Le problème de l'éternité. Le problème du châtiment éternel qui sera infligé aux pécheurs et aux non - croyants en Enfer est un des plus importants problémes qui préoccupent les esprits de beaucoup de gens. Mais il est nécessaire que ces égarés subissent un châtiment illimité dans le temps. Ce problème aigu nait de l'idée que les actes accomplis dans ce monde
étant réalisés en une période transitoire, comment leurs conséquences
prendraient-elles une durée illimitée, et éternelle? En d'autres termes,
quel lien existe - t - il entre les actes limités de ce monde et leur
rétribution illimitée dans l'au - delà? La juste mesure reconnue dans les tribunaux humains et les procédures
juridiques veut que les peines frappant les auteurs de délits et de crimes
définis comme tels par la loi, soient proportionnelles à la gravité de ces
délits et crimes. Comment pourrait - on croire, dans ce cas, à l'absence d'une
compatibilité totale entre les oeuvres de l'homme et leur
châtiment? Ce qui fait problème, c'est seulement l'éternité des méchants - autre que les croyants - qui seront précipités dans les profondeurs de l'enfer et dont le châtiment ne sera pas allégé un seul instant. Cette punition ne sera jamais compatible avec la corruption et la déviation dont ils se sont rendu coupables sur terre, même si toute leur vie n'avait été faite que de fautes et de péchés. L'homme a beau s'enliser toute sa vie dans la mécréance, l'athéisme et la corruption, il n'ira jamais au - delà de la limite de cent ans. Alors que cette période semble longue, elle n'est qu'un instant éphémère, comparée à l'éternité. * * * Certains ulémas, voulant surmonter la contradiction imaginée entre lajustice divine et l'éternité du châtiment, ont recouru à l'interprétation des versets relatifs au châtimen éternel, disant que le mot éternité y est utilisé par métaphore dans le sens de longue durée. Ils se sont imaginés avoir réglé ainsi le problème. Mais rien ne justifie le recours à cette interprétation, qui est très
éloignée de la vérité. Outre cela, il n'y avait aucun argument valable à
l'appui de ce recours. On siit, en effet, que l'interprétation allégorique
des versets coraniques ne nous est permise que si elle ne contredit pas
leur sens manifeste. Or, le Coran affirme clairement l'éternité du
châtiment de ceux qui se sont volontairement fixés un destin
misérable. «Ne savent - ils pas qu'en vérité quiconque s'oppose à Dieu et à Son
messager, à celui - là alors, le feu de la Géhenne, oui, pour y demeurer
éternellement. Voilà la grande ignominie.»181 On ne peut nier le caractère explicite de ces versets, ni s'autoriser à
interpréter l'éternité par la longue durée. * * * La peur du châtiment peut être considérée comme un des principaux
facteurs poussant la plupart des gens à exécuter les commandements divins.
Et le rôle que joue le facteur religieux dans la discipline et la retenue
de l'homme est d'un impact plus grand et plus profond sur les esprits que
l'emploi de la force et de la contrainte. La société est à l'abri des
méfaits de tout homme vivant dans la crainte de la puissance
divine. A l'opposé de cela, il y a une peur nuisible et préjudiciable, qui nait
de la faiblesse et de l'humiliation. Non seulement elle ne constitue pas
un stimulant aux oeuvres utiles et fructueuses, mais est même un obstacle
au progrès de l'homme et à son épanouissement dans le bonheur. La crainte des conséquences néfastes de ses actes fait que l'homme se
transforme en un être ordonné et discipliné, prévoyant et résolu. Un tel
homme surveille le moindre de ses actes, petit ou grand. Il médite
longuement sur la grandeur et la souveraineté de Dieu. L'Imam Sâdeq - que la paix de Dieu soit sur lui - dit: «La crainte est le gardien du coeur, et l'espérance est
l'intercesseur de l'âme. Celui qui connaît Dieu, craint Dieu, et place en
Lui ses espérances. La crainte et l'espérance sont les deux ailes de la
foi, avec lesquels l'homme prend son essor vers l'agrément de Dieu. Ils
sont les deux yeux de son intellect avec lesquels il observe la promesse
de Dieu et Sa menace. La crainte nous fait révéler la justice de Dieu en
nous faisant redouter Sa promesse. «Le croyant est entre deux peurs; la peur de son passé, et la peur
des jours qui lui restent à vivre.» L'Imam Sâdeq - que la paix de Dieu soit sur lui -évoque ainsi l'impact du souvenir de la mort: «La mémoration de la mort tue les passions de l'âme, extirpe les
racines de l'inattention et de la négligence, renforce le coeur par les
promesses de Dieu, raffine le caractère, brise les signes de la passion,
éteint le feu du lucre, et fait apparaître aux yeux des hommes la futilité
de ce monde. Tel est le sens de la parole du Prophète: * * * Oui, s'adonner entièrement et exclusivement aux affaires du monde, crée
un voile épais de négligence et d'inattention devant la vision humaine, le
conduisant à une rupture avec les valeurs morales supérieures, et enfin à
rencontrer la mort les mains vides de tout viatique pour l'au -
delà. Cette atmosphére d'ignorance eut un impact si profond sur lui, qu'il ne put s'empêcher de verser des larmes sur ce qui s'offrait à sa vue, Il dit: «Ô esclaves du monde et qui oeuvrez pour ceux qui sont épris de lui, si dans la journée vous vous livrez aux transactions et dans la nuit vous dormez dans vos lits, et pendant tout ce temps vous êtes insoucieux et indifférents de l'au - delà. Quand donc amasserez - vous votre viatique et penserez - vous au Retour.»(résurrection).187 L'Imam Sadjdjâd (Ali ibn Hossein) - que la paix de Dieu soit sur lui - adresse cette supplique au Créateur disant: «Et prolonge mon âge, tant que mesjours sont consacrés à T'obéir. Si ma vie devenait une pâture pour les diables, tire - moi vers Toi, avant que je sois touché par Ta haine, ou que Ton courroux ne retombe sur moi.»188 D'autre part, l'homme est attaché dans ce monde à beaucoup de jouissances et de plaisirs. Il existe chez le commun des gens des aspirations à l'obtention de ces jouissances; et de telles aspiration sont générales et ne se limitent pas à quelques individus. Ces aspirations ne connaissent de répit qu'avec la mort. Et Dieu, pour cette -raison, n'a pas interdit à l'homme de profiter de ces jouissances pures et naturelles, et ne l'a pas encouragé à se détourner complètement des affaires du monde et des joies qu'il offre. Mais Dieu compare les valeurs fausses et passagères aux valeurs authentiques et aspirations véritables. Il met en garde les hommes de se laisser tromper par les plaisirs transitoires, de s'attacher aux désirs et aspirations de l'âme charnelle, et de perdre ainsi lesjouissances éternelles. Il appelle ses créatures à rechercher toujours Sa satisfaction, et à demeurer vigilants à leur obéissance envers Lui. * * * Voyons à présent comment il est possible d'attribuer l'iniquité à
l'acte divin condamnant les criminels, les athées et les partisans de
Satan à un châtiment éternel, et comment peut - on attribuer un tel acte,
éloigné de toute justice, à l'Essence infinie? C'est cela qui fait apparaître l'incompatibilité entre les crimes
commis ici - bas et le châtiment permanent qui les sanctionne dans l'au -
delà, et rend la solution impossible. La douleur et les souffrances qui seront endurées au jour de la résurrection sont spécifiques aux oeuvres. Celles - ci ont des conséquences naturelles qui s'abattront sur les mécréants et les criminels dans l'au - delà. Le Coran nous révèle quelques mystères: «Et leur apparaîtront les pires des actions qu'ils font. Et les
enveloppera ce dont ils se raillaient.»189 Dans ces versets, le Coran affirme que les hommes verront leurs oeuvres
présentes au jour de la résurrection, c'est - à dire que l'oeuvre de
l'homme y apparaîtra dans sa forme de l'au - delà. Supposez une personne au caractère maussade et qui considère tout avec pessimisme.Un tel homme ne verrait dans le monde que ses aspects noirs et agitation. Au lieu que son âme soit submergée par le bonheur, le plaisir et la quiétude de la nature, tous ses sentiments sont confus, et toute son existence est envahie par la tristesse et l'affliction. Un tel homme, au regard aussi sceptique, ne peut lever la difficulté
qui confère à tous les phénomènes de la création un cachet sceptique, et
ce bien que tous ces phénomènes soient des merveilles et possèdent chacun
un pouvoir d'attraction puissant sur les âmes. Il en est de même d'une personne qui essaierait d'entraîner une autre
vers la déviation. Tous ceux qui seront égarés à cause de lui, et les
milliers de péchés que chacun d'eux aurait commis seront, en réalité,
considérées comme un prolongement du premier acte. L'Imam Bâqer - que le salut de Dieu soit sur lui - a dit: «Toute créature parmi les créatures de Dieu, dont le comportement serait un égarement, prendrait une part de la responsabilité de tout autre homme qui prendrait exemple sur elle, sans que la charge du second en soit diminuée pour autant.»191 Par conséquent, tout acte émanant d'un homme peut être égal à plusieurs
actes. * * * D'autre part, ce mode de penser qui établit un lien temporel entre un acte blamable et sa punition, est erroné. Cela en raison de ce que le moment de la punition est en rapport avec la qualité de la désobéissance et du péché. Entre notre acte bon et mauvais, la récompense et le châtiment, il existe donc une sorte de lien réel, alors qu'ici la quantité de temps n'est pas du tout prise en considération. Et si la récompense et le châtiment résultaient directement du même acte, il ne semblerait pas alors logique de poser le principe de l'égalité du point de vue qualitatif ou quantitatif Pour préparer l'esprit à saisir le résultat final, donnons un exemple.
Le monde objectif manifeste des réactions à nos actes. Ceux qui se brûlent
avec le feu de leurs propres actes, nous offrent des preuves de cette
loi. Nous constatons ici que la durée du désir ne dépasse pas un laps de temps, alors que la durée des séquelles de la chute s'étendra sur, disons, cinquante ans de convalescence durant lesquels la victime sera contrainte, jusqu'à sa mort, de supporter le malheur. Oui, cet, exemple nous montre comment nos actes se retournent contre
nous. Il est un modèle des prisons que nous nous construisons par nos
actes qui nous plongent dans leurs ténèbres, comme des traits tracés par
nos oeuvres sur nos fronts. Ce désir d'une seconde suivi d'une vie de
regret, cette inégalité entre l'acte auquel on aspire et le résultat
dévastateur d'une vie qui a fait de son existence une mer démontée de
douleur et de malheur, sont - ils opposés au principe de l'équité et de
justice? Cinquante ans sont chose aisée. Quelle douleur et quelle souffrance
aurait - il endurées pour un instant dans lequel il a réalisé son acte
insensé, s'il avait pu vivre des milliers d'années? Et cela n'aurait pas
été considéré comme une injustice à son égard. * * * Nous concluons de tout ce qui précéde qu'une seule faute grave, comme
le meurtre, peut receler en son sein une quantité illimitée de matières
explosives, telle qu'elle puisse brûler l'auteur de cette faute de facon
permanente et continue avec les feux et ses explosions. Ces questions concrètes dont nous venons de parler présentent un seul
défaut qui consiste en ce que toutes les causes, les antécédents, et la
manière dont l'homme se laisse prendre ou tomber dans l'aventure, peuvent
être percus par tout homme. Faisant partie des évènements ordinaires,elles
ne suscitent aucun étonnement. Par conséquent, l'ensemble de nos actes et comportements en ce monde
sont tels qu'ils engendrent leurs récompenses ou leurs châtiments, et
demeurent suspendus au - dessus de nos têtes; ils nous avertissent du
danger jusqu'au jour de la Résurrection. Si l'incroyance, la rebellion et la corruption se généralisaient à tous les aspects de l'existence d'un tel homme, et qu'il consacrait exclusivement tous ses moyens dans la voie de l'injustice et de l'idolâtrie des passions qui enserrent son âme, il est nécessaire qu'il expie toute privation des faveurs divines. Cette nécessité naturelle ne contredit nullement la justice divine, car l'injustice ne saurait pénétrer l'Essence divine. L'imposition de pareils châtiments aux pécheurs et aux désobéissants
repose donc sur les effets positifs de l'acte et ses conséquences
naturelles. Tout comme les pieux et les hommes vertueux jouiront dans
l'éternité des fruits de leurs actes. Ces derniers, grâce à leurs propres
efforts et leur bonne conduite, se sont assurés le bonheur et la joie
intérieure dans ce monde, et la félicité éternelle dans l'Autre. «Ici - bas est le champ où l'on sème pour récolter les fruits dans l'au delà.» Quel homme doué de raison hésiterait à choisir entre le premier et le
second, si le cas s'offrait à lui? * * * Nous lisons dans les recueils de traditions, cette parole prophétique: «Dieu Tout puissant dit: 'Ô fils d'Adam! J'ai été malade et tu ne m'as pas rendu visite,. L'homme répondit: 'Comment te rendrais - je visite, alors que Tu es le Seigneur des univers? Dieu dit: 'Un tel de mes serviteurs était malade, et si tu lui avais rendu visite, tu M'aurais trouvé auprès de lui. Ju t'ai demandé à boire, et tu ne M'as pas donné de l'eau., L'homme dit: 'Comment cela alors que Tu es le Seigneur des univers?, Dieu dit: 'Un tel de mes serviteurs t'avait demandé à boire, et si tu l'avais aidé à se désaltérer, tu aurais trouvé cela chez Moi. Je t'ai demandé de la nourriture, et tu ne m'en a pas donné., L'homme dit: 'Comment te nourrirais - je alors que Tu es le Seigneur des univers?, Dieu dit: 'Un de mes serviteurs t'avait demandéde la nourriture, et si tu lui en avais donné, tu l'aurais trouvé auprès de Moi.»192 En prenant en considération que c'est l'état corporel et spirituel de l'homme qui le prépare à l'amour et au travail créatif, et que si ses motivations sont orientées négativement, par exemple vers l'agressivité, l'injustice et la rudesse, cela ne résulte que d'une maladie de son âme souillée par les péchés, nous comprendrons qu'il existe une voie d'issue à l'homme pour sortir de cet état. Le Coran considère que la répugnance à commettre le péché et la désobéissance, fait partie des facultés innées en l'homme, et dit à ce sujet: «... Mais Dieu vous a fait aimer la foi et l'a embellie dans vos coeurs, tout comme Il vous a fait détester la mécréance et la perversité et la désobéissance.»193 Donc, choisir la voie de la justice et du bonheur pour parvenir au salut, au succès, et s'envoler vers l'infini, revient en réalité à emprunter la voie de la nature profonde innée. * * * Explicitant la question de l'éternité, l'Imam Sâdeq -que la paix de Dieu soit sur lui - dit: «Les gens de l'enfer resteront pour l'éternité dans l'enfer, parce
que leurs intentions ici - bas étaient que s'ils y demeuraient
éternellement, ils ne cesseraient jamais de désobéir à Dieu. Et les gens
du paradis resteront pour l'éternité dans le paradis, car leurs intentions
dans ce monde étaient que s'ils y demeuraient éternellement, ils
resteraient à jamais fidèles à Dieu. L'intention certes ne suffit pas pour qu'il y ait châtiment, mais clle
est comparable à une clef ouvrant une porte sur l'âme et permettant d'en
connaître la qualité du contenu. * * * Nous devons garder à l'esprit qu'il n'y a pas antagonisme et
contradiction entre la jouissance des biens de ce monde et celle du
bonheur de l'au - delà. Le Coran met en garde l'homme de faire du monde son idôle et son objectiftotal. Il s'adresse au Prophète en ces termes: «Passe outre, donc, à celui qui tourne le dos à Notre rappel, et qui
ne veut que la vie présente. Voilà toute la portée de leur
science!...»195 L'Islam n'envisage pas les valeurs du monde avec indifférence, mais vise à faire revivre les valeurs humaines, et reconnaît à l'homme toute la dignité et la considération qu'il mérite. * * * Il est vrai qu'il regarde la vie de l'au - delà comme un objectif et une destination finale, mais il n'omet pas de faire sa part à ce monde - ci. L'Imam Ali dit à ce sujet: «Les gens de ce monde sont de deux sortes: un travailleur ayant oeuvré dans ce monde pour ce monde,préoccupé par l'ici -'bas au detriment de l'au delà. Il redoute la pauvreté pour ceux qui lui succèderont, et croit y être à l'abri lui - même. Il consacre ainsi toute sa vie, pour assurer le bien d'autrui. L'autre (travailleur) oeuvre dans ce monde pour ce qui viendra après (ce monde), et s'assure de sa part dans ce monde sans peiner. Il reçoit ainsi les deux bénéfices à la fois, et sera propriétaire des deux demeures à la fois. Il gagne du mérite auprès de Dieu. Il ne demandera rien qui lui sera refusé.» * * * En conclusion, prions Dieu Tout - puissant de nous accorder la sincérité dans la recherche de la Vérité, la pureté dans notre attachement à elle, et le sérieux dans notre travail. Que Dieu agrée cette effort comme un acte visant entiérement à Sa
satisfaction. * * * |