Chapitre XIII


La chaîne de causalité... à l'infini

Si les matérialistes, persévérant dans leur erreur, usaient de subterfuge en soutenant cette fois -ci que pour eux la chaîne des causes et des effets s'étend à l'infini, qu'elle ne connaît pas de commencement, il faudrait leur répondre: qu'envisager ainsi les choses revient à considèrer la série de causes et d'effets: chaque cause étant elle - même causée n'a pas d'existence intrinsèque, et sans la cause qui la précède aucune cause n'a d'existence propre.

Par conséquent, la question se pose de savoir comment chaque chaînon de cette série régie par la nécessité et la dépendance pourrait venir à l'existence à partir du néant? D'où vient l'existence de ces choses qui sont toutes des accidents et des manifestations de la précarité? Comment l'existence en général qui est le plus grand phénomène de la nature pourrait - elle être composée d'une infinité de néants? Se peut - il que la vie naisse de l'association d'innombrables agents de la mort?

Aussi loin qu'on puisse la faire remonter, cette chaîne de causalité, par le fait même qu'elle est toute entière causée, présentera des caractères d'accident et de dépendance. Et cette chaîne n'aura d'existence réelle que si elle acquerrait le caractère d'autosuffisance et d'absolu, ce qui caractérise l'existence divine qui est, si l'on ose le dire, la cause sans cause. Et tout le système de la création ne pourrait être expliqué qu'en reconnaissant l'existence d'un être inconditionné qui est la cause de toutes les choses, et qui est le fondement de toute l'existence.

Supposez que dans une bataille l'ordre soit donné à la première ligne des combattants de donner l'assaut contre l'ennemi, et qu'elle refuse d'obéir en exigeant que la deuxième ligne attaque d'abord, et que cette deuxième ligne refuse à son tour de se conformer à l'ordre en demandant que la troisième ligne attaque avant elle, et ainsi de suite, aucune n'acceptant de combattre sans condition. Evidemment la bataille n'aura pas lieu. Car une série d'assauts conditionnés ne peuvent se réaliser sans leur condition.

Si nous suivons jusqu'à l'infini la chaîne de causalité, aucune entité conditionnée n'aura d'existence, car chacune étant conditionnée par l'existence de la précédente, et celle - ci à son tour par celle qui l'a causée, à aucun moment nous ne rencontrerons la source même de l'existence.

Quand nous voyons ce monde foisonnant de créatures et d'une infinité d'autres phénomènes, nous ne pouvons que nous persuader de l'existence nécessaire d'une cause qui ne soit pas elle - même un effet et qui ne soit paS'non plus dépendante.

Cette cause première est auto - suffisante, indépendante de toute la création, et capable de créer les phénomènes les plus merveilleux. Elle conçoit et réalise, et tout ce qu'elle crée; elle lui prescrit un cycle dans le temps. C'est par elle que se maintient l'univers, et c'est elle qui veille à ce que chaque choSe se réalise suivant un objectif.

Les partisans du matérialisme, pour ne pas reconnaître la nécessité du créateur, soutiennent que l'univers existe de toute éternité. Mais cette réponse n'est pas satisfaisante.
Ils s'imaginent que le monde n'a besoin d'une cause première qu'au moment où il est créé, et qu'une fois cette condition accomplie, le monde et Dieu sont à jamais séparés l'un de l'autre. Ils nient également l'instant premier de l'apparition du monde, et en la réfutant, ils se sont imaginé avoir résolu le problème de Dieu et de la création, et que le monde n'a plus besoin du créateur. Cette conception procède de ce qu'ils méconnaissent ce besoin intrinsèque et inhérent de l'univers, car le monde n'est rien d'autre qu'un mouvement, et le mouvement lui - même est dépendant.

Chaque instant est le début d'une création, et le monde s'innove atome par atome à chaque instant, et quand il en est ainsi de chaque particule, l'ensemble aussi n'est qu'un accident, une chose non - suffisante pour elle - même, et dépourvue d'identité propre.
Par conséquent, tout comme à son début le monde a eu besoin d'un créateur, il continue encore de dépendre de sa cause première, et le considérer éternel en lui - même, ne lui conférera aucune autonomie ontologique.

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