ensuite on lui ouvrira un autre trésor qu'il trouvera vide et ne contenant ni objet de joie ni objet d'affliction; ce trésor représente l'heure pendant laquelle il dormait ou s'occupait des choses permises (neutres = mubâhât) de la vie terrestre.(15) Là il se sentira tellement lésé et éprouvera beaucoup de regret de ne l'avoir pas remplie d'oeuvres bonnes. Ce à quoi fait référence le verset coranique: «...le Jour de la grande perte» (Sourate al-Taghâbun, 64: 9).(16)

2- Le "murâqabah" ou la surveillance du soi:

Car le seul engagement devant le soi ne suffirait pas, étant donné que le soi pourrait ne pas tenir l'engagement. Il faudrait donc le surveiller dans deux étapes:

1)- Avant l'action: pour s'assurer de la motivation de l'action, car le soi est trompeur ou plutôt auto-trompeur, et on peut être inconscient de la véritable motivation qui pousse à l'action ou bien la motivation pourrait être double ou composée: une divine et personnelle. On oublie la seconde partie et on croirait que l'action qu'on accomplit est purement dévouée à Allah.

2)- Pendant l'action: pour s'assurer de la rectitude de l'action, qu'elle n'est pas déviée et qu'elle sera menée à bien et à terme, s'il s'agit d'une bonne action.

Il est à noter ici que la surveillance pourrait s'expliquer de deux façons:

a)- L'homme se surveille lui-même avant et pendant l'action, comme nous venons de l'indiquer, afin d'éviter l'erreur;

b)- L'homme est surveillé par le Surveillant Suprême, Allah qui observe tous nos moindres gestes et pensées. En effet Allah dit:

- «Dieu vous surveille» (Sourate al-Nisâ', 4: 1)

- «Ne sait-il pas que Dieu voit tout?» (Sourate al-'Alaq, 96: 14)

D'autre part le Prophète (P), s'adressant à son fidèle compagnon, Abû Tharr, lui dit: «O Abû Tharr! Adore Allah comme si tu Le voyais, car lors bien même tu ne Le voyais pas, Lui, IL te voit!».(17)

Cette dernière observation - la surveillance d'Allah - comporte deux degrés:

a)- La surveillance des croyants «rapprochés d'Allah» (al-muqarrabîn). C'est la conscience d'être sous la surveillance de la Grandeur et de la Majesté. Ici le coeur du «rapproché» se trouve tellement impressionné et absorbé par la contemplation de la Grandeur et de la Majesté d'Allah, qu'il ne peut plus regarder à gauche et à droite.

b)- La surveillance des «pieux» (wari'în), que le Coran qualifie de «Gens de la droite»(18). Pour cette catégorie de croyants pieux, ils ont la certitude de la surveillance d'Allah de leurs apparences, de leurs intérieurs et de leurs coeurs, mais ils ne sont pas totalement subjugués par la surveillance de la Majesté. Aussi leurs coeurs, pourraient pencher ici et là, accomplir des actions qui ne seraient pas totalement motivées par l'amour du Créateur. Mais bien entendu, lorsqu'ils entreprennent ces actions ils ne maqueraient pas de se surveiller et de rectifier le tir. En d'autres termes, la pudeur devant Allah est le trait dominant chez eux. Aussi n'accompliraient-ils une action en fin de compte sans s'assurer de la pureté de leur intention.

Pour mieux expliquer la différence d'attitude vis-à-vis d'Allah, entre ces deux catégories de croyants pieux, on peut transposer la situation dans notre attitude vis-à-vis des êtres humains. Ainsi, supposons que vous êtes en train de faire quelque chose dans votre intimité, et qu'entre-temps une haute personnalité, un chef d'état ou un haut dignitaire s'introduit chez vous. Là vous êtes tellement impressionné et tellement absorbé par l'accueil à lui réserver, que vous abandonnez tout ce que vous faisiez. Précisons que cet abandon de vos occupations intimes ou personnelles n'est pas due à votre pudeur, mais à l'emprise de sa majesté ou de son excellence sur vous. Maintenant, si l'on suppose que l'intrus qui vous a surpris dans votre intimité n'est pas une personnalité hors du commun, mais un homme ordinaire ou petit garçon; là vous êtes saisi par la pudeur, vous essayez de vous couvrir et d'avoir une tenue convenable, non par révérence pour l'intrus, mais par pudeur. Donc en le voyant, vous n'êtes pas totalement absorbé par une surprise d'une situation extraordinaire, mais seulement, sous l'effet de la pudeur.

Ceci dit, nous devons nous sentir en permanence sous l'observation d'Allah, au moins dans la même situation où nous nous voyons en présence d'un homme ordinaire ou d'un petit garçon, dans une intimité qui suscite chez nous le sentiment de pudeur; c'est dire que nous nous devons d'éprouver toujours de la pudeur devant Allah dans toutes les situations de notre existence puisque nous sommes tout le temps dans son champ de vision.

L'extrait suivant du Do'â' d'Abû Hamzah al-Thamâlî est à cet égard significatif:

«Si quelqu'un d'autre que Toi regardait mon péché, je ne le commettrais pas, et si je craignais l'anticipation de la punition, je l'éviterais, non que Tu sois celui qui me regarde le moins ni le moins informé sur moi, mais parce que, o Seigneur! Tu es le plus Discret des discrets, le plus judicieux des juges, et le plus noble des nobles: Tu es Celui qui couvre les défauts, Tu es le Pardonneur des péchés, le Connaisseur des inconnus. Tu couvres le péché par Ta Noblesse et Tu reporte le châtiment par Ta Clémence!»

L'Imâm Zayn al-'Âbidîne (p) rapporte: Lorsque Imra'at al-'Azîz s'est trouvée seule avec Yûsuf auprès de l'Idole, elle couvrit celle-ci d'un vêtement. Yûsuf lui demanda la raison de son geste. Elle répondit: «J'ai honte, si elle nous voyait!» Yûsuf lui dit alors: «Comment!? Tu as la pudeur devant ce qui ne peut ni voir ni entendre ni comprendre ni manger ni boire, alors que moi, je n'en aurais pas devant Celui Qui a créé l'homme et l'a instruit!?».(19)

On raconte qu'un adolescent s'est introduit la nuit chez une servante. Celle-ci lui dit: «Tu n'as pas honte!» L'adolescent fit: «De qui veux-tu que j'aie honte, alors qu'il n'y a que des étoiles qui nous voient?!». La servante répondit: «Et tu oublies leur régulateur!».(20)

3- Al-Muhâsabah ou la demande de comptes à soi-même:

Qui devrait se faire à la fin de la journée et à la fin de la nuit, en parallèle à «l'engagement devant soi» qui s'effectue au début de la journée et au début de la nuit. De cette façon, si nous constatons, après cette séance de demande de comptes, que notre soi s'est bien acquitté de son devoir, nous en remercions Allah et nous L'implorons de nous permettre de faire encore mieux, et si nous constatons que nous avons manqué à notre devoir ou que nous n'avons pas été à la hauteur, nous nous repentons et nous essayons de réparer.

4- Le blâme et le châtiment (al-Mu'âtabah et al-mu'âqabah):

Donc nous constatons que nous n'avons pas respecté scrupuleusement l'engagement que nous avions pris devant nous-même, nous devons alors blâmer et réprimander notre soi, et nous infliger quelques châtiments. Le hadith suivant est à cet égard révélateur.

En effet Layth Ibn Abî Muslim a témoigne: J'ai entendu un Ançârî (Partisan)(21) raconter: Alors que le Prophète (P) se reposait à l'ombre d'un arbre un jour de grande chaleur, un homme est venu. Il se déshabilla, se jeta sur la terre brûlante et se mit à s'y frotter le ventre, le dos et le front en se disant: «O mon soi! Goûtes-en, car ce que Allah te réserve est pire que ce que je te fais subir maintenant». Puis l'homme se releva et se rhabilla. Le prophète (P) qui avait observé la scène lui fit signe de sa main, l'invita à venir auprès de lui et dit: «O 'Abdullâh (Serviteur d'Allah)! J'ai vu ce que tu te faisais subir! Jamais je n'avais vu une personne faire ce que tu viens de faire! Qu'est-ce qui t'a poussé à cela?» L'homme répondit: «C'est la crainte d'Allah qui m'y a poussé, et je me suis dit: O mon soi! Goûtes-en, car ce qu'Allah te réserve sera pire que ce que je te fais subir». Le Messager d'Allah lui dit alors: «Tu as vraiment craint ton Seigneur comme se doit; ton Seigneur te montrera fièrement aux habitants du Ciel!» Et s'adressant à ses Compagnons, il leur dit: «O gens présents! Approchez-vous de votre compagnon pour qu'il prie pour vous!» Les Compagnons s'exécutèrent. L'homme pria pour eux dans les termes suivants: «O notre Dieu! Rassemble-nous sur la bonne voie, fais que la piété soit notre provision de voyage et le Paradis notre lieu de retour vers Toi!»

5- Al-mujâhadah ou l'effort en vue d'une meilleure conduite:

Lorsque nous constaterons que notre conduite n'était pas comme il faut, nous devons nous efforcer de réparer le manquement à notre devoir passé et de faire plus dorénavant, car le Coran nous dit:

«Quant à ceux qui font des efforts pour Notre Cause, Nous les guiderons sur Nos Sentiers. Allah est en vérité avec ceux qui font le bien» (Sourate 29, verset 69).

Et comme le dit l'Imâm al-Sâdiq (p): «Bienheureux est le serviteur qui a lutté contre son soi et ses caprices...»(22)

Pour conclure, référons-nous à ce que l'imam Khomeinî a écrit à propos de «l'engagement devant soi», «la surveillance du soi» et «la demande de comptes à soi».

Nous pouvons résumer son exposé sur ce sujet comme suit: on peut commencer par choisir un seul jour pour appliquer ce processus de l'éducation de l'âme: au début de la journée, on prend la résolution et l'on s'engage devant soi-même à ne pas commettre d'acte de désobéissance à Allah pendant ce jour. Il va de soi qu'il est très facile de s'abstenir de tout acte opposé aux Commandements d'Allah pendant un seul jour. Il est donc aussi facile de prendre la résolution - et de s'engager devant soi-même - de le faire. Il suffit d'essayer pour s'en convaincre. Ceci étant fait, on doit se surveiller soi-même pendant pour et veiller à ne pas trahir l'engagement pris. Ensuite, à la fin du jour, on doit se demander des comptes pour faire le bilan. Si on constate qu'on a respecté vraiment l'engagement, on en remercie Allah pour cette réussite. La même expérience sera beaucoup plus facile le lendemain. On continue ainsi, pendant un certain temps, et il ya grand espoir que cela devienne une habitude. Dès lors continuer dans la même voie, sera extrêmement facile et aisée. Et là on verra quel grand plaisir et quelle réjouissance procurent l'obéissance à Allah et l'abstinence des péchés. Toutefois, si, à Dieu ne plaise, il arrive qu'un jour on néglige ou viole son engagement, on doit en demander pardon à Allah et prendre la ferme résolution de respecter scrupuleusement son engagement le lendemain.
 
 


Deuxième Partie

Le Péché intérieur(23)



Au Nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux

«Abandonnez le péché extérieur et intérieur» (Sourate 6, verset 120)

«... Eloignez-vous des péchés abominables, apparents ou cachés» (Sourate 6, verset 151)

Ces deux versets indiquent clairement que le péché est de deux sortes: extérieur et intérieur.

On sait ce qu'est le péché extérieur, mais qu'en est-il du péché intérieur?
 

La conduite humaine est extérieure et intérieure

La vie de l'homme a deux aspects, extérieur et intérieur. Le premier consiste en la conduite visible et apparente, à savoir les mouvements de l'homme, ses relations et ses activités visibles. Le second aspect, consiste en sa conduite psychologique, c'est-à-dire ses sentiments d'amour et de haine, sa résolution, son intention de faire ou de ne pas faire quelque chose, sa satisfaction, sa rancune etc.

La mission de la religion dans la vie de l'homme est de régir les deux aspects de la conduite de ce dernier par une série de prescriptions positives et négatives (les ordres ou les obligations et les interdictions)

La conduite intérieure de l'homme occupe une large superficie de sa conduite générale. Aussi l'Islam lui accorde-t-il une attention particulière. En effet, les obligations et les interdictions de la Chari'ah ne se limitent pas au domaine de la conduite extérieure, mais embrassent également la conduite intérieure.

Ainsi parmi les obligations propres à l'aspect extérieur de la vie de l'homme figurent la prière, le jeûne, le Hajj (le Pèlerinage), le Jihâd, ainsi que celles relatives à son état civil, tel que le mariage, le divorce, l'héritage, la pension etc., tandis que les obligations qui régissent l'aspect intérieur de la vie humaine sont la sincérité, la certitude, la gratitude, la crainte révérencielle (d'Allah), le penchant pour Allah, aimer et détester pour Allah, al-walâ', al-barâ'ah, ect.

Les interdictions relatives à l'aspect extérieur de la conduite humaine sont la distraction, l'enivrement, la turpitude, la médisance, le mensonge, le faux témoignage, l'agression, le vol, la trahison.

Quant aux interdictions ayant trait à l'aspect intérieur, elles sont: la jalousie, la convoitise, l'avidité, la mesquinerie, la détestation du croyant, le scepticisme et le soupçon, l'hypocrisie, la mécréance, l'orgueil, la vanité, l'amour de la vie etc.

C'est cette dernière catégorie de traits humains qui constitue le péché intérieur qui nous occupe ici.
 

La Relation entre la conduite extérieure et la conduite intérieure

Entre la conduite extérieure et la conduite intérieure une corrélation: la seconde est la base de la première, et la valeur de celle-ci découle de celle-là. Ainsi, la Prière (qui fait partie de la conduite extérieure) perd toute sa valeur spirituelle et se réduit à un simple acquittement de devoir, si on ne l'accomplit pas avec appétence d'Allah et la présence du coeur, et l'homme n'aura pour lui de sa prière que la part accomplie avec un coeur concentré sur Allah. De même, il ne peut espérer une récompense pour toutes ses autres obligations: son jeûne, son pèlerinage, son jihâd, son immigration que s'il s'en acquitte en formant l'intention sincère de le faire uniquement pour l'amour d'Allah et pour s'approcher d'Allah. Sans une telle intention, Allah n'accorde aucune valeur à ses actes de piété, qui pourraient nous impressionner, nous les humains, qui jugeons de l'extérieur, sans pouvoir sonder l'intérieur. Seul Allah l'Omniscient et l'Omniprésent sais si nos actes sont accomplis dans l'intention sincère de Le satisfaire et non pour un désir ou un intérêt personnel. Lorsque quelqu'un émigre pour s'enrichir, mener une vie plus agréable et plus confortable, il aura émigré pour des raisons personnelles et pour un intérêt personnel, et obtiendra peut-être satisfaction, mais une telle émigration ne compte pas pour Allah.

Ceci, pour l'aspect positif des enseignements islamiques, les obligations. Il en va de même pour l'aspect négatif, les interdictions. Ainsi, selon un hadith: «L'attachement à la vie d'ici-bas est la tête de tous les péchés»; or cet amour de la vie terrestre fait partie du «péché intérieur» et il est à l'origine de tous les péchés, aussi bien intérieurs qu'extérieurs. Cela montre claire-ment donc que le péché intérieur est le fondement du péché extérieur.
 

Le Coran traite du péché intérieur:

Le Coran accorde une importance particulière à cette grande superficie de la conduite humaine, celle du péché intérieur. En effet, nous avons déjà cité les deux principaux versets coraniques qui évoquent explicitement le péché intérieur:

«Abandonnez le péché extérieur et intérieur». (Sourate 6, verset 120)

«... Eloignez-vous des péchés abominables, apparents ou cachés». (Sourate 6, verset 151)

De ces versets il ressort que l'abomination ou l'immoralité a un intérieur et un extérieur; l'intérieur en est la conduite psychologique immorale de l'homme, et l'extérieur en est sa conduite immorale extérieure.

Le Coran dit aussi:

«... Dieu vous punira pour ce que vos coeurs ont accompli». (Sourate 2, verset 225)

Donc Allah nous demandera des comptes non seulement des actes de nos sens, mais aussi de ce que nos coeurs auraient commis.

Allah dit également dans le Coran:

«Ne cachez pas le témoignage, celui qui le cache a certes un coeur pécheur. Allah sait tout ce que vous faites». (Sourate 2, verset 283)

Donc le coeur pèche tout comme les sens, et le péché n'est pas le domaine réservé de ceux-ci.

Allah nous prévient d'ailleurs:

«Si vous dévoilez ce qui est en vous, ou si vous le cachez, Dieu vous en demandera compte». (Sourate 2, verset 284)

Donc Allah nous tient rigueur de ce que nous concevons ou ressentons au fond de nous-mêmes, peu importe que nous dissimulions ou que nous extériorisions ce sentiment. Ainsi, si un croyant déteste son frère croyant, Allah lui en demandera compte, même s'il ne traduit pas en geste, parole ou acte sa haine.

Allah nous prévient encore:

«L'ouïe, la vue et le coeur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé». (Sourate 17, verset 36)

Remarquons que dans ce verset la responsabilité de l'ouïe et de la vue - lesquelles font partie des sens - sont engagées autant que celle du coeur, lequel engendre les penchants.

Toujours dans le même domaine, Allah nous met en garde:

«Ceux qui aiment que la turpitude se répande parmi les croyants subiront un châtiment douloureux en ce monde et dans la vie future». (Sourate 24, verset 19)

Il faut bien préciser ici que ce châtiment douloureux n'est pas la punition de «la propagation de la turpitude», laquelle constitue un péché autrement plus grave, car un péché majeur, mais la punition du désir de la propagation de la turpitude, et ce désir pervers est un péché intérieur, un sentiment et non un acte.
 

Le choix sous la contrainte peut découler d'un choix libre

D'aucuns croiraient que ce genre de péché intérieur ne saurait tomber sous le coup des obligations et des interdictions de la Chari'ah, lesquelles ne s'appliquent que dans la mesure où le croyant a la capacité et le libre choix de ses actes, et que par conséquent le comportement psychologique, en l'occurrence l'amour, la haine, la jalousie, la répulsion etc. sortent du cadre de la volonté du croyant assujetti aux stipulations de la Loi islamique; car en effet l'homme n'est pas en mesure de décider de détester ou de ne pas détester quelque chose, d'envier ou de ne pas envier quelqu'un.

Il peut seulement contrôler les actes que ses sentiments ou ses penchants suggèrent à ses sens. C'est pourquoi ceux qui soutiennent cette thèse interprètent de tels textes du Coran et de la Sunna (manifestement relatifs aux comportements intérieurs) comme regardant uniquement les actes commis par les sens et qui entrent dans le cadre de la capacité et de la responsabilité de l'homme.

Mais quiconque lit attentivement les Versets coraniques précités, tire une conclusion différente de celle que nous venons d'exposer. Bien entendu, nous ne prétendons pas qu'Allah punirait Ses serviteurs du péché intérieur dont ils n'ont pas le contrôle. Une telle chose est inconcevable. Nous disons seulement que si les préalables du péché intérieur sont du ressort du libre choix du croyant assujetti et sous son contrôle, le péché intérieur lui-même tombe sous le coup des ordres et des interdictions de la Chari'ah.

Par exemple, si quelqu'un décide librement et volontairement de sauter d'un haut bâtiment pour se suicider et que par la suite, une fois le geste accompli, il se ravise et décide de ne pas mettre fin à sa vie mais sans pouvoir arrêter sa chute, n'ayant plus le contrôle de la situation, Allah le punira quand même de cet acte interdit qu'est le suicide. Car une contrainte découlant d'un libre choix demeure au fond un libre choix, comme l'affirment les spécialistes des sciences des fondements de la Religion, pour qui, si l'homme se met volontairement dans une situation où il est amené à commettre un acte interdit sous la contrainte, celle-ci ne le dégage pas ici de sa responsabilité ni ne fait tomber la peine ou le châtiment dont son acte est passible.

Il en va de même pour quelqu'un qui s'adonne volontairement à la consommation de boissons alcoolisées jusqu'à ce qu'il devienne un alcoolique invétéré et totalement dépendant, n'ayant plus le libre choix d'arrêter de boire. Là également, le fait qu'il soit contraint à la consommation de l'alcool, ne le fait pas sortir du cadre du libre choix et ne le dégage pas de sa responsabilité, ni ne le dispense de la peine encourue pour ce délit. Il en va de même pour le péché intérieur dont les préambules et les prémices sont contrôlables par l'homme, mais si, celui-ci n'essaie pas de s'en défaire, il finira par ne plus pouvoir en être le maître. Il ne pourra plus s'empêcher d'aimer ou détester ce qu'il ne doit pas, d'être envieux, avide ou attaché à ce bas-monde etc.
 

La source du péché intérieur

Un coeur malade est à l'origine de tout péché intérieur, tout comme le bon coeur est la source de la bonne action et de la bonne intention.

Entre le coeur et ses émanations ou exportations, il y a un lien organique: plus le coeur est malade plus ses émanations sont perverses et plus il est sain plus elles le sont aussi. Un coeur sain ne produit que la bonté et un coeur malade n'engendre que le péché.

Dès lors, il est normal que le coeur sain conduira au Paradis: «Le Jour où ni les richesses, ni les enfants ne seront utiles, sauf pour ceux qui iront à Dieu avec un coeur pur» (Sourate 26, versets 88-89), et le coeur pervers en Enfer, si rien n'était fait pour l'assainir: «Leur coeur malade: Dieu aggrave cette maladie...». (Sourate 2, verset 10)

Ainsi lorsqu'on a un coeur malsain et que l'on ne déploie pas les efforts nécessaires pour le purifier, Allah empire la perversité de son coeur, en guise de punition, et l'aggravation de sa maladie le conduira en Enfer.

Allah dit:

«Quand les hypocrites et ceux dont les coeurs sont malades disaient: "Dieu et Son Prophète ne nous ont fait des promesses que pour nous tromper"» (Sourate 33, verset 12).

Telle est la triste fin de ceux qui ont le coeur malade: ils traitaient de mensonges les paroles d'Allah et du Prophète, et ils diront aux gens en fin de compte: «Dieu et Son Prophète ne nous ont fait des promesses que pour nous tromper».
 

Le péché intérieur est une maladie

Si le péché intérieur n'émane que d'un coeur malade, il est en soi, une sorte de maladie de coeur. De nombreux textes de la Chari'ah l'affirment et considèrent que la jalousie, l'avidité, l'amour de la vie sont des maladies.

Ainsi l'Imâm 'Alî (p) dit:

«Il n'y a pas de douleur plus douloureuse que le péché».(24)

«L'envie est une maladie incurable, elle ne disparaît qu'avec la mort de l'envieux ou de l'envié».(25)

«La rancune est un mal grave et une maladie contagieuse».(26)

«Les passions sont des maladies mortelles; le meilleur remède contre elles est de ne pas y succomber».(27)

Et parlant des ascètes, l'Imâm 'Alî (p) dit:

«Ils voient les gens attachés à la vie d'ici-bas s'affliger de la mort de leurs corps, alors qu'eux, ils s'affligent encore plus de la mort des coeurs des vivants».(28)

Dès lors qu'on sait que le péché intérieur est une sorte de maladie, il est possible de déployer les efforts nécessaires pour le traiter, l'affronter et l'éradiquer individuellement et collectivement.
 

Comment traiter avec les gens au coeur malade?

Il faut tout d'abord savoir que la perversité de coeur est une maladie contagieuse. Bien plus, si les maladies du corps sont parfois contagieuses parfois non, les maladies des coeurs sont toutes contagieuses. Par conséquent, quiconque n'est pas certain d'avoir la résistance nécessaire à la déviation et la capacité de se remettre ou de remettre les personnes déviées sur le droit chemin, il vaudrait mieux pour lui, autant que faire se peut, éviter de les fréquenter.

En effet selon l'Imâm al-Sâdiq (p), l'Imâm 'Alî (p) dit:

«Le Musulman ne doit pas fraterniser avec le libertin, car celui-ci lui donne une image embellie de sa mauvaise action et aimerait qu'il devienne comme lui».(29)

L'Imâm 'Alî (p) dit aussi:

«Ne fréquente pas le méchant, car ton caractère dérobe de son caractère la méchanceté sans que tu t'en aperçoives».(30)

L'Imâm al-Jawâd (p) dit:

«Gare à toi de fréquenter le méchant, car il est pareil à une épée dégainée: c'est beau à voir mais son effet est détestable».(31)

La deuxième attitude à adopter vis-à-vis des gens aux coeurs malades est de ne pas clouer au pilori les pécheurs qui dissimulent leurs péchés, afin qu'ils ne s'enfoncent pas dans leurs péchés, estimant qu'ils n'auront plus rien à craindre. En matière d'application du principe «de commanderie du bien et de l'interdiction du mal» (al-amar bi-l-ma'rûf wa-l-nahy 'an al-monkar), il faut y aller doucement et ne pas être brusque, afin que leur amour propre ne les pousse pas à s'obstiner dans le mal.

Ainsi, selon l'Imâm 'Alî Ibn al-Hussain (p):

«La dernière recommandation du Prophète al-Khidhr au Prophète Mûsâ Ibn 'Imrân était: Ne déshonore personne pour son péché».(32)

Quant à l'Imâm al-Sâdiq (p), il dit à ce propos:

«Si une brouille venait à se produire entre toi et ton frère (en Islam), n'exploite pas contre lui un péché qu'il aurait commis pour le déshonorer».(33)

Mais si ces gens se mettaient à pécher publiquement et à commettre leurs péchés ouvertement, la situation est différente, et l'attitude à adopter à leur encontre doit être ferme: il faut les empêcher, le cas échéant, de force, les dénoncer publiquement, mettre les croyants en garde contre eux et essayer de les isoler afin qu'ils ne sèment pas la corruption dans la société, car la Charia nous commande dans un tel cas de figure de les regarder et de les confronter avec un visage sévère et morose.

En effet, selon l'Imâm 'Alî (p):

«Le Messager d'Allah (P) nous a ordonné d'accueillir les pécheurs avec un visage renfrogné».(34)

L'Imâm 'Alî nous enseigne aussi:

«La moindre des choses à faire contre les pécheurs, c'est de leur montrer un visage renfrogné».(35)

La Tradition prête à 'Îsâ Ibn Maryam (Jésus fils de Marie) les propos suivants:

«Faites-vous aimer d'Allah en détestant les pécheurs endurcis, rapprochez-vous de Lui en vous éloignant d'eux, et recherchez la satisfaction d'Allah par votre mécontentement d'eux».(36)
 

Quelques exemples du péché intérieur

1- La volonté de pécher: vouloir commettre un péché constitue en soi un acte harâm (illégal), si cette volonté est suivie d'effet, car en fait la volonté de péché équivaut à un outrage à Allah, et l'outrage à Allah est harâm. Ceci est confirmé par l'unanimité des théologiens. En effet, al-Cheikh al-'Âmelî affirme dans ses "Madârik": «Personne ne conteste l'illicité de la volonté de péché», et selon al-Cheikh al-Bahâ'î il y a consensus unanime sur cette illégalité.

2- L'acceptation du péché: Dans le verset coranique suivant, Allah a reproché aux Juifs contemporains de notre Prophète (P) les crimes de leurs prédécesseurs: l'assassinat injuste de Prophètes, le défi qu'ils leur avaient lancé, les démentis qu'ils avaient opposés à leurs messages, malgré les preuves évidentes qu'ils apportaient:

«Ces gens-là ont dit: "Dieu a conclu une alliance avec nous, nous ordonnant de ne pas croire en un prophète tant qu'il ne nous aura pas montré un sacrifice que le feu consume". Dis: "Avant moi, des Prophètes sont venus avec des preuves décisives, et avec ce dont vous parlez. Pourquoi les avez-vous tués, si vous êtes véridiques"». (Sourate 3, verset 183)

Ainsi, bien que les Juifs de l'époque du Prophète (P) n'aient commis aucun des faits reprochés, Allah les leur reproche, parce qu'ils approuvaient les péchés commis par leurs prédécesseurs.

Selon l'Imâm al-Redhâ (p):

«Celui qui approuve un péché est pareil à celui qui l'aurait commis; et si un homme est tué en orient et qu'un homme en occident approuverait son assassinat, celui-ci sera considéré par Allah comme complice de l'assassin».

L'Imâm 'Alî (p) dit dans Nahj-ul-Balâghah(37):

«O gens! L'approbation générale (d'un péché) appelle une sanction générale. Un seul homme avait coupé les jarrets de la chamelle de Thamûd, mais Allah a généralisé la torture à tous les siens pour avoir généralisé leur approbation de son méfait ...».

Selon Cheikh Mohammad Hassan al-Najafî, dans son "Encyclopédie jurisprudentielle", chapitre de "Al-Amr bi-l-ma'rûf wa-l-nahy 'an al-monkar" (La commanderie du bien et l'interdiction du mal): «L'approbation de l'interdit est un interdit. Il faut détester l'interdit et y répugner».

3- Penser à ce qui est interdit: est interdit, lorsque le fait d'y penser risquerait de conduire à commettre l'interdit, dans les autres cas ce fait de penser à l'interdit est très détestable, corrompt le coeur et lui ôte sa pureté.

4- L'amour de ce monde dans le sens de l'attachement excessif et exclusif à la vie d'ici-bas.

En effet le Messager d'Allah (P) dit:

«L'amour de la vie d'ici-bas est à l'origine de tous les actes de désobéissance et le début de tous les péchés».

L'Imâm 'Alî (p) dit sur le même sujet:

«L'amour de la vie d'ici-bas est la tête des troubles et l'origine des épreuves».

Selon L'Imâm al-Sadiq (p):

«L'amour de ce bas-monde est la mère de toutes les fautes».

En un mot «l'attachement à la vie d'ici-bas» est l'un des traits caractéristiques des mécréants auxquels Allah promet une torture sévère:

«...Malheurs aux mécréants! Ils subiront un dur châtiment. Ceux qui préfèrent la vie de ce monde à la vie dernière détournent les hommes de la voie de Dieu et ils voudraient la rendre tortueuse: voilà ceux qui se trouvent dans un profond égarement». (Sourate Ibrâhîm, 14: 2-3)

L'amour de ce monde n'est pas seulement l'une des causes de la mécréance, mais pourrait aussi conduire à ce qui est plus préjudiciable que la mécréance, en l'occurrence, l'ouverture du coeur à la mécréance:

«... mais ceux qui, délibérément, ouvrent leurs coeurs à la mécréance, ceux-là ont sur eux la colère d'Allah et un terrible châtiment les atteindra. IL en est ainsi, parce qu'ils ont préféré la vie de ce monde à la vie future. Allah ne dirige pas les mécréants» (Sourate al-Nahl, 16: 106-107).

5- La haine et la rancune contre un croyant sont deux maladies de coeur

Le Coran nous suggère cette prière de demande (Do'â'):

«Ne mets pas dans nos coeurs de rancune envers les croyants. Notre Seigneur! Tu es, en vérité, Bon et Miséricordieux!». (Sourate al-Hachr; 59: 10)

Et Allah ôte la rancune des coeurs des croyants, au Paradis en récompense de leur effort en vue de chasser la rancune de leurs coeurs dans le bas-monde:

«Nous avons arraché de leurs coeurs la haine qui se trouvait encore. Les ruisseaux couleront à leurs pieds. Ils diront: Louange à Allah qui nous a conduits ici. Nous n'aurions pas été dirigés, si Allah ne nous avait pas dirigés...». (Sourate al-A'râf; 7: 43)

Et

«Certes les pieux seront dans des jardins avec des sources. "Entrez-y en paix et en sécurité". Et Nous aurons arraché toute rancune de leurs poitrines: et ils se sentiront frères, faisant face les uns aux autres sur des lits. Nulle fatigue ne les y touchera. Et on ne les en fera pas sortir». (Sourate al-Hijr; 15: 45-48)

Notons que beaucoup de Hadiths soulignent l'illicité de la haine et de la rancune contre les croyants, ainsi que de la rupture avec eux.

En effet le Messager d'Allah (P) dit:

«Pas de rupture au-delà de trois jours. Il est illégal pour un Musulman de rompre avec son frère plus de trois jours».

L'Imâm al-Sâdiq (p) dit:

«Iblis (Satan) demeure joyeux tant que deux Musulmans restent en rupture. Et dès qu'ils se réconcilient, ses deux genoux se serrent et ses jointures se déchirent, et il s'écrie "Malheur à moi!"»

Mufadh-dhal Ibn 'Omar rapporte: Un jour j'ai entendu l'Imâm al-Sâdiq dire: «Chaque fois que deux hommes en viennent à la rupture, l'un d'eux et peut-être tous les deux méritent la désapprobation et la malédiction». Mut'ib lui demanda alors: «Qu'Allah me sacrifie pour toi! L'un des deux est injuste, d'accord, mais pourquoi l'autre, lequel est victime d'injustice?» L'Imam répondit: «Parce qu'il n'invite pas son frère à la réconciliation et n'oublie pas son offense».

D'autre part les Imâms d'Ahl-ul-Bayt (p) insistent sur la nécessité de l'entente et de la cordialité entre les croyants. Ainsi, l'Imâm al-Bâqir (p) dit:

«Satan incite les croyants à se brouiller entre eux. Et lorsqu'il parvient à les conduire à la rupture, il jubile: "J'ai réussi!". Qu'Allah entoure donc de Sa Miséricorde quiconque réconcilie deux de nos adeptes (en rupture)! O Croyants! Sympathisez les uns avec les autres et réconciliez-vous!»

De même les Imâms d'Ahl-ul-Bayt (p) insistent sur la nécessité d'accepter l'excuse du croyant lorsqu'il se rend compte de sa faute envers son frère musulman et lui demande pardon.

Ainsi, l'Imâm Zayn al-'Âbidine (p) dit:

«Si un homme qui se trouve à ta droite venait à t'injurier, et qu'il se déplace à ta gauche par la suite pour te demander pardon, pardonne-le».

6- Tromper un Croyant: est un acte interdit. Beaucoup de Hadiths le confirment.

Le Prophète (P) dit à ce propos:

«Quiconque passe la nuit en ayant dans son coeur l'intention de tromper son frère musulman, il aura passé la nuit en s'attirant le mécontentement d'Allah, lequel mécontentement continue lorsqu'il se réveillera et jusqu'à ce qu'il se repente et se défasse de sa mauvaise intention».

L'Imâm al-Sâdiq (p) dit à ce même propos:

«Allah n'acceptera aucune (bonne) action tant qu'il garde dans son coeur une mauvaise intention à l'encontre de son frère croyant».

Conclusion

Il ressort de ce qui précède que:

1- Le Coran est la première référence de la zone intérieure de la personnalité de l'homme et c'est là qu'on voit évoquer le péché intérieur et la turpitude intérieure.

2- Le Coran considère l'homme comme étant responsable aussi bien de sa conduite extérieure que de sa conduite intérieure. Son coeur et son for intérieur assument leur responsabilité tout comme ses membres et ses sens:

«L'ouïe, la vue et le coeur: sur tout cela, en vérité, on sera interrogé». (Sourate 17, verset 36)

3- Le coran déclare comme interdits les péchés et les turpitudes qu'ils soient intérieurs ou extérieurs:

«Abandonnez le péché extérieur et intérieur». (Sourate 6, verset 120)

«... Eloignez-vous des péchés abominables, apparents ou cachés». (Sourate 6, verset 151)

4- Il y a une corrélation évidente entre l'intérieur et l'extérieur du péché. Le péché intérieur est la base du péché extérieur, de même que l'intention est le fondement de toute bonne action, et que pour Allah celle-ci n'a aucune valeur sans celle-là.

5- Le péché intérieur est une sorte de maladie de coeur. De même que le péché intérieur n'émane que d'un coeur malade, de même la bonne intention n'émane que d'un bon coeur.

Cette corrélation entre le coeur et l'action est soulignée dans la culture islamique.

7- Le coeur malade conduira en Enfer et le bon coeur au Paradis.
 
 

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Annexe

L'éducation du coeur selon le Hadith
 

Le Prophète (P) dit:

--Ne parlez pas beaucoup en dehors de l'invocation d'Allah, car le bavardage hors du cadre de l'invocation d'Allah durcit le coeur. Or le plus éloigné d'Allah parmi les gens est celui dont le coeur est endurci.(*)

--L'abandon des actes d'adoration (d'Allah) endurcit le coeur.(*)

-- (Le Prophète a conseillé à un homme qui s'est plaint auprès de lui de la dureté de son coeur:)
«Si tu veux que ton coeur s'attendrisse, nourris l'indigent et pose ta main sur la tête de l'orphelin (en signe d'affection)»(*)

--Accoutumez vos coeurs à la tendresse en pensant souvent à Allah et en pleurant par la crainte d'Allah(*)

-- Le plus haut degré de la cécité, c'est la cécité de l'égarement qui surviendrait après la guidance, et la pire des cécités est la cécité du coeur.(*)

-- Garde-toi de trop rire car l'excès du rire fait mourir le coeur. (*)

-- L'invocation d'Allah guérit les coeurs.(*)

-- Quatre choses corrompent le coeur et y font pousser l'hypocrisie comme l'eau fait pousser les plantes: l'écoute des distractions, la vulgarité, frapper à la porte du Sultan (Pouvoir), la recherche de la chasse.(38)

-- Certes les curs ont des rouillures pareilles aux rouillures du cuivre. Enlevez-les donc par l'istighfâr (le demande de pardon à Allah)(39) et la récitation du Coran.(40)

-- Les actes seront jugés selon les intentions (qui les motivent et qui se forment dans les coeurs). L'homme n'aura que le résultat de son intention. Quiconque aura émigré pour Allah et Son Prophète, son émigration sera considérée comme telle. Et quiconque aura émigré pour gagner un bien matériel ou pour s'accoupler avec une femme, son émigration sera comptée comme telle.(41)

-- Lorsque Allah veut le bien à un serviteur, il en fait un auto-prédicateur qui s'ordonne (ce qui est bien) et s'interdit (ce qui est mal).(42)

--Allah ne regarde pas votre corps ni votre image, mais votre cur.(43)

-- Le vrai aveugle n'est pas celui dont la vue est atteinte de cécité, mais celui dont la lucidité est aveuglée.(44)

-- Ton pire ennemi est ton "toi-même" qui habite entre tes deux côtés.(45)

-- O Abû Tharr! Crois-tu que la richesse c'est l'abondance des biens matériels? Certainement pas. La vraie richesse c'est la richesse du cur et la vraie pauvreté c'est la pauvreté du cur.(46)
 

L'Imâm 'Alî (p) dit:

-- Purifiez vos coeurs de la crasse des mauvaises actions, vos bonnes actions seront redoublées.(*)
--Purifiez vos coeurs de la rancune, car celle-ci est une maladie endémique.(*)
-- Les coeurs purifiés des serviteurs sont les points de mire du regard d'Allah, quiconque donc purifie son coeur, aura droit au regard d'Allah.(*)
-- Les larmes ne s'assèchent que lorsque les coeurs sont durs, et les coeurs ne s'endurcissent que par l'abondance de péchés.(*)
-- L'abondance des biens (de l'argent) corrompt la religion et endurcit les coeurs.(*)
-- Apprenez le Coran, car il est la meilleure des paroles, approfondissez-le, car il est le printemps des coeurs, et soignez-vous par sa lumière, car il est une cure pour les poitrines.(*)
-- Qui a peu de piété, son coeur se meurt, et qui a le coeur mort ira en Enfer.(*)
-- La fréquentation des gens vertueux fait revivre les coeurs.(*)
-- Il n'est pas de douleur plus douloureuse pour les coeurs que les péchés.(*)

L'Imâm al-Hassan (p) dit:
-- Attachez-vous à la réflexion, car elle est la vie du coeur de l'homme lucide et les clés de la sagesse.(*)

L'Imâm al-Bâqer (p):

-- L'aveugle est celui dont le coeur est atteint de cécité, car celle-ci ne frappe pas la vue, mais le coeur qui loge dans la poitrine(*)

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(*) Les Hadith marqués par le signe (*) sont tirés de la Revue "Risâlat al-Thaqalayn, op. cit., Numéro 22, pp. 225-229, cités par Abdul-Qâdir Farajullâh.
 
 

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Publications du Séminaire Islamique de Paris
(La Cité du Savoir)
Livres Traduits, Compilés et Edités par

Abbas AHMAD AL-BOSTANI



1- «Le Coran Rendu Facile», Islamic Seminary, Ed.: Abbas Ahmad Al-Bostani, Paris, 1989, 132 p,

2- «La Rationalité de l'Islam», Groupe d'Auteurs, Ed.: Abbas Ahmad Al-Bostani, Paris, 1989, 192 p,

3- «Philosophie de l'Islam», Beheshti et Bahonar, Ed.: Abbas Ahmad Al-Bostani, Paris, 1990, 544 p, 21.5x14.

4- «Les Credos du Chiisme», Mohamad Redha AI-Mudhaffar, Ed.: Abbas Ahmad Al-Bostani, Paris, 1990, 168 p, 21x14.

5- «Usages et Bons Comportements en Islam», A1-Allamah AI-Majlici, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1990, 104 p, 21x14.

6- «Devoirs envers les Morts», Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1990, 50p, 21x14.

7- «Histoire des Premiers Temps de l'Islam», Sayyed Safdar HUSAYN, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1991, 450 p, 21x14.

8- «Le Guide du Musulman», Ayatollah AL-KHOEI, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1991, 296 p., 14x21

9- «L'Ethique Musulmane», Mohammad Mahdi AL-NARAQI, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1991, 168 p., 21x14.

10- «Universalité de l'Islam», Mohammad Hossayn TABATABAI, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1992, 276 p, 21x14.

11- «L'Ecole d'Ahl-ul-Bayt: Première des Cinq Ecoles Juridiques Musulmanes», Dar Al-Tawhid, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani, Paris, 1992, 212 p, 21x14.

12- «Les Droits de la Femme en Islam», Mortaza MOTAHARI, Ed.: Abbas Ahmad al-Bostani. Paris. 1993, 324 p, 21x14.

13- «Notre Écomie (Iqtiçadonâ)», Sayyed Mohammad Baqer E1-SADR, relié, 510 p, 1995

14- «Élément de Science du Hadith», Mo'assat al-Balâgh, publication de la Cité du Savoir, 118 p, Montréal, 1997.

15- «La Supplication suivie de "Do'â' Komayl"», français, arabe et translittération, nouvelle édition, 74 p, Montréal, 1997.

16- «Les Rites du Pèlerinage de la Mecque» (Manâsik al-Hajj), Ayatollâh Sayyid Ali al-Sistâni, édition, Abbas Ahmad al-Bostani, Montréal, 1997, 254p,21x14.

17- «Le Khoms et ses Statuts», Ayatollâh Sayyid Ali al-Sistâni, édition Abbas Ahmad al-Bostani, Montréal, 1997, 116p., 21x14.

18- «Le Guide Pratique du Musulman» (al-Masâ'el al-Montakhabah), Sayyid Ali al-Sistâni, éd: La Cité du Savoir, 1997, 560 pages, 14x21.

19- «Science et Croyance (Essai sur l'application de la méthode inductive aux Croyances fondamentales de l'Islam): Le Révélateur, Le Messager, Le Message», Sayyid Mohammad Baqir al-Sadr), nouvelle édition.

20- «L'Homme et la Foi», Mortadhâ Motahhari (nouvelle édition), éd: La Cité du Savoir, Montréal, 1998, 88 p, 14x21.

21- «Abû Tharr: Un Compagnon modèle», S.I.P., éd.: La Cité du Savoir, Montréal, 1998, 304 p, 14x21

22- «Le Jeûne de Ramadhân: sa signification et ses statuts», Compilation: Abbas Ahmad al-Bostani, éd: La Cité du Savoir, Montréal, 1998, 112 p, 17x12. (Nouvelle édition)

23- «L'Esprit du Monothéisme», Sayyid Ali Khâmenéi, éd. La Cité du Savoir (Abbas Ahmad al-Bostani), Montréal, 1999, 50 p, 17x12. (ISBN : 2-922223-07-8)

24- «Bilâl, l'Africain: Le muezzin du Prophète (P)», La Cité du Savoir, Montréal, 1999, 180 p, 14x21, (ISBN: 2-9804196-4-8)

25- «Le Mahdi ou la Fin du Temps», éd. La Cité du Savoir, Montréal, 1999, 150 p, 14x21, (ISBN 2-922223-12-4).
 

Livres édités par La Cité du Savoir:
 

En Anglais:

1- «The Emergence of Shi'ism and the Shi'ites», Sayyid Mohammad Bâqir al-Sadr, Montréal, 1997,128p., 21x14.

En japonais:

1- «A First Course in Islam», Publication de «The World Federation», Traduit par Madame Keiko Nishimuta, Montréal, 1997, 30p., 21x14.

2- «The Rights of Women in Islam», Mortadhâ Motahary, Traduit par Madame Keiko Nishimuta, Montréal, 1997, 156p, 21x14.

3- «La Lettre de l'Imam Ali à Mâlik al-Achtar» (sous presse).
 

Adresses: Abbas Ahmad al-Bostani

C. P. 712 Succ. (B)
Montréal, Québec, H3B 3K3
Canada

Site Web: www.bostani.com
E-mail: Abbas@bostani.com
 

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Notes

1. Article de Sayyid Kâdhim al-Hâ'irî, publié in la revue "Risâlat al-Thaqalayn", No 30, 1999, pp.28-39, Qom, Iran.
2. Voir: Sourate al-An'âm (6), versets 12 et 20; Sourate al-A'râf (7), versets 9 et 53; Sourate Hûd (11), verset 21; Sourate al-Mo'minûn (23), verset 103; Sourate al-Zomar (39), verset 15.
3. "Wasâ'il al-Chî'ah", 15/302, Bâb 40, Hadith 14.
4. "Wasâ'il al-Chî'ah", 8/160, Bâb 40, Hadith 3.
5. "Wasâ'il al-Chî'ah", 8/161, Hadith 5.
6. "Wasâ'il al-Chî'ah", 16/96, Bâb 96, Hadith 2.
7. "Wasâ'il al-Chî'ah" 16/95, Bâb 96, Hadith 1.
8. "Wasâ'il al-Chî'ah", 16/95, Bâb 96, Hadith 1.
9. "Wasâ'il al-Chî'ah", 2/312, Bâb 1, Hadith 17.
10. 'Irfân: mysticisme, gnose, théosophie, théosophie mystique.
11. Sourate al-Mo'minûn (23), versets 1-3.
12. Do'â': Prière de demande, supplication.
13. Il est sans doute difficile d'éviter "les propos vains" lorsqu'on se trouve en compagnie des oisifs et des désoeuvrés.
14. "Mafâtîh al-Jinân" (Les Clés des Paradis), Do'â' Abû Hamzah al-Thamâlî
15. Les mubâhât ou les choses permises (neutres) ce sont les actes ou les choses qui ne sont pas illégales, mais qui n'appellent pas une récompense spirituelle. Ils ne seront d'aucune utilité pour la Vie future.
16. "Bihâr al-Anwâr", 7/262.
Remarque: Le troisième trésor dont fait mention le hadith précité appelle quelques remarques :

1- L'évocation de ce troisième trésor confirme le grand mérite du mois de Ramadhân dont le Prophète (P) dit dans son célèbre prône qui porte le même titre: «Dans ce mois (de Ramadhân) vos souffles sont glorification (d'Allah) et votre sommeil adoration (d'Allah)». Cela signifie l'absence du troisième trésor pour le croyant pendant ce mois-ci, puisque même les actes les plus "neutres": respirer et dormir y sont considérés comme des actes d'adoration et feront partie par conséquent du premier trésor. De là d'ailleurs, le Messager d'Allah, qualifie ce mois béni, dans le même prône du "mois de l'hospitalité d'Allah". (voir ce prône et sa traduction dans: "Le Jeûne de Ramadhân et ses statuts", publication de la Cité du Savoir, Abbas Ahmad al-Bostani, Canada, 1998)
2- L'importance ou la nécessité de s'abstenir des "propos vains" qu'évoquent le verset 3 de la sourate 23: «ceux qui évitent les propos vains» et le verset 72 de la sourate 25: «ceux qui, s'ils passent auprès de futilités, s'en écartent noblement», étant donné qu'ils englobent les propos vains neutres, lesquels appellent l'ouverture du troisième trésor et susciteront le sentiment de grand regret.
3- La haute valeur et le grand mérite de la recommandation du Messager d'Allah au compagnon Abû Tharr al-Ghifârî :
«Tâche de former une intention pour tout ce que tu entreprends, y compris le manger et le sommeil», car cela lui évitera l'ouverture du troisième trésor.
17. "Bihâr al-Anwâr", 77/74
18. Voir: Sourate al-Wâqi'ah, 56: 27, 38, 90, 91.
19. "'Uyûn Akhbâr al-Redhâ": 1/49.
20. "Al-Ma-hajjah": 8/156.
21. Les Partisâns ou ançâr étaient les Médinois qui se sont convertis à l'Islam et ont accueilli le Prophète et ses adeptes mecquois après leur émigration à Médine.
22. "Al-Mahajjah" : 8/170.
23. Article du Cheikh Mohammad Mahdi al-Âçifî publié in la revue Risâlat al-Thaqalayn, No. 30, 1999, pp. 75-86, Qom, Iran.
24. "Bihâr al-Anwâr", 73-342
25. "Ghurar al-Hikam" d'al-Âmidî.
26. Id. Ibid.
27. Id. Ibid.
28. Id. Ibid
29. "Nahj-ul-Balâghah", prône No. 230.
30. "Wasâ'il al-Chî'ah", 2/269.
31. "Bihâr al-Anwâr", 74/198.
32. "Bihâr al-Anwâr", 13/294.
33. "Wasâ'il al-Chî'ah", 2/105.
34. "Al-Kâfî", 5/58.
35. "Al-Tah-thîb", 6/176.
36. "Jâmi' al-Sa'âdât", 3/178.
37. Prône No. 201.
38. Relaté par al-Daylamî dans "Musnad al-Furdaws".
39. Istighfâr: dire Astaghfir-ullâhu = Je demande pardon à Allah, ou je me repens auprès d'Allah.
40. "Uçûl al-Kâfî": 1/41.
41. "Jâmi' al-Burûjirdî": 1/99, al-Muqaddamât.
42. Rapporté par al-Daylamî dans "Musnad al-Furdaws.
43. Rapporté par Muslim dans son "Sahîh", en rapportant le témoignage d'Abû Hurayrah.
44. Rapporté par al-Bayhaqî.
45. Rapporté par al-Bayhaqî dans "Al-Zuhd".
46. Rapporté par al-'Askarî en citant le témoignage d'Abû Tharr.