Chapitre II Le Déterminisme Les partisans du déterminisme ne croient pas que l'homme est libre dans
ses actes. Les théologiens déterministes comme ceux de l'école théologique
musulmane connue sous le nom d'Ash'arites, s'appuyant sur le sens apparent
de certains versets coraniques et négligeant de réfléchir sur le vrai sens
de tous les verséts relatifs ou sur la nature de la prédestination,
concluent que l'homme ne jouit d'aucune liberté de quelque sorte que ce
soit. Ils considérent toute chose comme l'effet immédiat et direct de la volonté divine, et disent que bien que l'homme dispose d'une part de pouvoir et de volonté, cela n'a aucun effet sur ses actes. Ces derniers ne sont pas le résultat du pouvoir et de la volonté des hommes, mais de la volonté de Dieu qui produit exclusivement tous les effets. L'homme ne peut que donner une certaine coloration aux actes qu'il accomplit avec son intention, et son but, et cette coloration aboutit à des actes qualifiés de bons ou de mauvais. A part cela, l'homme n'est que le lieu de l'accomplissement de la force et de la volonté divine. Les Ash'arites disent aussi que si nous supposions que l'homme était doté du libre arbitre, nous aurions par là même réduit la sphère de la puissance et de la souveraineté de Dieu. Le pouvoir créatif de Dieu exige qu'aucun homme ne peut s'opposer à lui comme un créateur; de même, la croyance en l'unicité de Dieu, compte tenu de la souveraineté absolue que nous lui admettons, devrait signifier que tous les phénomènes créés, y compris les actes des hommes font partie intégrante de la sphère de la volonté de Dieu. Si nous admettons que la personne crée ses propres actes, nous nions la
souveraineté de Dieu sur toute la création, ce qui est incompatible à son
tour avec l'attribut divin de création, car la personne jouirait alors de
la souveraineté totale dans le domaine des actes, et Dieu n'y aurait plus
aucun rôle. Ainsi, la croyance dans le libre arbitre conduirait
inéluctablement au polythéisme ou au dualisme. * * * Ce type déterministe de pensée est contraire au principe de justice, à la fois par rapport à Dieu et à la société. Nous voyons que la justice divine se manifeste clairement dans toutes ses dimensions à travers la création et nous louons son essence sacrée comme possédant cet attribut. "Dieu atteste, et aussi les anges et les doués de science, Coran, sourate 3, verset 18. Dieu décrit aussi l'instauration de la justice humaine comme un des buts pour lesquels les prophètes ont été envoyés et affirme son désir de voir ses serviteurs maintenir la justice. "Très certainement Nous avons envoyé Nos Coran, sourate 57, verset 25 Le jour de la résurrection, de façon similaire, Dieu traitera avec justice ses sujets et aucun ne subira la moindre injustice. "Au jour de la ré surrection, les balances Coran, sourate 21, verset 47 Maintenant, est ce de la justice que d'obliger quelqu'un à commettre un
acte condamnable et ensuite de le punir pour cela? Si une cour venait à
prononcer un verdict de punition en de telles circonstances, ce serait
vraiment de l'injustice. La foi en le déterminisme abolit et rend nuls les principes de
prophétie et de révélation. Le concept de message divin qui doit servir de
source à la conscience humaine, l'idée des commandements et des interdits,
de critères et ordonnances religieuses, de lois et de croyance et la
doctrine d'une certaine récompense pour ses faits. Pour une fois, nous
croyons que tous les actes de l'homme ont lieu mécaniquement, sans volonté
ou choix de sa part, et aucun rôle ne reste plus aux messagers de Dieu qui
ont été envoyés pour assister l'homme dans ses efforts. Leurs efforts ne serviraient aucune cause; il serait désespérant d'attendre du changement, d'une personne dont tout acte est prédéterminé. Mais si l'homme est responsable aussi bien de son salut ou destruction que de celui des autres, son choix faconne sa destinée, et une fois qu'il sait que tout acte qu'il entreprend a une conséquence, il choisira son chemin avec beaucoup de précaution. Sa confiance en l'amour de Dieu et en ses faveurs lui ouvrira les portes de la puissance. * * * Il pourait être objecté que considérant la connaissance étendue de Dieu (Il a dès le commencement su tout ce qui arriverait dans le monde, nulle part, nul événement mineur ou majeur ne peut avoir lieu sans Sa préalable connaissance), Il doit nécessairement être au courant à l'avance des atrocités, des péchés et des méfaits que l'homme commettrait, et puisque de toute façon ces faits et méfaits ont lieu, les hommes sont sûrement incapables de s'en empêcher. Nous répondons comme suit: Il est vrai que Dieu est au courant de tous les phénomènes, aussi bien les moindres que les plus importants, mais cette connaissance n'implique pas que l'homme est contraint dans ses actes. La connaissance de Dieu est basée sur le principe de causalité; elle ne s'applique pas aux phénomènes et aux actes humains en dehors de ce cadre. Une connaissance qui s'opère au moyen de cause et d'effet n'implique pas d'obligation. Dieu était au courant des évènements futurs dans le monde et savait que les hommes commettraient des actes d'après leur propre volonté. Leur exercice du libre arbitre est une partie de la chaîne de causalité qui conduit à leurs actes, et ce sont les hommes eux-mêmes qui décident de faire le bien ou le mal. Dans ce dernier cas, par une mauvaise utilisation de leur libre arbitre, ils sont la cause de la ruine et de la corruption. Ainsi, si le mal et l'oppression existent dans une société donnée, ceci n'est que le résultat des actes de l'homme. Ils ne sont pas créés par Dieu. La connaissance de Dieu n'influe pas sur le choix du bien ou du mal que l'homme fait. Il est vrai qu'il existe dans la sphère de décision de l'homme certains facteurs tels que sa nature innée, la guidée divine, et les circonstances environnantes qui jouent un rôle dans le choix qu'il fait. Mais ce rôle se confine à l'inclination, l'encouragement et l'assistance de la volonté de l'homme. Il n'oblige pas l'homme à choisir une certaine direction. L'existence de ces facteurs n'implique pas que l'homme soit sous leur emprise. Au contraire, il est tout à fait capable aussi bien d'obéir aux inclinations créées par les facteurs externes que de leur résister en les déviant de leur cours ou en les refoulant. Tout individu peut profiter de la guidée qui lui est disponible grâce à la clarté et la bonne vision, et donner ainsi forme à ses inclinations et les contrôler ou les modifier. Les instincts nombreux que l'homme porte en lui ne peuvent être jamais totalement éliminés, mais il est important de les dominer et de leur éviter l'occasion de mal se manifester. * * * Supposez qu'un expert en mécanique inspecte une voiture la veille d'un
voyage et prévoit que la voiture ne pourra pas rouler plus de quelques
kilomètres à cause d'une panne technique possible. Supposez maintenant que
la voiture démarre et s'arrête quelques kilomètres plus loin comme l'avait
prévu le mécanicien, peut - on alors dire qu'il était la cause de la panne
simplement parce qu'il l'avait prédite? Pour donner un autre exemple: Un maître connaît la progression de ses
élèves et sait qu'un élève échouera à l'examen final, à cause de sa
fainéantise et de son refus de travailler. Une fois que les résultats de
l'examen sont connus, il devient apparent que cet élève a effectivement
échoué. Mais qui est la cause de l'échec? l'élève ou la connaissance
préalable de son maître? C'est évidemment l'élève. * * * En utilisant le déterminisme comme une excuse, l'oppresseur nie la
responsabilité de ses actes violents et sans pitié. Il affirme que sa main
est la main de Dieu et attribue toutes ses transgressions à Dieu, Dieu qui
est au - dessus de toute reproche et objection. Les opprimés sont alors
obligés d'endurer et d'accepter tout ce que l'oppresseur leur fait subir,
car combattre son injustice serait vain et les efforts pour produire un
changement quelconque échoueraient inévitablement. Quand la famille du Commandeur des martyrs Husseyn ibn Ali - Que la paix soit sur lui - se trouva en présence de Ibn Ziyad, ce grand criminel lache dit à Zaynab el Kubra - Que la paix soit sur elle -: "As tu vu quel sort Dieu a réservé à ton frère et à ta famille?" Elle répondit: En rapport à la question du libre arbitre et du déterminisme, les
matérialistes sont pris dans une contradiction. D'après la relation déterministe entre cause et effet, rien n'a lieu sans sa cause précédente et la volonté de l'homme aussi, quand elle est confrontée aux circonstances économiques et matérielles de son environnement est soumise aux lois inflexibles, qui sont en fait un peu plus que l'ef fet qu'elles produisent. L'homme est obligé de choisir la voie qui lui est imposée par la pression de son environnement et son contenu intellectuel. Il n'y a ainsi aucune voie pour une volonté indépendante et un choix de l'homme pour s'exprimer, et aucun rôle à son sens de la responsabilité morale et du discernement du bien et du mal. Mais en même temps, les matérialistes considèrent que l'homme est
capable d'influencer la société et le monde, et ils insistent plus que
toutes les autres écoles de pensée sur la discipline idéologique et de
propagation au sein d'un parti organisé. Ils appellent les masses de
l'impérialisme à se soulever dans une révolution violente et essayent de
leur faire changer leurs croyances et leur faire jouer un rôle différent
de celui qu'ils jouaient avant. Les matérialistes peuvent aussi soutenir que la liberté consiste à
connaître les lois de la nature dans le but d'en faire usage pour
atteindre les buts et objectifs donnés, et non pour la simple connaissance
des lois de la nature. Mais ceci ne résout pas le problème, car même une
fois que l'on a découvert ces lois et décidé d'en faire usage à des fins
bien précises, la question reste posée de savoir si ce sont la nature et
la matière qui déterminent ces buts et les imposent à l'homme ou si c'est
l'homme qui les choisit librement. Les matérialistes ont considéré l'homme comme une créature
unidimensionneIle telle que même ses idées et croyances soient le résultat
du développement économiq ~ie et matériel et sont sujets à la position des
classes et aux rapports de production dans la soCiété. En bref, ils
reflètent les conditions particulières dues aux besoins matériels des
êtres humains. Personne ne doute que l'homme est sujet à l'influence des actions et
réactions naturelles, ou que la force de l'histoire ou de facteurs
économiques sont à la base de certains évènements. Mais ils ne sont pas
les seuls à déterminer l'histoire en décidant du sort de l'homme. Dans plusieurs versets de Coran, l'oppression, l'injustice, le péché et la corruption sont reconnus comme ayant changé l'histoire d'un peuple donné, ceci étant une norme observée dans toutes les sociétés humaines. "Et quand Nous voulons détruire une cité, Nous Coran, sourate 17, verset 16 "N'as - tu pas vu comment ton Seigneur a agi avec les Aad? Coran, sourate 89, verset 6 à 14 Le Coran nous rappelle aussi que ceux qui adorent et obéiss nt à leurs désirs et leurs inclinations sont la cause de beaucoup de calamités de l'histoire. "Oui, Pharaon fit le hautain sur terre. Il divisa en sectes ses
Coran, sourate 28, verset 4 "Aussi il ( pharaon) chercha à avilir son peuple et ils lui
obéirent. Coran, sourate 43, verset 54 Combien de guerres, de ruines, de désastres et d'effusion de sang ont
été causés par l'obéissance aux désirs passionnés et dûs à la soif du
pouvoir. Maintenant, bien que la société a beaucoup plus de pouvoir que
l'individu, ceci ne veut pas dire que l'homme soit contraint dans ses
activités sociales. La primauté de la nature essentielle dans l'homme- le
résultat de son développement sur le plan naturel - lui donne la
possibilité d'agir librement et de se rebeller contre les i'mpositions de
la société. "Oh, les croyants! occupez vous de vous mêmes! Coran, sourate 5, verset 108 et: "Quand ils mourront, les anges leur demanderont:" Coran, sourate 4, verset 97 Dans ce verset, ceux qui se croient obligés de se conformer à la
société sont très condamnables et leur excuse de ne pas pouvoir assumer
leur responsabilité est rejetée. Il n'y a ainsi aucun facteur qui oblige l'homme à choisir une certaine voie dans la vie, ni de force l'obligeant à en abandonner une autre. L'homme peut prétendre se faire lui-même, non pas lorsqu'il change sa forme d'après les lois dominant la société ou d'après des buts façonnés, mais seulement quand il choisit et décide lui-même et fournit ses propres efforts. * * * |