Chapitre II Une interprétation erronée de la prédestination Certains pseudo - intellectuels se font des idées erronées de la destinée et de la prédestination et s'imaginent que la doctrine de la prédestination est cause de stagnation et d'inertie, empêchant l'homme d'améliorer sa vie, et lui interdisant toutes les formes d'effort. La source de cette erreur en Occident est l'absence d'une compréhension
juste du concept de prédestination en particulier telle qu'elle est
exposée par les enseignements islamiques. En Orient, elle a gagné en
influence à cause de la décadence et de l'arriération. Le plus noble des messagers - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - s'est exprimé lui même à ce sujet: "Un temps viendra pour les gens de ma communauté où ils commettront le péché et l'iniquité, et diront pour justifier la corruption et le désordre:" c'est Dieu qui a décrété avant notre naissance, que nous devrions agir ainsi: "Si vous rencontrez ces gens, dites leur que je les désavoue." La croyance en la fatalité et en la destinée n'em pêche pas l'homme de s'efforcer d'atteindre ses objectifs dans la vie. Quiconque a la connaissance religieuse nécessaire de base, sait que l'Islam appelle les hommes à faire de leur mieux pour améliorer leur état, à la fois moralement et matériellement. Cela est en soi un puissant facteur d'intensification des efforts des hommes. Dans aucun verset du Coran, on ne trouvera d'acte de corruption des individus ou de société, attribués à la fatalité et la destinée. De même, la fatalité et la prédestination ne sont pas présentées comme des obstacles à la réforme d'une société corrompue et décadente. On ne trouvera pas un seul verset dans lequel la volonté de Dieu supplante la volonté de l'homme, ou dans lequel il est affirmé que les hommes souffrent d u fait de leur prédestination. Un penseur occidental ayant eu une mauvaise compréhension des notions
de fatalité et de destinée fut Jean - Paul Sartre. Il niait la possibilité
de croire simultanément dans une destinée prédéterminée par Dieu et dans
la liberté de l'homme; il mettait l'homme devant le choix exclusif soit de
la croyance en Dieu, soit de la liberté: "Je ne crois pas en Dieu, parce
que je crois en la liberté. Parce que si je crois en Dieu, je devrais
accepter le concept de destinée, et si J'accepte la destinée, j'aurais à
renoncer à la liberté. Comme je suis attaché à la liberté, je ne crois pas
en Dieu. "Nous avons montré la voie à l'homme,. et il est libre de
Coran, sourate 76, verset 3 "Quiconque aspire à la demeure éternelle et s'y efforce verra
Coran, sourate 17, verset 19 Ceux qui au jour du jugement dernier s'abriteront derrière l'argument du déterminisme et diront: "Si Dieu l'avait voulu, nous n'aurions pas adoré d'autre que Lui" (16: 35) seront déboutés pour avoir attribué au destin et à la volonté divine leur propre péché et leur propre égarement. En maints endroits, le Coran mentionne le courroux de Dieu qui
s'abattra sur les tyrans et les corrompus. A la fois, l'individu et la société rencontrent constamment de tels
obstacles. Compte tenu du fait que dans le règne naturel, il n'y a pas de
cause sans effet, et pas d'effet sans cause, et que nos moyens de
perception sont limités à ce monde et au domaine humain, il ne devrait pas
être difficile pour nous d'accepter que nos désirs ne soient pas
accomplis. La croyance en le destin et le sort est par conséquent un facteur puissant dans la réalisation par l'homme de ses buts et idéaux. * * * La question de salut ou de la damnation de l'homme a été implicitement
résolue dans la discussion précédente, puisque le salut et la damnation
résultent des actions et faits des hommes, non des choses se situant hors
du champ de leur volonté ou de phénomènes naturels qui sont du fait même
de la création inséparables de l'existence humaine. Le bonheur et le salut ne dépendent pas de l'abondance de capacités
naturelles. Il est cependant vrai qu'un homme doté d'une plus grande
capacité que l'autre est investi d'une plus grande responsabilité. La
moindre erreur de sa part sera de loin plus significative que la même
erreur commise par des individus plus faibles. Chacun sera appelé à rendre
compte suivant les dons et les capacités qu'il e. En revanche, celui qui aura été doté de ressources et de capacités plus abondantes, pourrait non seulement les utiliser sans en profiter lui- même, mais aussi même en mésuser à bon escient pour noircir sa dignité humaine et déchoir dans la corruption et le péché. Une telle personne est sans aucun doute un pécheur destiné à la damnation, qui ne connaîtra jamais l'éclair d'un salut. Le Coran dit: "Toute âme sera otage de ce qu'elle se sera acquise" Coran, sourate 74, verset 38 Par conséquent, le salut ou la damnation d'une personne dépend des actes de sa volonté, et non des déguisements psychologiques ou naturels. Ceci est la manifestation la plus claire de la justice divine. * * * L'une des particularités de la doctrine chiite est la croyance dans le
badâ (de l'arabe badâ, yabdou, paraître, sembler), terme signifiant que
les destinées des hommes changent quand changent les facteurs et les
causes qui les régissent. Ce qui apparaît comme éternel et immuable change
suivant les changements intervenants dans les actes et la conduite des
hommes. Nous ne pouvons pas interpréter le concept de badâ dans le sens où Dieu changerait d'opinion, après que la réalité - auparavant méconnue de lui - d'une chose, lui serait devenue connue. Cela serait en contradiction avec le principe de l'universalité de la connaissance de Dieu, et ne peut par conséquent être accepté par les musulmans. * * * L'invocation est un autre facteur dont l'efficacité ne doit pas être - sousestimée Il est évident que Dieu est au fait des secrets les plus profonds de chacun, mais dans la relation de l'homme avec Dieu, la prière surérogatoire joue le même rôle que les efforts et les actes de l'homme dans sa relation avec la nature. Outre son effet psychologique, la prière exerce aussi un effet indépendant. A chaque instant, de nouveaux phénomènes voient le jour dans la nature dans lesquels les causes précédentes ont un rôle. De même, dans une grande sphère de l'existence, la prière surérogatoire est profondément efficace pour faire avancer l'homme vers la réalisation de ses buts. De la même façon que Dieu a assigné à chaque élément naturel, un rôle dans le système de causalité, il a aussi assigné un rôle important à l'invocation. Quand une personne est en proie aux difficultés, elle ne doit pas se laisser emporter par le désespoir et le désarroi. Les portes de la grâce de Dieu ne sont jamais fermées pour personne. Il est possible que demain une situation nouvelle voie le jour aucunement semblable à celle qui l'a précédée. "Chaque jour, Dieu est engagé dans une nouvelle affaire" Coran, sourate 55, verset 29 On ne devrait par conséquent épargner aucun effort. Une prière qui
n'est pas accompagnée d'efforts appropriés est "comme une personne qui
veut tirer une flèche avec un arc sans corde", comme dit le Commandeur des
croyants Ali ibn Abi Tabeb. "Quand Mes serviteurs te demandent si Je suis loin ou proche
Coran, sourate 2, verset 186 L'homme s'élévera alors vers Dieu, et se plongera dans le véritable
bonheur quand il. évitera les pièges du besoin en se libérant de toutes
les causes et en se tournant directement à Dieu. Il se verra alors d
irectement relié et rattaché à l'essence de Dieu et percevra tangiblement
Sa grâce et Sa faveur infinies. L'Imam Ali ibn el Hussain, surnommé Sajjad
- que la paix divine soit sur lui - s'adresse à Dieu dans ces termes, dans
la célèbre invocation qui nous a été transmise par Abou Hamza: "O
créateur! Je vois que les chemins de l'invocation et de la supplique qui
conduisent à Toi sont ouverts et aplanis, et les sources d'espoir en toi
abondantes. Je vois qu'il est permis de demander l'aide de Ta grâce et de
Tes faveurs, et je vois les portes de la prière ouvertes devant tous ceux
qui T'appellent et supplient Ton secours. J'ai la certitude que Tu es prêt
à répondre aux prières de ceux qui T'appellent et d'accorder refuge à ceux
qui le cherchent en Toi." Il y a aussi une tradition qui est relative aux
effets d u péché et des bonnes oeuvres: "Ceux qui meurent à cause de leurs
péchés sont plus nombreux que ceux qui meurent de mort naturelle; et ceux
qui vivent plus longtemps à cause des bonnes oeuvres qu'ils ont accompli
sont plus nombreux que ceux qui vivent du simple fait de leur espérance de
vie naturelle". Les lois dont le grand créateur a doté le système de l'univers ne limitent en aucune façon son pouvoir infini ni n'en restreignent la portée. Il dispose de la même discrétion absolue pour changer ces dites lois, les confirmer ou les abroger, que celle dont il disposa en les établissant pour la première fois. Cette essence unique dont la souveraineté totale et subtile s'étend à l'ensemble du système de l'existence, ne peut être soumis de force aux lois et phénomènes dont il est le créateur, ou perdre le pouvoir et la capacité de faire ce qui lui plaît. Quand nous disons que Dieu est capable à tout instant de changer les phénomènes qu'Il a créés dans le monde, nous ne voulons pas entendre par là qu'Il détruise l'ordre du monde et ses lois fixées ou qu'Il passe outre aux lois et aux principes de la nature. Le processus même de changement intervient conformément à certains principes et critères qui échappent à notre perception et à notre connaissance limitées. Si l'homme considère attentivement et avec un esprit critique le large éventail de possibilités auquel il est confronté, il se gardera d'essayer, de façon aventureuse de prédire toutes les choses sur la base des quelques principes qu'il a observés dans le règne naturel. Dans l'univers aux frontières infinies, seul Dieu mérite d'être adoré et loué par l'homme. La quête de Son agrément et de Sa satisfaction doit avoir la priorité chez tout être aimant Dieu. Cette goutte qu'est l'homme ne sera à l'abri des tempêtes de la déviation et de la corruption que si elle rejoint le grand océan dans lequel elle trouvera son identité authentique, et accédera à l'éternité. Dieu sera alors pour l'homme Celui qui donne un sens au monde, et par qui s'expliquent tous les évènements, et à partir de là, il comprendra d'où viennent l'ampleur et l'étroitesse des univers des hommes. * * * |