Optimisme et
candeur
- La conscience tranquille. - Effets de l’optimisme. - L’Islam,
école de l’optimisme.
Plus qu’à toute autre chose, l’homme aspire, tout au long de sa
vie, à préserver la tranquilité de sa conscience, sans cesse mise à rude
épreuve. Faire face aux difficultés de la vie, sans s’être armé au
préalable d’une conscience fortement établie, c’est aller tout droit à
l’échec. Plus nos difficultés seront alourdies, et plus notre besoin de
paix intérieure sera grand, impérieux et profond. Nous devons donc, dès à
présent, apprendre à éviter les pièges de l’affectivité, et à nous
réfugier dans la tranquilité d’âme et la stabilité.
La quête de l’opulence, de la puissance, de la gloire et de la
jouissance est vaine si l’on espère par elle parvenir à la paix
intérieure. Tous les efforts en ce sens seront inutiles, car la source du
bonheur se trouve en l’homme lui- même, tout comme d’ailleurs la source du
malheur.
«Prétends-tu n’être qu’un petit ver. Alors qu’en toi se
cristallise l’univers. Ton remède est en toi, mais en as-tu
conscience? Et ton mal vient de toi, en as-tu clairvoyance?»14
Le remède- comme l’a dit l’Emir des Croyants- se trouve donc en l’homme
même.
Les ressources précieuses de l'énergie spirituelle de l’homme sont à
cet égard de loin supérieures à celles que peut offrir la réalité
objective. Toutes les conditions du bien-être extérieur, et tous les
moyens utilisés à cette fin sont transitoires et éphémères, et ne
pourraient jamais assurer à l’homme le calme intérieur total. Seules la
pensée et les qualités morales présentent u n caractère de permanence, et
c’est grâce à elles que les hommes se libérent du recours à la
précarité.
Epictète, le célèbre philosophe stoïcien du ler siècle enseignait:
«Il faut apprendre aux hommes qu’ils ne trouveront pas le bonheur et
la bonne fortune là où ils les cherchent aveuglèment et à tâtons. Le vrai
bonheur n’est pas dans la force et le pouvoir. Ni Nemrod ni Euclyos
n’étaient heureux, en dépit de leur puissance exceptionnelle. La félicité
n’est pas dans la richesse et les biens incalculables. Crésus ne fut pas
un homme heureux, malgré tous ses trésors et ses coffres innombrables. Le
bonheur ne saurait se concevoir dans le pouvoir et les prérogatives
politiques: les consuls romains n'en goûtèrent point du fait de leur vaste
puissance.
Néron, Sardanapale et Agamemnon avaient coutume de pleurer et de se
lamenter de leur sort, conscients qu’ils furent d’être les jouets des
événements et des vicissitudes, alors qu’ils disposaient de tous les
avantages et de tous les privilèges de leur rang. Il faut chercher le vrai
bonheur en soi et dans sa conscience.»
Reconnaissons que la résolution de beaucoup d’énigmes stupéfiantes de
la nature, et la multiplication des moyens du bien-être à notre époque,
n’ont pas suffi pour susciter l’avènement d’une vie sans inquiétude et
sans agitation. Non seulement, elles n’ont pas pu réduire les douleurs de
la vie, mais elles ont aussi ajouté à l’humanité un train nouveau de
soucis, de manies et de troubles.
Par conséquent, pour se prémunir contre les frustrations incessantes de
la vie, et pour écarter le voile obscur qui tend à envahir notre âme, nous
éprouvons un besoin impérieux de pensées claires. La pensée qui est à
juste titre la plus noble de nos facultés, tout comme elle a pu conférer à
l’homme la suprématie sur les éléments naturels, et causer des
transformations bouleversantes dans tous les aspects de la vie, peut aussi
assurer son épanouissement; de là son rôle fondamental.
Un esprit éclairé est une source intarissable. Il transporte l’homme à
des horizons dépassant ses préoccupations matérielles, et le fait accéder
à un monde meilleur.
L’homme dont les facultés intellectuelles sont achevées et parfaites,
peut résister comme un roc devant les vicissitudes dela vie, et demeurer
imperturbable aux coups du sort qui jalonnent le cours de son existence.
Pour garder sa présence d’esprit et ne pas céder à l’émotion et aussi pour
se maintenir toujours loin des excès dans l’un ou l’autre sens, nous
devons conférer à nos idées des critères évaluant nos comportements, nous
permettant de demeurer sur la bonne voie, et de nous armer contre le
découragement et la perplexité.
Un savant occidental dit à ce propos:
«Il se peut que nous ne puissions pas trier les quelques rares
individus ayant des affinités morales ou autres avec nous, mais nous
sommes libres dans le choix de nos idées. Nousjugeons comme nous
l’entendons. Les contraintes et les circonstances de toutes sortes que
nous percevons dans le milieu extérieur ne pénètrent pas nos esprits pour
nous contraindre à adopter des idées que nous ne voulons pas.
Nous devons par conséquent faire nôtre les pensées justes, et en
repousser les défectueuses, car nous nous dirigeons toujours vers où nous
guide notre esprit. En d’autres termes, ce sont nos idées qui nous
orientent. Ne nous permettons donc pas de penser mal; et n’occupons pas
nos esprits à des choses que nous condamnons, ou que nous regretterons en
fin de compte. Ce sont de pareilles idées qui font naître le sentiment de
déchéance et conduisent à mille malheurs. Tâchons d’être toujours en quête
de la perfection, et non de la dégradation, et nourissons-nous d’espoirs
ardents et d’objectifs sublimes. Car la pensée saine est la clef de toute
réussite et de tout bonheur.»
Les effets de
l’optimisme.
Tout comme l’organisme vivant est perturbé par toutes sortes de
maladies, de même il existe différents facteurs comme les mauvais défauts
et habitudes troublant le calme moral. Un esprit aussi fort soit-il ne
peut se développer sans règle morale, et l’on ne peut jouir réellement du
bonheur que si notre comportement est conforme et compatible avec nos
idées. D’où la nécessité de déraciner en soi les défauts qui portent
ombrage à notre vie, et d'y semer à leur place les graines de la
sérénité.
L’optimisme, la vision optimiste des choses, et la confiance en autrui,
sont précisément des facteurs concourrant à l’instauration de l’équilibre
psychique, et sont des garants du bonheur et de la sérénité, contrairement
au pessimisme qui réduit l’intensité de l’activité morale. On peut
comparer l’attitude optimiste à une lumière sous laquelle s’élargissent
les horizons de vue, et s’accroit en l’homme l’amour de la bonne oeuvre.
La vie prend davantage de sens pour lui, et devient plus douce et plus
attrayante. Sonjugement des hommes sera plus avéré. Il ressentira moins la
douleur sous toutes ses formes, ses espoirs seront plus ardents, et ses
rapports avec ses semblables demeureront au beau fixe.
Rien n’atténue la complexité des problèmes autant que l’attitude
optimiste. Celle-ci n’agit pas seulement au moment de la satisfaction,
mais permet à l’homme de garder son sang froid devant les circonstances
négatives, et de faire face à ces dernières avec clairvoyance et espoir,
de façon à rayonner toujours de gaieté et d' enthousiasme.
Le besoin de conquérir la confiance d’autrui est nécessaire, et exige
que l’on prenne en compte l’importance de la bonne opinion envers les
autres, cette règle jouant un rôle direct dans le bonheur individuel et
collectif. Le degré de confiance règnant entre les individus indique le
degré de cohésion et de progrès social. Quand la confiance fait totalement
défaut, la société entre dans la décadence et la dégradation. La bonne
opinion entre les gens engendre la coopération, la collaboration et la
confiance mutuelle. On peut vivre dans une coexistence pacifique si les
rapports sont régis par la concorde alliée à la confiance, mais sans cette
dernière et dans un climat de susceptibilité, on ne saurait parvenir à
l’entente, chacun se montrant critique envers son voisin. Il est établi
qu’une telle société ne sera société qu'au sens apparent et formel, sans
effet réel utile. On a dit à raison que la bonne opinion entre les gens
est une manifestation de la foi, et rien ne peut se faire sans la foi et
l’espoir.
Plus grande sera la confiance envers les gens, et plus forte sera celle
des gens envers nous. Cette loi est vérifiée dans toute forme de société.
Mais n’oublions pas qu’il y a une grande différence entre l’optimisme et
la crédulité. Se faire une bonne opinion ne signifie pas se soumettre
entièrement à n’importe qui, ou à obéir aux autres sans réfléchir sur
leurs intentions, ou encore sans les examiner dans leurs actes. Et partant
nous n’avons pas à généraliser cette règle aux gens qui sont des
délinquants notoires.
En un mot cette règle de la bonne opinion n'est pas un principe
excluant toute particularité, et n’est pas applicable à l’ensemble des
individus et en toutes circonstances. Quelle que soit notre bonne opinion
des gens, et notre volonté de ne voir dans leurs actes que la
concrétisation de bonnes intentions, nous ne devons pas en perdre de vue
les conséquences et devons faire preuve de prévention et de
perspicacité.
L’Islam recommande l’optimisme:
En répandant ses enseignements, la doctrine islamique a semé au plus
profond des coeurs des croyants la graine de l’optimisme et de la candeur,
créant ainsi les conditions favorables à l’épanouissement de la
société.
Le noble Prophète- que les salutations et les bénédictions de Dieu
soient sur lui et sur sa Famille avait cette qualité si développée en lui
que les hypocrites y voyant une faiblesse, le lui reprochèrent comme le
rapporte le Coran:
«Et il y a parmi eux ceux qui tourmentent le Prophète et disent: ‘Il
est tout oreille’, Dis: 'Tout oreille au bien pour vous, il croit en Dieu,
et fait créance aux croyants’...»15
L’Islam enjoint aux musulmans de faire règner la bonne opinion entre
eux, les uns envers les autres, et à considérer leurs actes respectifs,
d’abord comme des actes guidés par la bonne intention, ou du moins à les
supposer tels. Nul n’a le droit de mésinterpréter l’attitude d’un musulman
à moins d’avoir des raisons ou des témoins à preuve.
L’Emir des Croyants, Ali- que la paix de Dieu soit sur lui- a dit:
«Tiens les actes de ton frère pour bons, jusqu' à ce que te vienne
la preuve de ce qui t’en rendais perplexe. Et ne pense pas en mal d’une
parole sortie de la bouche de ton frère, quand tu peux lui trouver une
bonne interprétation.»16
La bonne opinion à l’égard d’autrui attire amitié et affection.
Les Imams de l’Islam, Ali à leur tête, ont évoqué, en différents
termes, cette qualité disant par example:
«Quiconque se fait une bonne opinion des gens, gagne leur
coeur.»17
Le docteur Marden dit:
«Quand vous rencontrez quelqu’un, tâchez de ne voir en lui que les
bons côtés, ses bonnes qualités morales et psychologiques, puis essayez de
grossir à vos yeux ce que vous lui trouvez de belles qualités. Si vous
arrivez à garder ce conseil en tête, vous vivrez une vie sans nuage, et
vous verrez que chacun essaiera de vous plaire et de chercher votre
satisfaction, et de s’attirer votre amitié.»18
L’influence exercée par la bonne opinion et l’optimisme est telle
qu’elle peut s’étendre même aux pensées et actes des corrompus. Elle est
en somme capable de préparer le terrain à une réforme de ces derniers.
L’Imam Ali dit:
«La bonne opinion préserve du péché.»19
Dale Carnegie nous apporte le témoignage suivant à ce propos:
«J’eus récemment un entretien avec l’un des directeurs des ,
Exchange Buffets', groupe de vingt-six restaurants qui fonctionnent
d’après un système spécial, le’système de l’honneur'. Dans ces
établissements, dont la fondation remonte à 1885, on ne présente jamais
d’addition aux clients. Vous commandez ce que vous voulez. vous consommez,
faites votre compte vous même et réglez à la caisse en partant. Pas de
contrôle. pas de fche, rien. «Mais vous avez bien quelques surveillants?»
m’écriai-je. stupéfait. «Vous ne pouvez pas être sûrs de tous vos
clients!»’- Nous ne surveillons rien du tout, me dit le directeur. Peut-
être y a-t-il des resquilleurs nous l’ignorons. Mais nous savons que notre
système a du bon, sinon il nous eût été bien difficile de faire prospérer
notre entreprise pendant plus d’un demi-siècle.’ Aux «Exchange Buffets»
chacun se sent traité en honnête homme, en homme d’honneur. Aussi, tous-
riches, pauvres, voleurs ou mendiants- veulent mériter la confiance qu’on
leur témoigne.»
«Si vous avez affaire à une fripouille, disait encore Mr. Lawes,
directeur du pénitencier de Sing Sing, et autorité en la matière, s’il en
fut, si vous avez affaire à une fripouille, vous n’avez qu’un moyen d’en
tirer quelque chose de bon: feignez d’avoir confiance en lui, traitez- la
comme un honnête et respectable citoyen, admettez d’emblée qu’il est
loyal, «régulier». Il sera si flatté de votre confiance qu’il essaiera
peut- être de la mériter.»’20
Gilbert Robin dit pour sa part:
«Ayez confiance en les enfants, je veux dire comportez- vous à leur
égard comme envers des innocents purs. Oubliez leur passé, et effacez de
votre mémoire toutes leurs mauvaises actions. Essayez même de confier des
responsabilités- fussent- elles au- dessus de leurs capacités- à des
enfants qui ne respectent pas les règles d’hygiène ou de la morale, à ceux
qui fuient la maison ou leur devoir. Plus encore, faites de sorte que
l’accomplissement de ces nouvelles responsabilités leur inspire le
sentiment de s’être améliorés et d’en être dignes. On peut ainsi aplanir
la voie à la réforme des personnes en leur faisant confiance et en ayant
un comportement respectueux envers elles. La plupart des actes blamables
sont des réactions destinées à combler un vide ressenti par leur auteur.
Cyril Bert préconisait de très bonnes méthodes pour lutter contre les
mauvaises tendances, disant qu’il fallait confier des sommes d'argent en
dépôt à des enfants habitués aux larcins, et des tâches physiques
plaisantes aux enfants désoeuvrés et négligents.»21
L’optimisme est une garantie de sérénité. L’Emir des Croyants dit:
«La bonne opinion est source de calme pour le coeur, et de pureté
pour la foi.»22
Elle atténue les douleurs et l’amertume de la vie.
«... elle allège le malheur.»23
Le docteur Marden dit:
«Rien n’enjolive à nos yeux la vie, n’efface la douleur, et ne nous
aplanit la voie du succès autant que l’optimisme et la bonne opinion
envers autrui. Evitez les pensées douloureuses tout comme les maladies et
leurs graves conséquences, Aérez votre esprit par des pensées joyeuses et
tâchez de vous délivrer des préjugés,»24
Les musulmans doivent avoir entre eux des rapports dénués de toute
fâcheuse arrière- pensée les uns envers les autres. L’Imam Ali
recommandait aux Croyants de penser toujours en bien de leurs frères, et
d’agir de façon à ne pas décevoir cette attente chez eux et à ne pas
tomber sous leur médisance:
«Ne déçois pas l’attente de celui qui te crédite d’une bonne
opinion,»25
Ali- que la paix de Dieu soit sur lui-, continue ainsi:
«La conjecture de l’homme est le critère de son intelligence, et ses
actes sont les témoins les plus authentiques de son tréfond,»26
Celui qui se fait une mauvaise opinion des gens, en subit les
conséquences lui- même. Pour cette raison, l’Imam a fait de la bonne
opinion du musulman envers son frère en Dieu, une preuve de sa capacité
spirituelle, en disant:
«Celui qui dément une mauvaise opinion envers son frère ou s’en
garde lui- même préservera son esprit et calmera son coeur.»27
Samuel Smiles dit:
«Il a été prouvé que l’homme doté d’une nature puissante et de la
grandeur d’âme, est naturellement souriant, et porté à la bonté, et a un
caractère avenant et bienveillant en toute chose et toute personne. Les
personnes sages, distinguent derrière tout nuage noir et épais, un soleil
éclairant et lumineux, et derrière toute épreuve et tout malheur, ils
devinent un bonheur qu'ils s'emploient à réaliser. Ils tirent un
supplément de force de toute douleur et de toute catastrophe, et puisent
davantage de courage, de savoir et de connaissance de toute affliction et
tristesse. Une nature comme celle- ci connaît sûrement le bonheur, et il
est juste qu’on l’envie, car elle confère au visage une lumière et un
sourire permanents. Leurs coeurs débordent de clarté, et tout se présente
à leurs yeux en toute netteté, beau et attrayant.»28
L’Imam Jaafar Sadeq 6e Imam du chiisme fait de la bonne opinion un
droit mutuel des musulmans entre eux.
«Le Croyant a droit que son frère croyant... ne le démente pas.»
dit-il dans un long hadith.
La foi est assûrèment le facteur favorisant le plus l’optimisme. Si
tous les hommes partageaient la même foi, il aurait été naturel qu’ils
eussent confiance les uns envers les autres. C’est la perte de la foi qui
est le mal funeste qui corrompt en l’homme sa confiance dans les autres et
le rend susceptible à leur égard. Le croyant s'appuie sur cette force
absolue quand il ressent une faiblesse ou une incapacité. Il implore le
secours de Dieu, source de toute force pour surmonter les difficultés. Ce
qui a sur la formation de son esprit un impact profond.
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