Le mensonge.
- La morale et son rang dans la société. - Les préjudices du
mensonge. - Le mensonge aux yeux de la religion.
La morale est d’une nécessité vitale pour toute société et toute
communauté aspirant à la perfection. Elle est apparue en même temps que
l’humanité et persistera tant qu’il y aura des hommes. Personne, parmi les
gens de bon sens, ne se ferait le moindre doute au sujet de son importance
ou de sa nécessité dans la préservation de l’équilibre, de la santé et du
bonheur de l’homme. De même son rôle dans la consolidation des fondements
de la société, ou dans la réforme de l’individu ne peut être contesté.
S’est-on jamais plaint de la sincérité et de la probité? Et a-t-on
jamais cherché le bonheur dans le mensonge et la forfaiture? Bref,la
morale est objet de respect et de glorifncation même dans les sociétés
nonreligieuses, qui considèrent elles aussi comme nécessaire de se plier à
une série de règles et d’impératifs catégoriques.
Tout au long de l’histoire, et malgré les différentes voies qu’elles
ont respectivement empruntées, les sociétés humaines ont toujours eu en
commun des bases et des principes moraux.
Le célèbre moraliste anglais Samuel Smiles dit:
«La morale est l’une des forces motrices de ce monde. Dans sa
meilleure forme, elle est l’incarnation dé la nature humaine dans sa
complexion la plus achevée. Elle reflète l’image la plus idéale de
l’humanité.
Ceux qui sont dotés d’un talent dans un domaine quelconque de la vie
s’attirent le respect et les honneurs; et il est naturel qu’ils gagnent la
confiance de tous, et deviennent des modèles d’imitation, car leur
existence accroît la beauté de ce monde, et sans eux la vie serait
impossible. Bien que le don attire également l’admiration des autres le
bon caractère impose obligatoirement leur respect.
Le premier résulte de l’activité de l’esprit, et le second est un
effet des pouvoirs du coeur. Et chacun sait que c’est le coeur qui
gouverne et ordonne notre vie.
Les personnes ayant atteint au sommet de la grandeur et de la
perfection sont comme des phares éclairant la marche de l’humanité, et
conduisant vers les chemins de la vertu et de la piété. Sans un sens moral
aigu, les individus d’une société donnée ne pourraient pas progresser vers
les hauteurs quelles que soient les prérogatives et libertés politiques
dont ils pourraient jouir. Il n’importe pas à une communauté de disposer
d’un territoire vaste, si elle aspire à vivre la tête haute et dans la
grandeur. Il se peut qu’une nation soit grande en population et dispose
d’une vaste superficie, mais soit quand- même privée des conditions de la
grandeur et de la perfection.
Quand la morale est absente ou corrompue dans une société, c’est le
chaos qui s’impose.»
Tout le monde adhère à ces paroles du savant anglais, mais il existe un
grand écart entre le savoir des hommes et leurs actions. Au niveau de ces
dernières, ils préferent suivre leurs instincts bestiaux plutôt que de se
soumettre à la morale supérieure. Ils sont toujours en quête des plaisirs
illusoires qui recouvrent la réalité de la vie d’un voile brumeux.
L’homme vient à la vie, pourvu d’instincts contradictoires et opposés
complètement. En lui- même se livre un combat implacable entre le bien et
le mal. Le premier pasà accomplir pour purifier la vie humaine des
qualités négatives consiste à maîtriser les forces de la colère et du
plaisir, qui sont les sources de toutes les énergies animales. Il faut se
garder de tout excès de ces forces si l’on veut parvenir à la perfection,
et détourner les tendances nocives qu’elles engendrent vers d’autres buts
agréables et utiles.
L’homme se sert beaucoup de ses sentiments dans la vie, mais ses
sentiments lui sont encore plus profitables alliés à la raison.
Un psychologue a dit:
«Les sentiments humains sont comme une double réserve: celle de
l’agressivité et celle de la résistance. Toute force agressive arrivant à
vaincre notre résistance, pourrait marquer notre nature et nous imposer sa
loi.
Ceux qui ont pu établir un équilibre entre leurs forces intérieures, et
ont concilié leur coeur et leur raison, sont certainement engagés sur la
voie du bonheur, avec une volonté sans faille, sûre du succès, et sans
faiblesse aucune. Il est vrai que les choses ont pris de nos jours une
allure, un dynamisme et un enthousiasme qu’on qualifierait d’électriques.
Il est vrai aussi que l’humanité est parvenue grâce à ses facultés
intellectuelles, aux profondeurs des océans et des mers. Mais ce qui
demeure au coeur de cette civilisation comme misère et révolte- noyant les
hommes dans un tourbillon de problèmes et de malheurs, en faisant les
jouets du sort et bouleversant ainsi tout l’ordre socialn'a d'autre cause
que la déviation morale, l’abandon de la quête de la vertu et de la
spiritualité.»
Jules Romains écrit:
«Les sciences ont progressé à notre époque, mais les instincts et
tendances sont demeurés à leur état primitif. S’ils progressaient à leur
tour, en harmonie avec la raison et la science, nous pourrions dire que
l’homme a progressé dans la civilisation, elle- même fruit de sa pensée et
de sa bonne volonté.»
Oui le sort final d’une civilisation qui ne mettrait pas les valeurs
morales au premier rang, et en combattrait même les principes, ne saurait
être que l’anéantissement et la perdition, du fait même de la loi de
l’équilibre.
La persistance de la misère et de l’imperfection que l’on observe dans
les société contemporaines constitue un des aspects de la nécessité
impérieuse des règles morales pour les hommes. Si les conditions étaient
réunies, ces règles insuffleraient de nouveau la vie au corps agonisant de
la civilisation et lui redonneraient des forces.
Les méfaits du mensonge:
Autant la sincérité exerce des effets positifs, autant le mensonge
cause d’effets répugnants. La sincérité est une des qualités les plus
remarquables, et le mensonge le pire des défauts; les deux sont
diamétralement opposés. La parole est l’interprète du tréfonds de l’homme.
Quand il résulte de l’envie et de l’animosité, le mensonge est l’une des
formes les plus pernicieuses de la force de la colère. Quand il nait de la
convoitise ou de l’habitude, il révèle l’activité des forces funestes du
plaisir bouillonnant en l’homme.
Quand la langue est envenimée par le mensonge, et en porte les
flétrissures, elle détruit l’honneur de l’homme, comme les vents d’automme
dépouillent les arbres de leurs feuilles. Le mensonge fait croître la
forfaiture, éteint la flamme de la conscience et sape les liens de l’unité
et de l’entente entre les hommes. La plupart des déviations résultent de
la vanité et des paroles vides de sens des envieux et des frustrés, qui,
pour satisfaire leur égoisme camouflent la vérité derrière un voile de
flatteries, et par leurs suggestions venimeuses, arrivent à se soumettre
beaucoup de crédules.
Le menteur ne se donne pas l’occasion de méditer et de réfléchir un
tant soit peu; il ne pense pas aux conséquences ultimes de son acte,
croyant garder à jamais son secret alors qu’il est pris la main dans le
sac finalement trahi par ses propres erreurs et contradictions. Il devra
faire face au scandale, à l’échec et à la honte. Le proverbe iranien a
bien raison de dire que: «Le menteur a la mémoire courte»!
Parmi les facteurs ayant contribué à répandre ce défaut blâmable, nocif
à la société, figure l’abus du recours au «mensonge réconciliateur».
Le célèbre poète iranien Saadi conseillait:
«Un mensonge réconciliateur vaut mieux qu’une vérité qui divise.»
Beaucoup de gens, ne saisissant pas la portée véritable de cette sage
parole, en profitent pour justifier leur mensonge. Alors que ni la
religion et ni la raison n’excusent qu’on cache la vérité, que dans des
conditions très restreintes, comme lorsqu’il s’agit de sauver son honneur,
sa vie ou son bien exposés à un grave péril. Dans ces derniers cas, on
peut en effet user de toutes les armes pour se défendre, mais seulement en
cas de force majeure, et l’on sait que la nécessité abolit l’interdit.
Mais si nous érigeons notre intérêt personnel en critère de l’utilité
publique, et que nous en faisons la règle à chaque fois que nous éprouvons
un désir quelconque, tous les mensonges seront «utiles». Comme l’a écrit
un grand écrivain:
«Tout a sa cause. On peut trouver à chaque acte des causes et des
agents. Même les criminels et les délinquants peuvent invoquer lors de
leur comparution au tribunal plusieurs prétextes pour leur crime. Tout
mensonge a en vue de satisfaire l’intérêt de son auteur, en d’autres
termes tout mensonge présente aussi un côté utile et bénéfique pour
quelqu'un, faute de quoi il serait une vanité, une parole sans
conséquences, et partant sans préjudice sérieux. De par sa nature l’homme
considère comme bien et utile tout ce qui s’accorde avec ses désirs
personnels. Et quand il les voit menacés par la franchise, il s’imagine
pouvoir atteindre ses fins, en voilant la vérité. Il ment sans s’inquiéter
outre mesure, puisque le mensonge l’arrange mieux.»
Rappelons que le mensonge est un grand fléau. Même si des fois il est
autorisé, ce n’est pas pour sa valeur en soi, mais en vertu de la règle
qui permet de se servir du mal pour repousser le pire.
La liberté de parole est plus importante que la liberté de pensée; car
une erreur dans la pensée ne nuit qu’à son auteur, alors que la liberté de
l’expression est d’un caractère général qui fait que les
effets-inconvénients et avantages- peuvent s’étendre à toute la
société.
Ghazali dit:
«La faculté de parole est un don des plus précieux et des plus
subtiles de la bonté divine. Bien que petite de taille, la langue joue un
rôle déterminant en ce qu’elle révèle la foi et l’incrédulité, points
extrêmes, respectivement de la soumission ou de la rebellion de l’homme
vis à vis de son Seigneur.»
Puis il poursuit:
«Seul y trouve son salut, celui qui la retient par la religion, et
qui ne la relâche que lorsqu’elle lui procure le bien de ce monde et de
l’au- delà.»46
Quant aux enfants pour ne pas leur communiquer ce mauvais défaut, nous
ne devons pas leur mentir car ils ont tendance à imiter, ceux qu’ils
fréquentent le plus. Si l’habitude du mensonge s’incruste dans le foyer
qui moule l’esprit de l’enfant, et que ce dernier découvre dans le
comportement des parents de la tromperie et de la fausseté, il s’en
imprègnera forcèment et ne connaîtra jamais l’honnêteté et la
franchise.
T. Morris dit:
«L’habitude de ne dire que des vérités, de ne penser qu'à la vérité
et de ne chercher que la vérité, est un comportement que seuls possèdent
ceux qui y ont grandis depuis leur enfance.»
Le mensonge aux yeux de la religion:
Le Coran classe le menteur explicitement parmi les gens qui n’ont pas
la foi:
«Ne blasphèment le mensonge, vraiment que ceux qui ne croient pas
aux signes de Dieu....»47
Le vrai croyant ne se souille donc pas par le mensonge.
L’Envoyé de Dieu- que la paix soit sur lui et sur ses descendants- a
dit:
«Suivez la voie de la sincérité. Car elle mène au bien. Le bien
conduit au Paradis. L’homme franc et soucieux de la franchise sera inscrit
auprès de Dieu comme Véridique.
Et prenez garde au mensonge! Car il conduit à la corruption, et la
corruption mène à l’Enfer. Celui qui ment et qui persiste dans le mensonge
sera inscrit auprès de Dieu comme Imposteur.»48
Les
menteurs se reconnaissent à cette particularité qu’ils sont incrédules. Le
Prophète- que la paix de Dieu soit sur lui et sur sa Famille a dit:
«Parmi les hommes, le véridique est celui qui ajoute foi aux paroles
d’autrui avec le plus de force, et le menteur celui qui s’acharne le plus
à montrer la mauvaise foi des autres.»49
Samuel Smiles dit:
Certaines gens font de leurs viles natures un critère pour juger des
caractères des autres, alors qu’en réalité les autres sont le miroir
reflètant notre état moral. Ce que nous leur trouvons en bien ou en mal
n’est en fait que le reflet de ce qui se trouve en nous- mêmes.»50
L’homme intègre et preux ne se laisse pas aller au mensonge, et évite
toute abjection. Le menteur est dévié du droit chemin par un état
psychique profond. Pour recourir au mensonge, il faut ressentir au fond de
soi une grave faiblesse, et une servitude. Le mensonge est un refuge pour
les peureux et les lâches.
L’Emir des Croyants Ali, que la paix soit sur lui a dit:
«Si les choses se rangeaient elles- mêmes selon leurs affinités, la
sincérité irait avec le courage, et la couardise serait dans le même camp
que le mensonge.»51
Raymond Pitch dit:
«Le mensonge est la meilleure arme de défense des faibles, et le
moyen le plus rapide d’écarter le danger.
C’est pour cette raison qu’il est très répandu parmi les gens de
couleur qui souffrent le calvaire sous le joug de la domination des
blancs. La plupart du temps, le mensonge n’est que la réaction à
l’incapacité et à 1’échec. Quand nous demandons à un enfant si c’est lui
qui a touché aux bonbons, ou si c’est lui qui a cassé le pot de fleurs,
l’instinct de défense lui ferait dire non, s’il est sûr qu’en
reconnaissant sa responsabilité une punition sévère lui serait infligée.
»52
L’Emir des Croyants Ali- que le salut de Dieu soit sur lui- a résumé
les avantages de la droiture et ses fruits en une phrase:
«L’homme sincère acquiert 3 choses: il inspire confiance, il attire
l’amitié et il impose son respect.»53
L’Imam Sadeq a montré que le critère de la valeur du point de vue de
l’Islam, c’est la sincérité et non les apparences et les gestes religieux,
disant:
«Ne vous laissez pas leurrer par leurs prières et leurs jeûnes
surérogatoires, parce qu’il se peut qu’ils ne les accomplissent que par
habitude. Mais éprouvez-les par la franchise et la dignité de
confiance.»54
L’Imam Ali a dit:
«Le mensonge est la pire des choses existant sur terre.»55
Chez les occidentaux Samuel Smiles écrit:
«Parmi les vices moraux, et les défauts blâmables, le mensonge est
le plus laid, le plus pénible et le plus condamnable. La sincérité doit
être le seul objectif de l’homme, dans toutes les circonstances de sa vie;
et il ne devra la sacrifier à quoi que ce soit d’autre.»56
En Islam, toute entreprise de réforme repose sur la foi qui est la base
du bonheur humain. Citons à ce propos Descartes:
«La morale sans la foi est comparable à un château construit sur de
l’argile, ou sur de la glace.»
Un autre savant dit:
«La morale sans la foi est semblable à des graines que l’on sèmerait
sur du roc, ou entre des ronces; elles pourrissent et meurent. Même dans
sa meilleure forme la morale sans la foi religieuse, serait comme un corps
sans vie.»
La religion commande à la fois au coeur et à la raison; elle est leur
lieu de réconciliation. Les sentiments religieux amortissent et atténuent
la violence des sentiments matérialistes, et mettent l’homme à l’abri de
toutes les formes du vice. Celui qui atteint à la sérénité par la foi,
trouve toujours en celle-ci un refuge et un idéal.
L’Islam a fait de la foi et des vertus, l’étalon de la personnalité
humaine, et a tout mis en oeuvre pour les développer en l’homme. La foi
est proclamée comme un garant de la véracité de la parole du musulman,
puisque son serment peut remplacer dans certains cas, la preuve
matérielle, et fait valider son témoignage devant la justice.
Il est évident que si le mensonge osait même dans ce cas, montrer sa
face hideuse, il ne serait plus à comparer avec les petites tromperies de
tous les jours dont on a déjà mentionné les mauvaises conséquences.
Le faux témoignage va plus loin qu’une simple contrevérité que le
menteur pourrait qualifier de réconciliatrice ou réparer à son aise! Il
peut être considéré comme un crime dont la gravité n’est pas moindre que
celle des autres crimes.
Le Coran, parlant de certains menteurs dit:
«...Et n’acceptez plus d’eux témoignage...»57
Nous voyons alors que la gravité du péché de mensonge dépend des
préjudices et des torts qu’il peut entraîner. Un faux serment et un faux
témoignage en sont les formes irrémissibles.
Le mensonge ouvre la voie à toutes les autres tares morales.L’Imam
Hassan el Askari- que la paix soit sur lui- dit:
«Tous les vices ont été rassemblés dans une maison, et l’on fit du
mensonge la clef de cette maison.»58
Pour rendre plus explicité cette parole, illustrons- la par une autre
tradition. Un homme se rendit un jour auprès du Prophète de l’Islam- que
la bénédiction de Dieu soit sur lui et sur sa Famille-, et lui demanda de
l’exhorter. Le Prophète lui dit:
«Abandonne le mensonge, et arme- toi de la sincérité.» L’homme s’en
alla, avec cette recommandation.
Plus tard, il avoua à des amis:
«Avant le jour où le Prophète m’éclaira de son sage conseil, j’étais
embourbé dans la fange des péchés. Mais depuis, je me suis amendé car
lorsque l’on me questionnait sur une affaire, je devais soit être franc et
avouer mon tort d’avoir commis telle ou telle turpitude, ce qui
m’humiliait devant mon vis à vis, soit mentir et me présenter comme
honnête homme, ce qui allait à l’encontre de la recommandation du
Prophète.»
Oui, les hommes sincères, qui sont véridiques par la parole et les
actes, vivent loin de tout regret et frustration, l’esprit clair et l’âme
en paix, indifférents et froids aux murmures de Satan.
Le réflexion sur les conséquences néfastes du mensonge, dans ce monde
et dans l’au- delà est la source des plus grandes leçons pour toute homme
qui aspire à vivre dans la dignité et l’honneur.
Et de fait, ces conséquences sont riches en enseignements.
La perfection authentique ne se réalise que par la morale et la foi, et
sans elle on ne saurait parler debonheur et de fèlicité.
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