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Deux conceptions au sujet des plaisirs de ce monde. L'homme ne pourrait faire face au danger de désintégration de sa personnalité morale, et élever un puissant barrage autour d'elle, que s'il parvenait à la certitude religieuse, et à ajouter foi à la révélation qui lui enseigne que la souffrance et la joie ne sont pas vaines, et ne disparaitront pas de l'existence. En effet, nous ne nous dirigeons pas vers le néant, mais nous sommes dans un mouvement permanent vers le Créateur - qu'Il soit exalté-. Et cela veut dire que nous demeurons sur cette terre à titre provisoire, jusqu'au jour de la Résurrection où nous serons transférés de l'étroitesse de la terre à l'étendue du lieu d'éternité où nous jouirons de la Clémence du Juste et des faveurs infinies qui nous y seront accordées. C'est la croyance en l'existence de la vérité éternelle qui confère à
l'homme honneur et valeur. C'est aussi la foi qui lui confére un statut
supérieur. Le penseur français Jean Bodin dit: Lorsque l'homme réalise une purification de sa pensée, et s'éloigne
des excès d'impulsivités et des passions instinctives qui souillent son
âme, il s'élève au-dessus des contingences, et se dirige vers la beauté de
la nature. Si l'on considérait l'ici - bas comme un lieu d'examen et de mise à l'épreuve, et l'au - delà comme un prolongement - de niveau supérieur - de la vie terrestre, et si le corps était envisagé comme un organe d'exécution et un moyen d'expression des aspirations et désirs, l'humanité d'un tel individu ne se limiterait pas à un cadre clos, mais prendra son essor pour des perspectives plus larges et s'envolerait à des rangs supérieurs, ajoutant ainsi à sa vie un sens authentique. * * * Si nous faisions une évaluation de l'influence (du rôle) de la croyance en l'au-delà dans la préservation de la stabilité sociale, et la lutte contre l'expansion des vagues de corruption, de trahison et de violations des lois, nous aboutirons à cette conclusion que la croyance en la résurrection est la seule force pouvant retenir l'âme rêtive de l'homme de commettre des crimes et des péchés, et de servir d'un facteur de dissuasion préservant l'homme des élans des passions. Un tel homme se conformerait, sans ostentation, à une série de préceptes moraux authentiques et les appliquerait avec scrupules, sans besoin d'une contrainte extérieure. L'élévation du niveau culturel, économique ou technologique, la multiplication et l'extension des instruments juridiques ne pourraient à elles seules concrétiser cet objectif, et une société dotée de ces seuls moyens ne pourrait s'assurer un équilibre et une stabilité. Nous assistons aujourd'hui à des vagues croissantes de corruption, d'injustice, et de violence, dans les pays très riches sur le plan culturel, économique, et bien équipés au point de vue juridique. Bien que ces pays possèdent des appareils policiers bien organisés et des moyens sophistiqués pourvus par les progrès scientifiques et industriels leur permettant de maîtriser les différentes forces sociales, ils n'ont pas pu tenir en laisse l'âme récalcitrante, et empêcher les facteurs de désordre et de déviation. La vague de corruption s'est alors étendue, défiant les moyens perfectionnés à la disposition de l'ordre qui n'ont pas pu remplacer la force de la foi capable d'ordonner de régir les âmes, et d'empêcher la déviation. Ceux qui à notre époque sont las des situations prévalant dans leurs sociétés, et en subissent le poids, sont nombreux, mais ils sont inaptes à présenter quoique ce soit en vue de les améliorer, tout comme ils sont incapables de déterminer leur avenir. Une société régie par une culture morbide doit forcément présenter de
nombreux aspects attristants et répugnants. La culture malade signifie
absence de but, pessimisme, et croyance dans l'inutilité de la vie, et
parmi les caractéristiques attestant de l'état d'une telle culture, il y a
l'égarement idéologique. La science moderne, outre qu'elle a éloigné l'homme de plusieurs domaines - marquant ainsi d'un cachet manifeste, l'humanité entière - ne peut être utile à l'homme que dans la mesure où ce dernier jouit d'une croyance saine, et devient néfaste pour lui dans la même mesure où il se prive d'une croyance juste. Cela, parce que l'homme ne tire pas toujours des conclusions logiques
de ses acquies scientifiques. Par conséquent, si nous voulons que la
civilisation scientifique soit conséquente et utile, il faut y promouvoir
la foi authentique. C'est cette foi en la demeure éternelle qui élargit les horizons à
l'homme, et lui permet de connaître intérieurement des transformations
qualitatives, s'élargissant de plus en plus, les unes recouvrant les
autres à la manière de vagues successives, jusqu'au point d'acquérir une
maîtrise totale de ses désirs et de ses folles aspirations. Il sera à même
d'en étouffer les méfaits, et d'en tirer les bienfaits dans le cadre vaste
de la vie. Il maîtrisera toutes ses forces et potentialités. Enfin, il
attendra la récompense sublime et échappera au terrible châtiment, et
s'abstiendra de se comporter déraisonnablement dans l'exploitation qu'il
fera des biens terrestres. Quand il quittera ce moule corporel qui est l'expression d'une vie non - durable, et qu'il fuira l'atmosphère étouffante de la terre, les portes de l'Autre monde s'ouvriront devant lui, et il jouira alors de délices auxquels on ne peut comparer aucun des biens de ce monde. * * * Tant que l'homme sera dans ce monde, son coeur ne cessera pas d'aspirer et de désirer. Cependant, quand il se réfugie dans la foi, et qu'il sait que les occasions sont limitées dans ce monde, que les gains sont illusoires, -et que même lorsqu'il les remporte, il ne peut se les préserver à jamais- que les joies et les plaisirs authentiques ne se limitent pas à ce bref séjour, alors il ne se laissera pas dominer par les aspirations successives qui cherchent à l'asservir et à détruire son âme, tout comme il ne se laissera pas gagner par la tristesse et la contrition, car ses mains n'auront pas beaucoup touché aux plaisirs et délices. Son attitude devant les gains matériels ne sera pas celle de celui qui
s'agite, se montre hâtifet inquiet que sa richesse s'épuise avant sa
mort. Outre cela, son attitude d'indifférence à l'égard des biens de ce monde confere à l'homme la stabilité, et sans doute la sérénité d'âme confère un plaisir complémentaire aux autres plaisirs de la vie conforme aux normes religieuses.
«Etre mortel et périssable, irai-je me former des noeuds sur cette
terre, ou tout change, ou tout passe, et dont je disparaîtrai demain? Ô
Emile, ô mon fils! en te perdant, que me resterait-il de moi? Et pourtant
il faut que j'apprenne à te perdre; car qui sait quand tu me seras oté?»
Oui, quand en l'âmejaillit une source de foi authentique, et quand elle sera persuadée de son éternité, elle sentira en elle un supplément de force et une puissance étonnante. L'homme se sentira alors en mesure de renoncer à l'attachement absolu aux valeurs terrestres instables. Il deviendra en réalité le possesseur du monde, et éprouvera un calme né de sa fermeté devant les caprices de l'âme, et des autres aspects trompeurs de ce monde. Sa voix plaintive ne s'élèvera plus quand il fera face à une perte ou à un accident soudain, tout comme il ne se laissera pas devenir la proie des illusions, ou de l'égocentrisme, quand il remportera un succès, ou rencontrera un évènement joyeux. Toutes les choses qui poussent les autres à se perdre ne pourraient avoir d'effet sur lui, autre que bénéfique. Parmi les caractéristiques propres et précieuses de l'homme ayant foi dans le dogme de la résurrection, il y a le fait qu'il est conscient de ce que son avenir repose sur la qualité de ses oeuvres ici-bas. Pour cette raison, ses actes seront sincères, dépouillés de toute ostentation, purs, nets, sans apparence trompeuse. Outre qu'elle élève qualitativement les oeuvres, une telle croyance les
accroit également quantitativement. Quand à celui dont le coeur ne recèle point la croyance au Jour Dernier, il regarde la plus évidente des réalités d'un regard négatif, car il pense qu'il n'existe pas de compte dans l'ordre de l'existence pour les différentes formes (dimensions) de ses actes. Il s'imagine qu'il ne sera pas brûlé demain par le feu qu'il a allumé aujour d'hui, qu'il ne fera pas face dans l'avenir aux conséquences fatales des actes de corruption qu'il accomplit aujourd'hui. Il vit dans un océan d'illusions, cerné par des vagues d'erreurs, son regard fixé sur toutes sortes de vices, impassible et froid aux vertus morales. Même si un tel homme accomplissait un grand acte, le futur - aveugle et sans but à ses yeux - ne lui sera aucunement reconnaissant. Il se permet pour cette raison même d'être indifférent aux qualités morales et sentimentales, et n'accorde aucune valeur aux valeurs humaihumaines supérieures. Il en sera de même au sujet de la trahison, ou de l'accomplissement de crimes, où il ne redoutera que de tomber sous le coup des peines sociales, croyant qu'aucune autre autorité ne lui demandera compte de ses déviations, de ses forfaits, et ne lui fera infliger le châtiment qu'il mérite. Le défaut principal des lois humaines réside en cela qu'elles proclament que la vie humaine s'achève avec la mort, et que toutes les questions sont envisagées en fonction des désirs affectifs de la majorité. Quand aux législations d'origine céleste, elles empruntent une autre méthode reposant sur le principe de l'éternité de la vie humaine, ininterrompue avec la mort. Par conséquent la système préconisé par ces législations est conforme à cette orientation intellectuelle. Il faut insister sur ce fait que la science et la pensée humaines ne sauraient jouer le rôle de la religion dans l'élaboration des dimensions sublimes de l'existence humaine, et la réalisation de transformations radicales en son âme. La chute des hommes dans l'abîme de la dégradation, et l'apparition des agitations sociales résultant de ce même système intellectuel, résident dans l'incompatibilité de ces lois et réglements avec la nature (fitrât) humaine. Sûr de cela, l'homme religieux exécute les lois qu'il croit faire partie des prescriptions éternelles, et entame sa marche vers le monde de la permanence, en dominant son temps, et un tel homme est au-dessus de toute évaluation avec les moyens limités du savoir humain. * * * |