L’hypocrisie
- Développons notre personnalité. - L’hypocrisie, le pire des
défauts. - Détruisons les foyers de l’hypocrisie.
La perfection de la personnalité est un des facteurs les plus
importants de garantie du bonheur; elle est aussi la parure la plus
sublime dont peuvent rêver les hommes. C’est elle qui confère à la vie sa
grandeur et son sens.
Les êtres sont égaux au point de vue de la nature, mais ils diffèrent
entre eux et se surpassent les uns les autres par l’intelligence, la
psychologie, et les qualités morales. Le degré d’équilibre de la
personnalité est ce qui distingue les hommes entre eux, détermine la
valeur et le rang de chacun d’eux, et joue un rôle de premier plan dans le
façonnement de notre comportement.
L’homme est venu à l’existence pour s’efforcer de cultiver et
développer ses potentialités afin de se forger son caractère, élargir ses
perspectives, élever son niveau de connaissances, renforcer son âme et
parvenir ainsi à un développement complet, et en un mot être à même de
remplir au mieux sa mission dans ce monde.
Le but de chacun doit donc être de se doter d’une personnalité saine et
profonde, et de se mobiliser pour la quête du bonheur. Plus on se sera
dépensé dans ce sens, plus on aura d’espoir d’atteindre le vrai
succès.
Rien ne joue un rôle aussi déterminant qu’une personnalité forte pour
assurer les intérêts de soi et se donner les moyens de faire face à
l’agitation de la vie.
Schopenhauer (1788-1860) dit:
«Les différences,... dont nous avons à nous occuper sont celles que
la nature elle- même a établies entre les hommes; d’où l’on peut déja
inférer que leur influence sur le bonheur ou le malheur sera plus
essentielle et plus pénétrante que celle des différences provenant des
règles humaines... les vrais avantages personnels, tels qu’un grand esprit
ou un grand coeur, sont par rapport à tous les avantages du rang, de la
naissance, même royale, de la richesse et autres, ce que les rois
véritables sont aux rois de théâtre...
L’homme d’esprit, dans la solitude la plus absolue, trouve dans ses
propres pensées et dans sa propre fantaisie de quoi se divertir
agréablement, tandis que l’être borné aura beau varier sans cesse les
fêtes, les spectacles, les promenades et les amusements, il ne parviendra
pas à écarter l’ennui qui le torture. Un bon caractère, modéré et doux,
pourra être content dans l’indigence, pendant que toutes les richesses ne
sauraient satisfaire un caractère avide, envieux et méchant. Quand à
l’homme doué en permanence d’une individualité extraordinaire,
intellectuellement supérieure, celui-là alors peut se passer de la plupart
de cesjouissances auxquelles le monde aspire
généralement.»59
Chaque qualité, chaque coutume a sa part
respective dans l’élaboration de la destinée de l’homme. La moindre
pensée, le moindre sentiment a son influence dans le façonnement de ces
qualités et de ces coutumes. C’est la raison pour laquelle la psychologie
humaine est en transformation permanente, tantôt progressant, tantôt
reculant.
Le premier pas vers le développement de la personnalité et son
perfectionnement consiste à apprendre à tirer parti des forces et énergies
latentes, et à se préparer à rompre toutes les attaches qui
l’empécheraient d’avancer, en se débarrassant de tous les vices qui la
souillent. Mais tant que l’on demeurera dans l’ignorance de son âme, on ne
pourra jamais la faire revivre n’y apporter une transformation fructueuse,
en la purifiant, et plutôt que d'entamer la voie de la perfection, on fera
des pas en arrière.
Tant que la parole et l’acte ne procèderont pas du fond authentique,
ils seront dépourvus de valeur.
La parole peut exprimer l’unité de la personnalité quand elle se fait
l’interprète fidèle des secrets et des aspirations du coeur.
Mais, quand elle s’écarte trop des pensées intimes, elle peut trahir
une scission de la personnalité et son incohérence, ce qui entraîne les
pires consèquences dans la vie de l’homme.
L’hypocrisie, le pire des défauts.
L’hypocrisie est à tout point de vue le défaut psychologique le plus
laid. Quand la nature humaine qui est destinée au bonheur, à la liberté et
à la perfection, est polluée par le mensonge et la forfaiture, elle
devient un vaste champ pour l’apparition de l’hypocrisie qui finira par
devenir une seconde nature.
La duplicité empêche de parvenir à une vision claire de la réalité et
des qualités positives. Et il est évident que tout ce qui entrave le bon
développement psychologique s’oppose à la vie heureuse qui ne se conçoit
que par la perfection de l’âme.
L’hypocrisie est un dangereux fléau mettant en péril l’honneur et la
dignité de l’homme, et l’entraînant à la négligence et à la déchéance
morale. Elle corrode la confiance en soi- qui est nécessaire pour réussir
dans la vie- et la fait remplacer par le pessimisme, l’inquiétude et
l’angoisse.
Il est des gens dont la déviation morale a atteint le point de non-
retour, et qui savent pourtant donner d’eux- mêmes- avec une maîtrise
parfaite- une image de philantrope.
Quand une animosité surgit entre deux personnes, l’hypocrite sait
présenter séparément à chacune d’elle un visage d’ami et des paroles
doucereuses. Il critique et blâme toujours la personne absente, alors
qu’il n’éprouve de sentiment sincère envers aucun des deux rivaux. Il leur
ment, l’important pour lui, n’étant que de gagner leur confiance.
L’adhésion factice aux idées des autres, et le refus de témoigner en
faveur du droit et de la vérité, sont aussi des signes auxquels se
reconnaissent les hypocrites.
L’hypocrite est le plus dangereux, le pire des ennemis jurés. Un grand
homme a dit:
«Les ennemis ont ceci de particulier qu’ils sont des ennemis tant
par l’esprit que par l’acte. L’inimitié n’a pas de double- face. Puissent
les amis aussi se présenter comme les ennemis, sans ostentation! Des amis
déloyaux sont une calamité.»
La vie de l’hypocrite est un mélange d’humiliation et de servilité. On
ne peut réserver un peu de place de son coeur à l’amitié véritable envers
celui qui a opté pour la tromperie.
Les efforts que l’hypocrite déploie pour dissimuler son jeu ne
suffnsent pas pour le préserver du scandale. Son attitude finira tôt ou
tard par le trahir.
Une des causes du malaise social est précisément le fait que les hommes
aiguisés par leurs ambitions, s’adonnent de plus en plus à la fausse-
apparence et que la sincérité et la pureté font défaut parmi les
différentes couches sociales. Quand l’hypocrisie envahit l’édifice social,
et assombrit les coeurs, il ne faut s’attendre à rien d’autre qu’à voir la
société s’engager sur la voie de la décadence.
Le célèbre penseur anglais Samuel Smiles dit:
«Le comportement des hommes politiques contemporains, tend- sans
exeption- vers la corruption et la déchéance. Les idées qu’expriment les
politiciens dans les salons privés sont différentes de celles qu’ils
prônent en public. De sa tribune, le politicien rend hommage aux
aspirations du peuple, alors qu’il se moque de lui et de ses sentiments en
privé.
La variété des idées qui existent à notre époque est sans précédent
dans l’histoire. Les principes changent constamment selon le rythme du
changement des intérêts. Il me semble que peu à peu l’ostentation et la
dissimulation seront retirées des défauts blâmables pour être élevées au
rang de qualités recommandables.
Quand la première couche de la société se sera habituée à
l’hypocrisie, les autres ne tarderont pas à suivre, car les couches
inférieures, prennent toujours exemple sur la classe dirigeante.
La célébrité s’acquiert, ces temps- ci, non pas par les bonnes
qualités mais par l’extravagance du comportement.»
L’adage
russe dit:
«Avec une colonne vertebrale solide, on ne saurait conquérir les
hauts postes.»
L’homme qui aspire à la célébrité finit par avoir une colonne
vertebrale, molle et souple pouvant faire des courbettes, à l’odeur d’un
quelconque avantage.
Une célébrité obtenue par la ruse, et la tromperie, par la parole
flattant, les désirs du peuple ou pire encore, par le fait de tirer profit
des rivalités sociales; est vile et méprisable aux yeux des hommes de
vertu, et ne confère aucune dignité.
La sincérité et la loyauté sont des signes d’humanisme et de conscience
libre, et sont les qualités les plus nobles. Procédant d’une âme
immaculée, elles créent l’union et la force au sein de la communauté. Il
est naturel que l’homme accorde plus de prix à une amitié sincère qu’à des
amis douteux, et cette amitié est proportionnelle à sa haine envers les
imposteurs.
Détruisons les foyers de l’hypocrisie.
A l’avènement de l’Islam, quand le parti des hypocrites vit cette
nouvelle religion se répandre avec fulgurance, il craignit, plus que tous
les autres opposants, pour sa position, dangereusement mise en péril, et
commença à saper les fondements de l’organisation islamique.
Les hypocrites donnaient en apparence leur parole à l’Envoyé de Dieu-
que la paix soit sur lui et sur ses descendants- mais ils ne la
respectaient pas dans leurs actes; ils prenaient les croyants en dérision.
Ces hypocrites qui formaient une minorité corrompue d’agitateurs dépourvus
de toute moralité, ne supportaient pas la vue de la masse des croyants
obéissant avec zèle au Prophète- que la paix soit sur lui et sur ses
descendants-.
A leur tête, il y avait Abou Amer ar-Râheb, qui était avant l’hégire du
Prophète, le chef de file des Gens du Livre à Médine, et qui à ce titre
avait acquis autorité et réputation parmi les peuplades.
Avant l’arrivée du Prophète à Médine, Abou Amer était l’annonciateur de
la bonne nouvelle de l’Hégire, et quand le Prophète entra à Médine, Abou
Amer fut le premier à se convertir. Mais quand il se rendit compte qu’il
perdait son rang social avec l’influence croissante du Prophète, il ne put
se résigner, se rendit à la Mecque et se joignit aux Polythéistes dans les
batailles de Badr et de Ohod(60). Plus tard, il s’enfuit à Byzance, d’où
il dirigea des complots contre l’Islam. Il ordonna à ses partisans
d’édifier une mosquée à Médine, chose impossible, sans l’autorisation
préalable du Prophète. Ils envoyèrent alors un des leurs, auprès du
Messager de Dieu, pour obtenir son aval...
Quand le Prophète revint de l’expédition de Tabouk,61 ils l’invitèrent
à venir inaugurer la mosquée. Ils espéraient ainsi parvenir à réaliser
leurs desseins funestes. Mais Dieu en informa Son Messager, lui interdit
de s’y rendre et ordonna la destruction du temple baptisé Masjid
al-Dharrâr:
«Rien d’autre, en vérité: que peuplent les mosquées de Dieu ceux qui
croient en Dieu et au Jour dernier, et établissent l’Office, et acquittent
l’impôt, et ne craignent que Dieu: il se peut que ceux- là soient du
nombre des biens guidés.»62
«Et ceux qui ont fait d’une mosquée une rivale nuisible, un fait de
mécréance, une division entre croyants, et un guet- apens en faveur de
celui qui auparavant mena la guerre contre Dieu et Son
messager...»63
C’est ainsi que fut mis en échec leur traîtrise, et fut détruit le
premier temple de l’hypocrisie.
Le Saint Coran a critiqué ce groupe, les a attaqués et blâmés en maints
endroits:
«Parmi les gens, il en est qui disent: «Nous croyons en Dieu et au
jour dernier!». Tandis qu’ils ne sont pas croyants. Ils cherchent à
tromper Dieu et ceux qui ont cru; mais ils ne trompent qu’eux- mêmes, et
ils sont inconscients.
Il y a dans leur coeur une maladie. A eux donc, un châtiment
douloureux, pour avoir menti! Et quand on leur dit: «Ne commettez pas de
désordre sur la terre», ils disent: «Nous ne sommes que des réformateurs!
». C’est eux, n’estce pas, les fauteurs de désordre, mais ils sont
inconscients!»64
La duplicité, est une sorte de maladie psychologique résultant de
l’abjection de la personne. Et c’est peut- être à cela que se réfère
l’Emir des Croyants, Ali- que le Salut soit sur lui- quand il dit:
«Prenez garde contre les partisans de l’hypocrisie; car ils
s’égarent euxmêmes, et égarent les autres. Leurs coeurs sont atteints
d’une maladie, même si leur apparence vous paraît saine.»
Le docteur Helen Schachter dit:
«Certaines personnes n’expriment leur opposition que pour se faire
remarquer. Sans avoir foi en leur propre parole, ils préfèrent critiquer
les croyances des autres, plutôt que d’observer le silence et la
discrétion, parce qu’ils ne supportent pas de passer inaperçus. Nombreux
sont ceux qui, voyant leur incapacité à attirer sur eux l’attention des
autres, recourent à l’hypocrisie pour se faire valoir.»65
L’Emir des Croyants, l’Imam Ali, que la paix soit sur lui, a dit:
«La parole de l’hypocrite est belle, mais son intérieur est
rebelle!»
Comme il n’ajamais de point d’appui solide dans sa vie, l’hypocrite est
toujours perplexe.
Le Prophète de l’Islam en dit:
«L’hypocrite est semblable à un agneau, perdu entre deux
troupeaux.»66
Ailleurs, il nous le décrit ainsi:
«L’hypocrite se reconnaît à ces trois signes: quand il parle il
ment; quand il promet il manque à sa parole; quand on lui confie quelque
chose, il trahit.»67
L’Imam Bâghir- que la paix soit sur lui- a dit:
«Le pire des hommes est celui qui présente deux visages, et tient un
double langage. Il ne tarit pas d’éloge envers ses frères, en leur
présence; il les dévore de sa langue fourchue, en leur absence. Il les
envie quand ils possèdent, et les laisse à leur sort dans les
épreuves.»68
L’Emir des Croyants- que la paix soit sur lui- évoque un autre trait de
caractère des hypocrites en ces termes:
«L’hypocrite est tout à fait indulgent envers lui- même, et agressif
envers les autres.»
Samuel Smiles écrit:
«Ceux qui font ostentation, ne pensent jamais aux autres, trop
préoccupés qu’ils sont par eux- mêmes. Leurs actes, leurs pensées et leurs
états les soucient tant qu’ils finissent par ériger en idôles leur nature
vile et méprisable.»69
L’Imam Sâdeq- que la paix soit sur lui- évoquant les exhortations de
Luqmân à son fi1s dit:
«L’hypocrite se reconnaît à trois caractéristiques: sa langue
contredit son coeur, son coeur contredit ses actes, et son apparence, son
for intérieur.»70
L’homme se révèle aux autres par ses idées, et nul ne peut indéfiniment
dissimuler ce que recèle son coeur.
Un homme vint interroger l’Imam Sâdeq- que la paix soit sur lui-:
- Quelqu'un me dit: «J’ai de l’affection pour toi.» Comment saurais- je
qu’il dit vrai?
L’Imam lui répondit:
«Interroge ton coeur. Si toi tu l’aimes, sache qu'il t’aime aussi.
Vois ton coeur, s’il ne reconnaît pas ton compagnon, c’est que l’un de
vous dissimuie quelque chose.»71
Le docteur Marden, écrit pour sa part:
«Si vous vous imaginez que vous ne pouvez vous faire connaître aux
gens que par la parole, vous vous trompez. Car les autres ne vous iugeront
pas d’après vos propres critères. Ils vous connaîtront plutôt à travers,
vos oeuvres, vos états d’âmes, votre état de conscience, et ce que vous
gardez au fond de vous- mêmes.
Vos interlocuteurs pourront percevoir la nature de vos pensées, leur
force ou leur faiblesse et leur sincérité.
Cela veut dire que même si vous gardez le silence, le rayonnement
émanant de vous, trahira vos intentions et vos espoirs. C’est alors qu’ils
se feront une idée définitive de vous, et vous aurez beau tâcher de leur
changer d’avis, vous n’y arriverez pas.
Des fois nous entendons dire: «Je ne peux pas supporter la présence
de cette personne, elle ne me plaît pas!» Celui qui prononce cette phrase
peut avoir vu un bon comportement de la personne en question, qui
chercherait à camoufler ses pensées intimes avec un sourire permanent.
Pourtant il ne l’aime pas, parce qu’il a pu lire dans son visage, ses
arrière-pensées.
Ces effets sur nos prochains proviennent toujours du rayonnement de
l’esprit qui transmet à notre environnement nos pensées et sentiments sous
forme d’ondes invisibles.»72
Ali, l’Emir des Croyants dit:
«Les consciences authentiques témoignent mieux que les langues les
plus éloquentes.»73
Nous avons en vue ici l’hypocrisie au sens large, et non l’hypocrisie
au sens restreint où on l’entend en matière religieuse.
L’Islam convie les hommes à une vie pure, dénuée de toute hypocrisie,
duplicité, tromperie, de toute dissimulation et de tout obscurantisme.
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