Le pessimisme
- Les points clairs et obscurs de la vie. - Les préjudices du
pessimisme. - La lutte de l’Islam contre le pessimisme.
La vie est un amalgame de bien- être et de malaise, chacun s’en
faisant son lot tout au long des jours limités qui lui sont prescrits.
Chaque homme reçoit sa part en proportion plus ou moins chanceuse,
déterminant le type de vie qui sera son destin, heureuse ou douloureuse,
selon une loi implacable.
Nous ne pouvons changer en rien cette règle, ou la rendre conforme à
nos voeux. Mais après avoir accepté cette réalité de la vie, il nous est
possible de concentrer notre regard sur l’aspect positif et beau de
l’existence, en écarter les formes laides et détestables, se tourner
entièrement vers la majesté de l’univers, s’absorber dans les merveilles
de la création, les subtilités de la sagesse divine, et la perfection du
système universel. Ou bien, au contraire, choisir d’oublier les points
lumineux et éclairants de l’existence et d’en envisager les points
obscurs. En un mot, chacun pourra orienter sa pensée dans la direction
qu’il veut, et se faire de la vie l’image qu’il désire.
Il faut cependant être préparé pour faire face à ce qui entrave la voie
de la vie, avec sang froid. faute de quoi nous aurions à subir des dégâts
irréparables pouvant causer notre ruine totale.
Certains s’imaginent qu’ils auraient pu être heureux si leur vie avait
eu un cours plus fortuné, alors que leur malheur n’est pas dû aux
événements, mais à la façon dont ils interprètent chaque accident de leur
vie. Car l’homme a le pouvoir de neutraliser l’influence des facteurs
externes sur lui-même, pour parvenir au succès.
Un écrivain connu a écrit ce qui suit:
«Nos pensées sont toujours empreintes d’insatisfaction. Dans tous
les cas, nous nous plaignons. Se lamenter et pleurer font partie de la
nature humaine.
Nous avons été créés de telle sorte que notre existence souffre de
tout ce qui contrarie le corps et l’âme; nous sommes toujours en train
d’aspirer et de désirer quelque chose de nouveau. Il nous arrive même de
ne pas savoir ce que nous voulons, et à quoi nous aspirons. Nous nous
imaginons que le bonheur a échu en lot à d’autres. Nous les envions, les
convoitons et souffrons. Notre nature est pareille à l’enfant difficile et
capricieux, qui afflige notre âme de ses cris et de ses larmes, et nous
n’aurons de répit que si nous lui apprenons à observer les réalités, et à
se détacher des désirs illusoires. A force de céder à ses passions
insatiables, il finit par ne plus voir que le mal, et il nous appartient
de lui ouvrir les yeux sur le bien. De lui expliquer que seuls peuvent
cueillir des fleurs, ceux qui arrivent à les voir. L’aveugle n’en
récoltera que les épines.
Si nous surmontions nos irritations et nos erreurs de jugements,
nous verrions qu’à toutes les époques- même à la nôtre qui a déchu à un
point si bas, qui bouleverse chaque instant complètement notre vie, et qui
confond le bon et le méchant, le sain et le morbide- nous constaterions
disons- nous qu’il existe partout des belles fleurs qui invitent en tout
temps, les regards perspicaces.»
Les idées exercent un impact profond dans le bonheur des hommes. Disons
même que le seul facteur du bonheur est le degré d’intelligence et de
pensée.
L’évènement qui sort de l’ordinaire peut sembler insupportable et
pénible pour l’homme pessimiste au point de le mettre dans un état
d’abattement. Alors que l’optimiste s’en remet à Dieu devant les peines
inexorables. Il ne perd jamais sa combativité et sa résistance devant les
épreuves. Ni sa contenance et sa patience.
Ceux qui ont pris l’habitude de se croire visés par le malheur, ne
peuvent guèle vivre autrement que dans l’affliction, l’angoisse et les
ténèbres. Ils finiront par gaspiller l’essentiel de leur énergie, à force
de se montrer vulnérable devant la moindre épreuve. Il demeureront à
jamais dans l’ignorance des dons et des faveurs infinis qui les
entourent.
Un savant a dit:
«La vie traite l’homme comme il la traite, et agit envers lui sur la
base de la réciprocité. Si tu lui souris elle te sourit, si tu la boudes,
elle te boude. Si tu te sers de ta pensée, elle te fera parvenir auprès
des gens d’esprit. Si tu es clément et véridique, elle te fera entourer de
ceux qui t’aimeront et qui laisseront s’épancher de leur coeur les trésors
de l’amour et de l’affection.»
Bien qu’elles soient amères et insupportables en apparence, les
douleurs ne manquent pas de féconder les esprits et de les faire
fructifier. L’énergie spirituelle se développe à un rythme surprenant
quand elle est soumise aux épreuves les plus graves. L’intelligence et
l’esprit progressent par des sacrifices successifs, des efforts constants,
des dons désintéressés... vers le sommet de la perfection humaine.
Les préjudices du pessimisme.
Le pessimisme est une grave affection de l’âme, entraînant beaucoup de
frustrations et d’échecs et un fléau pénible dont les traces sur la
personnalité sont indélébiles.
Les peines et les différentes épreuves de la vie sont un foyer propice
à l’apparition du pessimisme, déclenchant aussi des troubles
affectifs.
Le pessimisme qui s’incruste par cette voie dans les esprits y sème des
ravages.
La beauté de la création ne peut pas se manifester à une personne dont
le miroir de l’âme a été ternie par la noirceur du pessimisme. Plus
encore, le bonheur devient pour lui, ennui et disgrâce, et du fait de sa
défnance, elle sera portée à voir dans l’action de toute personne une
arrière- pensée; elle se crée toute sorte de problèmes, imaginaires et
gaspille son énergie à réfléchir sur des questions qui n’ont pas et
n’auront jamais de réalité.
Tout comme l’optimiste répand l’optimisme et l’espoir autour de lui, le
pessimiste transmet à son entourage la consternation, l’abattement et le
désespoir, et les frustre du flambeau qui illumine la voie des aspirants à
l’éternité.
Les effets négatifs du pessimisme ne se font pas sentir seulement au
niveau psychique, mais également au niveau somatique. Ils retardent même
la guérison de certaines maladies. Un grand médecin a dit:
«Le traitement d’un malade qui marque de la méfiance à l’égard de
tout et de tous est de loin plus difficile que d’essayer de sauver une
personne qui veut se suicider en se jetant dans la mer. Donner des
médicaments à des malades souffrant d’inquiétude et d’affliction
permanentes revient à verser de l’eau dans l’huile brûlante. Pour que le
remède agisse, il est nécessaire que le patient présente un moral
confiant, assuré et calme.»
L’homme souffrant de la méfiance morbide, et de susceptibilité a
tendance à l’isolement et à fuir carrément les fréquentations. Dans cet
état, il détruit peu à peu ses aptitudes aux progrès et se confinera à une
vie morne et insatisfaisante. La susceptibilité, la méfIance et la
mauvaise opinion à l’égard des gens sont des facteurs du suicide.
A quelque catégorie de la société que nous portons le regard, nous
constaterons que la plupart des propos des gens entre eux reflètent la
mauvaise opinion qu’ils se font réciproquement sans raison valable, et
sans prendre la précaution de s’informer. Ils portent des jugements
catégoriques sur autrui, en dépit de toute la faiblesse de leur
esprit.
Ils se hâtent d’émettre leur opinion sans réfléchir un tant soit peu,
au point que souvent leur parole expriment plus leurs propres défauts que
ceux des personnes qu’ils prétendent dénigrer. Ce grand défaut rompt les
liens de la concorde et de l’union, et fait perdre aux hommes la confiance
entre eux, et les corrompt moralement et spirituellement.
La plupart des cas d’inimitié, de colère et de rancune portant
préjudice aux individus et à la société, résultent de la susceptibilité et
de la mauvaise opinion à l’égard d’autrui. Ce défaut s’insinue dans toutes
les couches de la société et se retrouve même chez les hommes de science
et les penseurs. De grands savants ont tout au long de l’histoire été
victimes de ce défaut qui leur a fait commettre des erreurs irréparables.
Et plutôt que de servir la société, ils ont oeuvré à la rendre plus
confuse, lui infusant leur poison dans les artères.
Certains ont été effrayés par la perspective de l’explosion
démographique, de la pauvreté et de la misère, au point de déclarer licite
tout ce qui pourrait réduire la présence humaine comme les guerres,
l’assassinat. Si tous les hommes se laissaient persuader par de telles
idées, il n’y aurait plus sur terre de vestige de civilisation.
Un philosophe pessimiste- type fut Aboul Alâ al Maari. Il ne voyait
rien d'autre dans la vie que douleur et châtiment, et recommandait aux
hommes de ne pas se marier et de ne pas se reproduire, afin de cesser le
cycle des châtiments des générations. Dans son testament, il demandait que
l’on gravât les vers suivants, sur sa tombe:
«Tel est le crime que commit mon père envers moi,je meurs pour ma,
part sans avoir nui à personne!»
La lutte de l’Islam contre le pessimisme.
Le noble Coran a déclaré explicitement que la mauvaise opinion fait
partie des péchés et a mis en garde les musulmans contre ce défaut dans ce
verset:
«Ho, les Croyants! Evitez de trop conjecturer, oui, une partie de la
conjecture est péché.»29
L’Islam interdit aux gens de soupçonner sans raison valable leurs
prochains:
«Sont illicites au musulman, le sang de son frère musulman, ses
biens, et la mauvaise opinion à son égard.»30
Tout comme il défend le transfert d’un bien d’une personne à une autre
sans preuve suffisante, il ne tolère pas que l’on pense en mal des gens,
qu’on les accuse de tous les défauts avant même qu’on ait établi les
preuves irréfutables.
L’Emir des Croyants, Ali- que le salut de Dieu soit sur lui- a dit:
«Il n’est pas juste de détruire la confiance par la
suspicion.»31
Puis il met éloquemment en évidence les dommages que peut causer cette
mauvaise habitude envers autrui, en disant:
«Garde- toi de la conjecture, car elle altère le culte, et alourdit
la charge du péché.»32
Il conclut en ces termes:
«La mauvaise opinion envers l’homme de bien est la pire des choses
et la plus laide des formes de l’injustice.»33
«Celui chez qui domine la tendance à la conjecture et au soupçon
détruira tous ses liens avec ses amis.»34
Outre l’effet néfaste qu’elle exerce sur celui qui en est habitué, la
suspicion a aussi ses conséquences dévastatrices sur les dispositions
morales et psychologiques des autres. La victime d’une calomnie peut en
effet être entraînée à la déviation, à la corruption morale et au
vice.
L’Imam Ali a déclaré à ce sujet:
«La mauvaise opinion bouleverse les situations, et incite aux
méfaits.»35
Le docteur Marden donne l’exemple de certains patrons qui soupçonnent
leurs domestiques d’être- par exemple- des voleurs, au point qu’ils
finissent par le devenir. La susceptibilité, même non exprimée par la
parole, exerce ses ravages et empoisonne l’esprit de la personne qui en
est l’objet, et le conduit au délit.36
Rappelons de même la recommandation de l’Emir des Croyants, Ali aux
époux:
«Garde-toi de faire de la jalousie mal placée, car elle altère le
sain, et rend suspect l»innocent.»37
L’homme atteint de la susceptibilité, se prive aussi de la santé du
corps et de l’esprit. L’Imam a dit également:
«Le soupçonneux ne connaît jamais le repos.»38
Le docteur Alexis Carrel dit à ce propos:.
«Certaines habitudes amoindrissent la capacité de l’individu à
vivre, comme par exemple la tendance à tout critiquer et à tout
soupçonner. Ces habitudes morales négatives influent sur le système
nerveux sympathique, et les glandes endocrines, et peuvent être à
l’origine d’un trouble fonctionnel ou organique.»39
Le docteur Marden dit:
«La susceptibilité détruit la santé, affaiblit la force morale.
L’esprit équilibré n’entrevoit jamais le mal, mais aspire toujours à
rencontrer le bien; il sait que le bien est une réalité éternelle, et que
le mal ne résulte que de la faiblesse des forces bénéfiques, tout comme
l’obscurité dépourvue d’essence indépendante, n’est due qu’à l’abscence de
lumière. Cherchez toujours la lumière! car elle élimine l’obscurité du
coeur et de l’âme.»40
Citons encore une parole de l’Imam Ali qui met en relief le caractère
anti- social de la suspicion:
«Quiconque se montre trop susceptible, finit par redouter tout le
monde.»41
Le docteur Farmer dit pour sa part:
«Celui qui a peur d’exprimer ouvertement sa pensée et son point de
vue, dans une réunion où chacun peut librement le faire, ou celui qui de
peur de rencontrer ses proches sur les grandes avenues et les lieux
publics emprunte les voies secondaires et les ruelles étroites et peu
fréquentées, sont tous les deux en proie, à la susceptibilit é et au
pessimisme.»42
Le mauvais souvenir que l’on garde d’un évènement ou d’une personne est
aussi souvent cause de soupçons.
«Dans le tréfond de toute personne, il existe des souvenirs qui lui
répugnent.»43 a dit l’Imam Ali.
Une autre personnalité du monde scientifique, le docteur Helen
Schachter dit:
«Les personnes qui n’ont pas confiance en elles- mêmes ont une
sensibilité au- dessus de la moyenne. Un rien les fait souffrir. Le
souvenir de ces souffrances s’enracine inconsciemment chez elles, et
influera sur leurs actes, leurs paroles et leurs pensées. Elles se
montreront méfiantes sans en connaître les raisons. Car ces souvenirs sont
enfouis dans leur inconscient, et ne se révélent pas facilement.
En d’autres termes, l’homme a naturellement tendance à fuir les
souvenirs douloureux, et ne veut pas de lui- même se rappeler ses
souffrances. Mais l’ennemi caché et rancunier ne cesse pourtant pas ses
méfaits et ses haines, et impose sa volonté à notre esprit, à notre
comportement moral, au point que des fois, nous nous étonnons de nos
propres actes dénués de toute justification. Mais en approfondissant notre
recherche, nous verrons que ces comportements sont engendrés directement
par les souvenirs enfouis dans notre inconscient.»44
Les gens de caractère vil s’imaginent que tous les hommes leurs sont
semblables et voient se reflèter chez les autres leurs propres vices.
L’Emir des Croyants- que la paix soit sur lui- a dit que l’homme
méchant ne pense du bien de personne, car il voit tout le monde à son
image.45
Le docteur Mann, dans son ouvrage intitulé «les principes de la
psychologie» écrit dans le même sens:
«Nous entendons par projection, le mécanisme par lequel un sujet
perçoit comme étant dans autrui les idées, les mobiles et les sentiments
qui lui sont propres.
Cette sorte de réaction est défensive et compensatrice et se
manifeste dans le but d’empêcher l’angoisse. La projection est une sorte
de comparaison à soi, partiquée inconscienment. Quand ce type de défense
se développe davantage, il devient morbide, et est considéré comme une
maladie psychologique.
Il se peut que cette réaction se manifeste à la suite d’un sentiment
de culpabilité. Quand l’auteur commet un acte provoquant ce sentiment, il
en attribue la responsabilité à quelqu’un d’autre.»
Lors de l’Hégire, le Prophète de l’Islam arriva à Médine, venant de la
Mecque. Un homme vint à lui et lui dit:
«Ô Prophète de Dieu! Les gens de ce pays sont bons et bienfaiteurs.
Tu as bien fait d’émigrer vers eux.» Le Prophète lui répondit: «Tu
as raison!».
Puis un autre homme se présenta à lui, et lui dit:
«Les gens de cette cité sont méchants, tu aurais mieux fait de ne
pas venir vers eux!»
Le Prophète lui fnt la même réponse qu’au premier. Quelqu’un interrogea
alors le Prophète, au sujet de l’identité des réponses données à des
paroles contradictoires. Le Prophète lui répondit:
«Je sais ce que recèle le fond de chacun des deux. Ils étaient tous
deux sincères.»
C’est à dire que chacun était sincère par rapport à ce qu’il pensait
dans son tréfonds.
Il est évident que la susceptibilité et la mauvaise opinion qui sont
ici objet de blâme, sont celles qui traduisent une déviation de l’esprit
par habitude et persistance en elles. Ce qui est considéré comme un péché
et une infraction à la Loi divine, ce sont les préjudices causés par ces
défauts à autrui.
Les conjectures et les suggestions qui ne sont pas suivies d’effets ne
donnent pas lieu à la responsabilité juridique, car elles ne dépendent pas
de la volonté.
Ajoutons qu’étant donné que l’amertume des pessimistes procède de ce
défaut pernicieux, il convient d’approfondir l’examen de cette cause et de
la traiter à sa racine.
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