Chapitre XIV LA PEUR ET L'ESPOIR La peur des instincts primaires, qui fait partie des différentes
natures de tout être vivant, produit cet état quand on fait face à un
danger. Dans la lutte pour la vie, lorsque l'homme se retrouve à la
croisée des chemins, la fuite, la mort, la blessure, la peur sont des
éléments décisifs qui le pousse à conserver la vie. Ainsi, la finalité de
la peur c'est de préserver l'individu des dangers qui le menacent. En réalité, cette peur trouve sa source dans la personalité même de
l'individu, car lorsqu'on se sent menacé on croit qu'on nous a ôté le
pouvoir de décider et de choisir et qui'l faille, dès lors, trouver chez
les autres le modèle de comportement à suivre dans la vie. Les études des spécialistes ont prouvé que beaucoup de gens sont
perturbés à cause de la peur. Plus encore, cela pourrait leur nuire
davantage s'ils portent plus d'intérêt à autre chose qu'à leur propre
santé. A partir du moment où cette peur ne s'explique pas, que ces craintes et phobies se réalisent ou non, cet état d'esprit n'apporte à l'homme que perte de temps et affaiblissement de ses forces physiques et morales, alors que celles-ci lui sont nécessaires aux instants critiques pour faire face aux évènements éprouvants de la vie. L'état de peur et de panique prend des formes et des configurations différentes, ainsi que le dit le Dr Költz: "N'as-tu pas confiance en toi, au point de te sentir incapable de faire face aux difficultés de la vie? N'éprouve-tu pas une grande et douloureuse honte? N'as-tu pas ressenti de la douleur en compagnie d'autrui et n'éprouve-tu pas du trouble et de l'anxiété quand tu rencontre des gens inconnus? N'es-tu pas plus à l'aise seul? Si oui, C'est que tu as peur. "As-tu l'impression que les gens te croient dénué de compréhension? Ils
ne te comprennent pas bien et c'est pourquoi ils s'opposent à toi.
Pense-tu au passé et à ce que tu as laissé échapper, avec regret?
Resens-tu ta négligence et éprouve-tu du regret par rapport à une chose ou
à quelqu'un dans un passé éloigné? Si l'individu est déterminé et résolu à s'en tenir aux principes qu'il
s'est fixé dans l'existence, alors il supportera toutes les épreuves et
les difficultés avec une âme forte, se défendant de tout désespoir et de
toute soumission. Shakespeare disait: Chasser la peur et l'illusion de l'esprit et les remplacer par des espoirs et des rêves sensés est chose possible pour tout le monde et à tout instant. Cependant, quelle que soit la force de l'individu et sa détermination et quelle que soit la noblesse de son objectif, il ne peut, parfois, chasser certaines habitudes d'un seul coup. Il convient plutôt de les abandonner de manière graduelle, et il ne suffit pas pour cela que l'homme soit conscient de leur nocivité, il faut également qu'il agisse et fournisse l'effort nécessaire intellectuellement pour chasser les idées fausses et les illusions. Ainsi,il pourra réunir le, conditions de la réussite. Tout comme la lampe qui ne s'allume que lorsqu'on appuie sur
l'interrupteur et qui ne s'éteint que lorsque celui-ci est actionné à
novueau, l'homme doit, quand la crainte commence à dominer son esprite,
allumer la lampe de ses pensées et ouvrir son esprit aux lumières de la
vie pour décharger son âme du poids de la peur irraisonée. "La vertu" en psychologie est le terme intermédiaire entre le laxisme
et la négligence, alors que le "courage" est une vertu qui se place entre
l'impertinence et l'imprudence et entre la peur et la lâcheté. Celui qui
se situe loin de la peur et de l'impertinence est courageux. La découverte
des nouvelles terres, des sources de richesses, est liée au courage
d'hommes valeureux, à l'instar des sciences et des inventions. Sans l'audace, les révolutions sociales et intellectuelles n'auraient
pu aboutir. Le rôle que joue cette qualité morale dans les progrès
matériels et spirituels des hommes, ainsi que dans les résultats de leurs
expérience scientifiques, impose aux esprits les plus obtus et les plus
sceptiques le respect et la considération. Cela est confirmé par ce que
nous observons des activités des hommes d'esprit créatifs
contemporains. Certains ont maints projets et théories réformistes et d'innombrables
idées scientifiques d'un intérêt certain, mais qu'ils n'expriment pas
parce qu'ils sont dominés par la peur et l'appréhension. Ils sont, en
réalité, tout à fait capables et habiles, mais il leur manque du courage
et de l'audace, car bien qu'lls aIent profondément foi en leurs
convictions et opinions, ils n'osent pas les défendre contre les critiques
acerbes de leurs détracteurs. Les raisons et motifs qui conduisent les individus à cet état doivent
être étudiés et analysés pour pouvoir se libérer et arriver à exprimer
leurs pensées, sans peur ni honte. L'homme peut être imaginatif et
courageux durant son enfance, mais souvent surviennent des évènements qui
empêchent ces qualités de se développer ou bien les parents et éducateurs
répriment en lui ces tendances positives, par ignorance ou
indifférence. L'ignorance des signes de la vie Parmi les éléments essentiels qui transforment le trouble et
l'incertitude en une plénitude, il est celui de l'ignorance à propos des
signes de la vie. L'homme sage sait pertinement que la vie humaine est un
mélange savant de malheurs et de bonheurs qui appelle l'homme à rester sur
ses gardes et à conserver son sang-froid à tout instant. Walter disait: "L'homme doit avancer dans la vie en étant bien armé et ne pas affronter le danger sans armes. Ceux qui agissent ainsi sont des gens faibles que l'on voit toujours se plaindre des aléas de la vie, de ses difficultés et de ses obstacles. Tant que l'on est prêt et disposé à faire face à toute éventaulité, gardant espoir de surmonter l'obstacle quel qu'il soit, ne montrez ni faiblesse ni découragement, mais résistez bravement autant que possible". La connaissance et la recherche des pourquoi des choses est un moyen susceptible de réduire la peur qui nous étreint. L'homme voit la pression de la peur qui l'habite diminuer à mesure qu'il progresse dans la science et le savoir et que se développe sa raison. Ainsi, plusieurs facteurs qui étaient, auparvant, source de peur pour l'homme primitif ou demi-civilisé ont disparu chez celui qui, aujourd'hui, jouit des fruits de la connaissance et de la raison. Les expériences ont démontré que la connaissance transforme la solitude
destructrice en paix et quiétude. Selon cette vérité établie, tous les
psychologues affirment que la connaissance de l'objet étranger et des
raisons de l'apparition de la peur est la condition sine qua non du
traitement des troubles psychologiques et des phobies
inexpliquées. Un penseur américain disait: "Tout rejet de l'amour et de l'égalité dans les relations sociales et les amitiés amène une punition extrême qui est-comme nous le verrons-la peur et l'angoisse. Du moment que j'ai de bonnes relations avec mes parents ou mes semblables, je n'ai rien à craindre lorsque je les rencontre, car nos esprits s'accordent conformément aux lois qui régissent la nature; tout comme l'eau rencontre l'eau et que l'air se mélange à l'air. Cependant, dès l'instant où l'un d'entre nous abandonne la simplicité, la sincérité et la bonté, pour tendre à se dissocier, comme par exemple lorsqu'un voisin souffre et que l'on n'aura pas fait pour lui ce que l'on voudrait que les gens fassent pour soi-même, alors il s'éloignera de nous autant que nous nous serions éloignés de lui. C'est alors le début d'une animosité qui engendrera méfiance et peut être même peur. "Toutes les formes d'injustice sociale, d'une manière générale, de même que l'accumulation des richesses et des forces sont l'objet de la vengeance de la nature. Quand apparait le mal apparait la peur. La peur est un rapace qui est à la recherche de cadavres à dévorer et donc là où se trouve la peur se trouve la mort. La peur a, durant des siècles, été présente dans nos lois et nos coutumes et a dominé ceux qui nous gouvernaient. L'existence de ce rapace détestable n'est pas fortuite, car, en vérité, elle prouve la présence de zones d'ombre qu'il faut dissiper".2 La peur et l'espérance humaine "La peur et l'espoir" se chevauchent chez tout être humain pour se
développer et croître côte à côte. La peur de la maladie, de la douleur,
de la pauvreté et de l'impuissance sont des sentiments qui plongent leurs
racines au plus profond de l'être. D'un autre côté, l'homme espère en la
sécurité, la sérénité, le pouvoir... Chaque fois qu'un espoir se réalise,
une plus grande espérance se développe dans son coeur. Au contraire de celui dont l'esprit s'est libéré des contingences et
désirs matérialistes qui ne dispersera pas son énergie à réaliser de tels
objectifs, sans se fixer des conditions et des limites. L'Islam observe que quel que soit le motif de la peur ordinaire, celui-ci ne saurait être le plus nocif ou le plus bénéfique et donc ne mérite pas qu'on en ait peur. Craindre Dieu mérite plus d'attention, comme le dit le Coran: "Dis: Oui vous attribue la nourriture du ciel et de la terre? ou qui est ma ître de l'ouie et des regards et qui du mort fait sortir le vivant et du vivant fait sortir le mort et qui administre le commandement? Ils vous diront "Dieu". Dis alors: N'allez vous donc pas vous comporter en piété?".3 D'autre part, l'homme ayant aussi des désirs matériels et physiques, l'Islam n'a pas interdit à quiconque de prendre des plaisirs et des loisirs dans un cadre licite et moral, n'empêchant personne de s'intéresser aux choses terrestres. Il tente, cependant, de mettre en garde contre tout espoir trompeur et d'inciter l'homme à adopter des principes nobles. Il attire son attention afin qu'il ne soit pas trompé par les plaisirs passagers et qu'il ne sombre pas dans un état de soumission totale aux instincts. Le Coran dit: "Et cette présente vie n'est qu'amusement et jeu. La demeure dernière, cependant, C'est elle la vivante! S'ils savaient".4 L'insistance des préceptes islamiques prônant la crainte de Dieu est,
en réalité, liée à la peur des conséquences des actes de l'homme. Cette
peur n'est pas nuisible quand elle a un interêt certain et concerne tous
les domaines d'activité utile de l'homme. la peur des conséquences d'actes
malveillants décuple l'attention et la réflexion de l'homme dans son
comportement. Elle canalise les instincts et penchants nuisibles pour les
réduire et transforme l'homme en un être bien structuré et discipliné. La
foi en Dieu qui n'est pas accompagnée d'une crainte de sa personne ne peut
que conduire à de terribles déboires. Al Faydh Al-Kachani rapportait dans son encyclopédie morale que l'Imam Al-Sâdiq disait: "La peur est le gardien du coeur et l'espoir est l'intercesseur de l'âme. Qui connait la réalité de Dieu le craint et espère en Lui car ces deux sentiments sont les ailes de la foi qui porteront l'homme vers l'agrément de Dieu. Ils sont les yeux à travers lesquels l'homme discerne la promesse de Dieu et ses menaces afin de faire le bien et d'éviter le mal. L'espoir en la bonté divine illumine le coeur, tandis que la peur détruit l'âme".5 Ainsi, l'élément motivant, chez les gens de savoir et de foi, qui craignent le juste châtiment de Dieu et qui se conforment à ses commandements, est cette même obéissance et soumission à leur Créateur. La crainte des conséquences des actes que l'on entreprend représente un avertissement qui pousse l'homme à rester sur ses gardes et à réfléchir aux différentes traductions de ses responsabilités afin de se protéger de la souillure des pêchés. Le Coran affirme que la science conforte la crainte du Seigneur, crainte qui apporte le discernement au croyant: "Rien d'autre: craignent Dieu, parmi Ses esclaves, ceux qui savent".6 Nul doute q ue la science qui fait franchir à l'être humain les degrés de la connaissance est, pour Dieu, un moyen de purification et de rédemption. C'est cette science consacrée à la plénitude de l'âme qui conduit le savant à l'adoration de Dieu et à la soumission à Son pouvoir absolu. Cette science préserve la raison et l'esprit de la souillure, c'est même un élément central dans la pensée et la réflexion sur la création et la puissance divine: "Qui, debout, assis, couchés, se souviennent de Dieu et méditent sur la création des cieux et de la terre: Seigneur, Tu n'as pas crée cela en vain. Pureté à Toi! Garde-nous donc du châtiment du feu".7 Plus encore, le Coran insiste sur le fait que le salut et le discernement sont un bienfait découlant de la crainte de Dieu: "Bientôt se rappellera quiconque craint".8 Aicha interrogea le Prophète (que le salut soit sur lui): Est-ce qu'il s'agit de l'homme qui fornique, vole et boit le vin et qui quand même craint Dieu? Que le salut soit sur lui dit: "Non pas. Mais l'homme qui jeûne, donne l'ôbole et prie et qui craint malgré cela que Dieu ne l'accepte pas".10 Cheikh Tabrassi rapportait que l'Imam Al-Sâdiq a dit: La peur réprouvée est cette peur qui naît de la faiblesse et de
l'immobilisme qui n'empêche pas seulement l'homme de progresser mais lui
barre le chemin du bonheur. C'est pourquoi les savants musulmans ont
toujours tenté d'exhorter leurs correligionnaires à secouer le joug de la
peur par des programmes éducatifs en puisant dans la force de la raison et
de la foi. "Prétend-tu que tu peux ressentir l'instant où l'attaque se solde par
la victoire ou l'instant néfaste où l'attaque se solde par la déroute? Qui
se fiera à toi alors aura renié le Coran et renoncé au recours à Dieu dans
la recherche de la chose souhaitée et dans le rejet du malheur. Tu cherche
à ce que celui qui croît à tes dires te loue en lieu et place de Dieu, car
par tes propos tu prétends l'avoir orienté vers l'instant où il aura
obtenu le meilleur et évité le pire! Sur ce, le Calife ordonna à ses troupes de marcher sur l'ennemi en se reposant sur Dieu, sans prendre en compte ces dires fallacieux et sans conséquences. La bataille tourna en défaveur des Kharidjites et consacra la victoire des armées de l'Imam Ali (que le salut soit sur lui). Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) avait aussi coutume de dire à
ses compagnons: Les psychologues disent: "Nous rencontrons, quotidiennement, une multitude de gens que domine la peur et qui se sont soumis à son étreinte. "Nombreux sont ceux qui se sont abstenus de participer aux activités sociales du fait de leur peur et de leurs angoisses et c'est pourquoi ils renoncent aux responsabilités qui sont les leur. "Beaucoup d'étudiants interrogent leurs professeurs avec crainte et
c'est ainsi que ce sentiment les étreint lors des examens, au point qu'ils
ne peuvent ni s'exprimer ou écrire ce qu'ils ont appris. De même, un grand
nombre de gens ne reconnaissent pas leurs erreurs par peur d'être l'objet
de critiques tandis que d'autres ne peuvent pas dire "non" de crainte des
conséquences. "Chacun dans sa vie a besoin de courage et d'audace, d'une façon ou
d'une autre, et il est préférable que ces qualités apparaissent dès le
stade de l'enfance car quiconque désire vivre selon la raison doit s'armer
de courage et de témérité, nécessaires en cas de besoin. Aujourd'hui, bien que les hommes aient obtenu de grands succès sur les
éléments naturels, ils demeurent malgré cela dans la crainte de l'avenir,
de la maladie, de la désillusion et de l'échec dans la vie. Le Prophète (que le salut soit sur lui) disait à ce sujet: La faiblesse de la volonté La faiblesse de la volonté trouve sa source dans une peur irraisonée.
Ainsi, l'état de doute et d'hésitation est l'introduction à une peur
profonde, car là où s'installent le doute et l'incertitude disparait la
foi. C'est pourquoi l'homme n'a pas une foi totale devient la proie et le
jouet de ses phobies et de ses angoisses, au point où celles-ci vont
profondément marquer sa personalité et son caractère. Au contraire, le
croyant n'éprouve ni doute ni hésitation car la peur n'a pas accès à son
coeur. Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait, à cet égard aux gens d'Egypte, par le biais de Malek ben Achtar Al-Nakhï: "Et après, je vous ai envoyé un homme de Dieu qui ne dort pas le jour de peur, ne recule pas devant l'ennemi au jour de se défendre, plus dur envers les malfaiteurs que le feu de l'enfer et qui est Malek ibn-el-Hareth, frère de Modhéje. Ecoutez-le et obéissez à ses ordres en ce qui est juste, car il est une des épées de Dieu".16 Lors des évènements de "Ciffin", quand les soldats de Mouawiya bloquèrent la "Chariaa" et empêchérent les hommes d'Ali d'y accéder, le Calife Ali tenta de résoudre le problème par la négociation, afin d'éviter le combat, Cependant, Mouawiya croyait que la conquête par ses soldats de ce puit d'eau était une grande victoire pour lui et refusa ainsi de négocier. Voyant que ses compagnons souffraient de la soif, Ali les harangua en des termes si convaincants et si prenants, fouettant leur courage et leur ardeur, que son discours enflammé souleva dans l'esprit de ses soldats une tempête, ou plutôt une révolution. Leur sang bouillonna de courage et de témérité et ils repoussèrent les hommes de Mouawiya du puit en un seul assaut. Après quoi,ils concèdèrent à leurs adversaires le droit de puiser de l'eau selon leurs besoins.17 Le courage au sens large du terme Nous ne devons pas restreindre le courage aux seuls champs de bataille, car il est présent à toutes les étapes de l'existence et nous devons en profiter. Au sujet de la valeur de cette qualité, le Dr Marden disait: "Tu as besoin de courage quand tu revêts des habits de coton alors que tes amis portent de la soie. Tu as besoin de courage lorsque tu vis dans la pauvreté, avec piété et patience, tandis que d'autres amassent les richesses fraduleusement. Tu as besoin de courage quand tu dis "non" alors que tout le monde dit "oui". Tu as besoin de courage quand les autres thésaurisent l'or, en rompant leurs serments sacrés, tandis qui tu accomplis silencieusement ta tâche. Tu as besoin de courage pour ne pas apparaître autrement que tu n'es, c'est-á-dire que tu as besoin de courage pour ne pas faiblir et supporter l'échec. "Tout jeune homme d'âge tendre qui a peur d'exprimer aux autres ses
pensées finira même par craindre de penser tout court. Certes, aller à l'encontre des gens impertinents, hypocrites, tyrans et dictateurs était une des qualités marquantes de ceux qui ont été éduqués à l'école de l'Islam, car ces hommes préservaient leurs forces morales et spirituelles aux moments les plus critiques (même si certains avaient des défauts d'une autre nature). Il fut rapporté qu'Al-Qomi, d'El-Kachkoul du Cheikh Al-Bahaï, d'El-Ghazali, dit: "Hischam ibn-Abdelmalik demanda aux jours de son règne qu'on lui
présentât un des compagnons du prophète. On lui dit alors: Ils sont tous
morts. Il dit: Alors, leurs disciples. On convoqua Taous El-Yamani. quand
celui-ci pénétra chez le Calife, il ôta ses sandales mais ne salua pas le
Calife par son titre, disant simplement: Que le salut soit sur toi. Il ne
fit pas de révérence non plus et s'asseya en face de lui et
dit: "Hischam s'emporta et dit: Ô Taous, qu'est-ce qui t'a porté à faire ce que tu as fait? Taous demanda: Qu'ai-je fait? Le Calife s'emporta encore plus: Tu as ôté tes sandales et les a déposées au bord de mon tapis, tu ne m'as point salué par mon titre d'Emir des Croyants et ne m'a point appelé par mon patronyme, tu t'es assis en face de moi et m'as dit: Comment vas-tu, Hischam. "Taous dit alors: Quand à ôter mes sandales et les déposer au bord de ton tapis, je les ai ôté en me présentant entre les mains de Dieu cinq fois par jour sans qu'Il s'en emporte contre moi. Quand à tes paroles "Tu ne m'as point salué par mon titre d'Emir des Croyants", tous les gens ne sont pas contents de ton règne, c'est ainsi que je ne voulais pas te mentir. Quand à tes paroles "Tu ne m'as point appelé par mon patronyme", Dieu Lui-même a appelé Ses hommes en disant: Ô David, Ô Josué, Ô Jésus, et a appelé ses ennemis en disant: "Périssent les deux mains d'Abou-Lahab". Quand à tes paroles "Tu t'es assis en face de moi", j'ai entendu le Calife Ali (qui le salut soit sur lui) dire: "Si tu veux connaître un homme voué aux feux de l'enfer, alors regarde un homme assis autour duquel des hommes sont debouts". "Hischam dit: Conseille-moi. Taous répondit: J'ai entendu le Calife Ali (que le salut soit sur lui) dire: Il y a en enfer des vipères plus hautes que des collines et des scorpions plus gros que des mulets qui piquent tout Emir qui ne rend pas justice à ses sujets, puis il s'enfuit".19 La flagornerie, le reflet de la peur La flagornerie est l'image que renvoie un homme dominé par la peur, tandis que le courage est l'élément qui préserve l'homme de la flagornerie et le rattache à la réalité et à la vérité. Pour Waldo Emerson: "Mettons nous en état de guerre et excitions en nous le courage et la droiture. Nous aurons à agir ainsi en temps de paix, de calme et de repos de notre existence en tenant le langage de la vérité. Arrêtez la bienveillance mensongère envers les hôtes et chassez ces aspects d'amour faux. Ne vivez plus dès aujourd'hui comme vivent les gens trompés et trompeurs qui nous côtoient et dites leur. J'ai vècu jusqu'aujourd'hui en me conformant aux règles de la cordialité, mais j'ai décidé, à partir de maintenant, d'être un homme de vérité. sachez que pour le reste de ma vie, je n'obeirais plus à une loi autre que celle éternelle, alors si vous pouvez m'aimer tel que je suis j'en serais plus heureux, sinon j'espère qu'un jour viendra où je mériterai votre amour. Je crois sincèrement à ce que me dicte ma conscience et aux raisons de mon bonheur et j'oeuvrerai inlassablement dans cette voie. "Vous me direz peut être: ce comportement est insupportable pour les amis. Vous dites vrai en cela, mais nous ne pouvons sacrifier notre liberté, nos forces et nos énergies à leur sensibilité. Il arrivera un moment où les gens deviendront plus raisonables dans la vie et lorsqu'ils pénétreront la vérité absolue, ils verront la justesse de mes convictions. Ceci est indéniable".20 Le rapport du courage aux prédispositions innées de l'être humain est du même ordre que celui de la volonté aux capacités et aux énergies. De même que tout homme ne peut rien entreprendre sans volonté, quelles que soient ses qualités, de même tout individu possédant discernement et intelligence ne peut rien réaliser si ses capacités ne sont pas mues par le dynamisme et le courage. Le courageux ne parle pas de faiblesse lorsqu'il fait face aux difficultés et aux dangers, mais supporte les aléas de la vie-nécessaires et inévitables-avec un esprit confiant, acceptant sacrifices et peines. Quand au faible de caractère, c'est cet individu qui nourrit de grands
espoirs sans avoir le courage de les réaliser. Les savants et penseurs
savent parfaitement que nous devons sortir autant que possible du cercle
de l'imaginaire et du rêve pour entreprendre des actes concrets. A défaut,
la faiblesse et le relachement transformeront les choses possibles en
choses impossibles aux yeux de l'homme dénué de volonté. Le plus spectaculaire des actes héroîques est la preuve que leurs
auteurs dominent leur peur et qu'ils l'affrontent avec détermination et
énergie, sans que diminue leur amour de la vie. Il fut rapporté du onzième Imam, Abi-el-Montadhir, qu'il dit: Il existe une différence certaine entre l'état de peur et la résolution
que rapporte le Calife Ali (que le salut soit sur lui) a souligné: Il disait également: Betrand Russell disait: "Les dangers remplissent l'existence et l'homme sage ne fait pas cas de
ces impondérables; il ne fixe pas son attention sur eux et dans le calme
et la sérénité, s'intéresse à ce qui est prévisible. On ne peut échapper à
la mort, mais on a la possibilité de dresser son testamment avant de
mourir, alors écrivons notre testament et sachons que nous mourrons
fatalement un jour. La prudence raisonable est toute autre chose que la
peur, car la prudence est précaution et la peur est soumission
honteuse. "Tandis que la pensée tente de découvrir le comportement approprié, la peur représente un mal qui apporte anxiété et trouble de l'esprit. Nous avons donc besoin de pouvior appréhender les évènements douloureux sans sombrer dans la peur, et de consacrer notre raison à la combattre, car nous devons nous comporter dans ces évènements avec courage et résolution".24 Il est ainsi communément admis que nous ne pouvons résoudre les
problèmes de la vie tout en étant dominé par la peur et l'anxiété, mais
que nous avons besoin d'un esprit serein et en paix et d'une âme forte et
courageuse pour solutionner les difficultés, car quiconque dont l'esprit
est obscurcie par la crainte voit le monde d'un oeil noir et
pessimiste. |