Chapitre I
Tout homme dans quelque condition sociale et individuele qu'il se
trouve recherche la perfection pour soi, du fait même de sa nature, et à
cause de son statut d'être doué d'inteligence. Il est prêt à endurer les
peines et les souffrances pour s'assurer un meilleur avenir, transformer
son ètat présent en un état plus parfait. Voici ce que dit un savant à ce sujet: "Il existe dans le blé un mouvement intrinsèque vers un don plus grand,
et dans la rose un désir d'être plus belle et plus parfumée. Il en va de
même des hommes, en fonction de la "graine" dont ils sont issus. Lorsque
survient un défaut dans le grain de blé, dans la beauté ou le parfum de la
rose, ou encore dans le caractère d'un homme, il ne faut pas les imputer à
l'aspiration à la perfection. mais plutôt à un accident provoqué par un
cause qui s'oppose à cette perfection. La perfection matérielle de l'homme échappe à son libre-arbitre, alors
que la perfection de soi dépend de sa volonté. C'est la perfection
psychologique qui détermine la perfection matérielle. Il est évident que
la perfection de l'âme est une chose immatérielle, et que l'homme ne peut
y parvenir par la seule mise en oeuvre de moyens matériels. La vie de l'homme est un système constamment agité par toutes sortes d'instincts. Lorsque ces instincts sont contenus dans des limites raisonnables, ils sont nécessaires et doivent être protégés, car chacun joue un rôle dans l'économie de la vie. Mais si les instincts étaient libérés, sans retenue aucune, ils constitueraient un frein à la marche vers la perfection, car ils freineraient d'autres forces qui en l'homme, et à l'instar des instincts, aspirent à se libérer, et qui sont la raison et l'intelligence et la foi. Ces potentialités doivent aussi être actualisées pour permettre à l'homme de se réaliser pleinement. La purification de l'âme, condition de la perfection Pour atteindre tout but qu'il se propose, l'homme a besoin de se fixer
une ligne de conduite à laquelle il doit se conformer. Si le but est la
perfection, purifier son âme est la première condition, car l'homme est un
être animé par plusieurs instincts, mais il est aussi doté d'une
intelligence capable d'ordonner et de maitriser l'expression de ces
instincts. Les muscles acquièrent de la force par l'exercice. Il en va de même
pour les qualités psychologiques, à la différence que si la force
musculaire peut atteindre ses limites, la force de l'âme est illimitée:
des exemples abondent dans l'histoire où les hommes se sont surpassés par
esprit de sacrifice et de dévouement. Pour remplir ses fonctions
naturelles, le corps doit supporter certains efforts et difficultés. Et
même, l'âme devra supporter des peines pour réaliser son but. C'est l'espirt qui confére à l'homme une sèrie de règles morales qui lui sont propres. Le Dr Carrel écrit: "Nous devons nous habituer à distinguer le bien du mal comme nous savons distinguer l'obscurité de la clarté, le bruit du silence, puis nous engager à faire le bien et à renoncer au mal. Mais l'abandon du mal requiert une discipline du corps et de l'âme. Et la perfection n'est possible pour le corps et l'âme que par l'exercice de purification, et aucun excès dans la satisfaction des besoins de l'âme ne doit être permis pour celui qui entreprend de se purifier. Cet état psychophysiologique constitue la clé de voute de la personnalitè humaine; il est comme une base ou un aéroport duquel l'âme prend son essor. La voie de la perfection est toujours orientée vers le haut. C'est la raison pour laquelle beaucoup de ceux qui l'empruntent finissent par en chuter. Parfois, ils tombent dans les fossés, dans les abymes, parfois ils se retrouvent sur les rives des fleuves, ou dans les lisiéres des champs, où ils s'endorment pour l'éternité, dans la joie ou la peine, la richesse ou la misére, la santé ou la maladie. Mais malgré cela, ils devront poursuivre leur effort, et se relever après chaque chute, et tenter de gagner la foi, le désir, la volonté, l'esprit de solidarité, l'altruisme, et enfin la modestie et la franchise."2 Aujourd'hui, l'homme a perdu, dans sa vie individuelle et sociale, ainsi que dans sa vie physique et mentale, son sens de la mesu re, de l'ordre et de la juste appréciation des choses. Si l'homme abandonnait ou même reprimait les qualites emotives, sentimentales, et vitales de son être, qualités qui sont inhérentes à la mission que Dieu lui a assigné sur terre, il nierait ainsi la dignité humaine et detruirait sa nature primordiale. Sa vie ne serait plus régie que par les instincts animaux. Aujourd'hui l'humanité est en train de payer les conséquences de ce crime aux dépens de son bonheur et de sa sérénité. L'effet de ces perturabtions et déviations apparaît sous les diverses formes de la criminalité. Pas une ne minute ne passe dans les sociétés sans que s'y commette un crime ou un délit de tout genre. C'est l'une des plus graves questions sociales du monde. Les sommes dépenseés chaque année pour lutter contre la criminalité et la délinquance sont gigantesques. L'un des facteurs de la propagation de la violence, de l'effritement de la cohésion sociale est la perte du sens de la responsabilité dans les sociétés. Ce facteur est encouragé par certaines philosophies et pédagogies, comme les pensées racistes, athéistes, permissives. L'étude des causes de la criminalité et de la psychologie criminelle conduit à se poser la question de savoir si le crime est d'origine génétique ou s'il relève des maladies mentales. Puis le cas échéant à en chercher les traitements. Certains spécialistes en criminologie pensent qu'un certain nombre de délinquants et de crimminels étaient destinés à le devenir dés leur naissance. Ces criminels n'auraient fait qu'obéir à leurs gênes. Théoriquement, ils devraient être repérés comme tels au sein de la société, et seraient "les criminels nés". Le précurseur de cette thèse était le célebre criminoloque italien Lambrozzo. Sa théorie a eu beaucoup de partisans notamment chez les écrivains. L'homme est sans conteste un être éduquable. Il accomplit librement et
volontairement certaines actions positives, et s'abstient d'en commettre
d'autres négatives. Autrement, il serait absurde de dispenser des conseils
ou des réprimandes quelconques à un être qui agirait uniquement par
contrainte et sans volonté de sa part. La plupart de ceux qui ne reculent pas devant le crime ou le délit sont
nés dans les familles dépourvues de vertus morales et ne jouissant pas de
chaleur humaine, ou appartiennent à des sociétés qui souffrent de
dégradation morale. Les plus grands devoirs de l'homme Depuis qu'il existe, l'homme a toujours compris l'importance de
l'éducation. Il s'est toujours fixé des objectifs et des règles conformes
à la psychologie et en fonction de la façon dont il perçoit sa
responsabilitésdans la vie, que ces objectifs soient louables ou
non. Le Coran dit: "O Homme, tu déploies tes efforts en direction de Dieu, et tu Le
rencontreras".3 L'homme doit s'inspirer des messages prophétiques qui constituent une doctrine d'éducation authentique, pour atteindre la vie éternelle et s'assurer par là le salut dans la perfection. Gustave Lebon écrit: "Aprés plusieurs péripéties, la philosophie a reconnu que la voie du monde métaphysique lui était fermée. Pour cette raison, nous sommes obligés de nous conformer aux ordres des médecins psychologues, qui connaissent l'âme humaine, et se préoccupent de sa perfection spirituelle et mentale. Ces médecins de l'âme et de l'esprit, ce sont les prophètes divins et les envoyés de Dieu. Ce sont eux qui transmettent à l'humanité le savoir nécessaire à son amendement, savoir qu'ils puisent à la source de la révélation et de l'intuition et consistant dans l'art d'atteindre le bonheur pour parvenir à la perfection". Le Coran tient compte des deux dimensions. physique et psychologique de la nature humaine.5 Le Coran insiste sur ce point que si l'homme ne reçoit pas une éducation de base, il sera forcément livré aux instincts naturels qui affaiblissent sa conscience et entraveront le développement de son intelligence. C'est la double nature qui le rend apte à recevoir les influences les plus diverses, contradictoires mêmes. Comme le dit l'imam Ali: "Les hommes doués d'intelligence ont une soif d'éucation semblable à la
soif de pluie qu'éprouve un champ de culture.6 On ne peut pas innocenter un criminel sous le prétexte qu'il est victime des désordres sociaux. Certes nul ne peut nier l'importance de l'éducation et des orientations générales qui régissent une société donnée, mais on ne peut ignorer non plus la responsabilité du fauteur de crime. Certes aussi, il est un certain nombre de délinquants inaptes à la rééducation et à la réinsertion sociale. Ce sont généralement des gens mentalement sains, mais ayant cédé momentanément à leurs instincts ou ayant subi l'influence de mauvaises compagnies. Ceux-là doivent être traité le plus rapidement possible. Mais la lutte contre la criminalité et la délinquance ne peut pas consister seulement en réactions aussi énergiques soient-elles. Il faut que le criminel soit châtié pour présérver la société. Dans ce cas. la punition est la réaction naturelle de l'acte du criminel lui-même. Elle est nécessaire pour la préservation de l'équilibre et de la justice dans la société, et lui évitera le pire. Mais elle ne suffit pas. La science rejette aujourd'hui la théorie de Lambrozzo et de ses partisans pour qui les criminels existent naturellement. Lambrozzo était un médecin exerçant sa profession dans l'armée italienne. Son attention fut attirée par les nombreux tatouages observés sur les corps des délinquants et criminels. Il en déduisit que les corps des criminels étatient moins sensibles à la douleur que les corps des hommes ordinaires. Le défaut de sensibilité affective était chez eux la conséquence normale de leur faible sensibilité physique. Puis il disséqua le cerveau d'un bandit, et parvint à la conclusion qu'il y avait entre ce cerveau et celui des animaux vertébrés maintes ressemblances. Cela prépara le terrain à l'apparition de la théorie des caractères héréditaires cachés (le génotype). Lambrozzo a dégagé certains physiologiques qui pour lui sont des signes du criminel né: crâne anormalement développé, cheveux crépus, disproportionalité de la tête et du visage, front aplati vers l'arrière, nez écrasé, yeux enfoncés, grandes oreilles, menton saillant, ... Quand ces traits physiques et caractériels sont réunis en un personne donnée, on peut juger qu'elle est un criminel par nature. Lambrozzo appelait ces traits signes de dégénérescence. Le docteur Carrel écrivait: "Il n'existe pas dans l'humanité de criminels par nature, comme le prétend Lambrozzo. La réalité est que beaucoup de criminels sont des hommes normaux et ordinaires. Certains d'entre eux sont même des gens d'une intelligence au-dessus de la normale. Les sociologues sont incapables de les rencontrer et de les maitriser dans les prisons. Beaucoup de brigands au sujet desquels les journaux publient tous les jours des informations nouvelles, sont des êtres intelligents ayant des sentiments humains et une beauté naturelle, voire même surnaturelle, mais ils sont dépourvus de qualités morales. Beaucoup d'entre nous souffrons aussi d'insuffisances psychologiques. Cette angoisse et cette perte de l'équilibre dans le monde de la pensée
et de la conscience est l'un des asillants de notre époque. Bien qu'on ait
pu assurer avec succès une certaine sécurité dans les corps et les biens
dans les grandes villes, il n'est pas possible de développer les activités
intellectuelles et morales, malgré toutes les dépenses qui sont engagées
dans l'éducation et l'enseignement. Les déséquilibres dans la conscience
s'observent même chez des personnalités sociales de premier plan. Les
actes élémentaires manquent chez ces dernières de cohérence ou de
l'énergie nécessaire ou même de finalité voire de tout cela. Un psychologue contemporain écrit pour sa part: "Il est établi aujourd'hui de façon irréfutable et indubitable qu'il n'existe pas dans l'humantité d'être méchant par soi. Il existe cependant des psychopathes. La compréhension de cette réalité nous permet de dire sans exagération qu'il n'est pas de découverte et d'invention plus importante depuis l'apparition de l'homme à nos jours que la connaissance de cette réalité. Quand les hommes s'en imprègneront, et que les sociétés s'édifieront sur cette connaissance, tous les déséquilibres sociaux, les conflits et malheurs se dissiperont. En effet, lorsque chacun saura que l'avarice, l'envie, la couardise, le mensonge, la dissimulation et l'hypocrisie, et les centaines d'autres défauts du genre, sont les conséquences logiques des souffrances psychologiques, et qu'elles sont susceptibles d'être traitées comme on traite la toux ou l'indigestion, alors l)tous les malades psychiques qui sont qualifiés de mauvais individus accepteront de se soigner avec un réel espoir de guérison, et redeviendront des gens utiles à leur société, 2) ces malades psychiques ne seront plus regardés comme des individus dangerux, à éviter. Au contraire, en tant que malades,ils recevront l'affection des autres hommes. Il y a une différence énorme entre les deux conceptions. Cette théorie scientifique et philosophique qui est aujourd'hui mise au compte de la science moderne est tout à fait compatible avec les préceptes religieux islamiques. Le Coran décrit le groupe des hypocrites comme des malades: "Il y a une maladie dans leurs coeurs".9 John Dewey dit: "Un proverbe dit: "qui veut noyer son chien l'accuse de rage." Les moralistes professionnels continuent de dépeindre la nature humaine comme un chien enragée. Ils l'exposent à toutes sortes de blâme, sans que personne n'ose les contredire. Si l'on considère l'histoire de la morale, on s'aperçoit qu'elle a de tout temps eu une attiude sceptique envers la nature humaine, la décrivant toujours comme mauvaise et vile. Le seul souci des moralistes était de débattre des voies et moyens de dominer cette nature, au point que certains vinrent à penser que si la nature humaine n'était pas à ce degré d'infériorité, de faiblesse et de dégénérescence, la morale n'aurait eu aucune raison d'être. Certains écrivains tentèrent d'attribuer l'origine de cette idée d'une nature humaine foncièrement mauvaise aux adeptes des différentes religions, en disant que pour mieux glorifier le Créateur, ils ont décrit l'homme comme un être au plus bas de la bassesse. Honnêtement, il faut reconnaitre que cela est vrai dans un certain sens; en effet les croyants voient sans aucun doute que l'âme humaine est quelque chose de corrompu à l'extrême. En fait ce regard négatif est trés déplacé, car si l'âme humaine est à ce point mauvaise, d'où vient-il que les hommes arrivent à s'amender et à purifier leur âme, et entreprennent même de guider les autres?"10 Le prophète de l'Islam a dit: "Tout nouveau-né vient au monde avec une nature vierge (fitrah) jusqu'a ce que ses parents en fassent un juif ou un chrétien..."11 L'imam Ali dit dans ses recommandations à l'un de ses enfants: "Le coeur du nouveau-né est comme une terre non semée; elle accepte tout ce qu'on y jette. J'ai donc commencé à t'inculquer la bonne conduite avant que ton coeur ne durcisse, et que ton fond soit occupé (par d'autres pensées)"12 Par conséquent, non seulement l'homme ne nait pas criminel, mais encore
il existe dans l'être de tout homme une force qui le pousse du côté du
bien et de l'utile. Chaque fois qu'il s'écarte du parcours, elle l'y
ramène. Les philosophes disent que toute nature soumise à force dominante
éprouve un puissant désir de retourner à son état premier. Depuis
l'Antiquité, ces philosophes répétent que la raison spéculative est la
faculté humaine la plus sublime, alors que la capacité de perception du
réel au moyen de cette faculté est trés limitée, et ne présente pas toutes
les garanties d'efficacité. Dans maints domaines, la raison se montre sans
effet, comme dans le cas du jugement équitable des condamnations des
criminels et des délinquants, ou dans le fait de donner des ordres en vue
de faire le bonheur d'autrui. En conséquence, il est nécessaire que dans
la conscience de l'homme, il y ait une autre faculté indépendante de la
raison, qui serait la source de la plupart des sentiments de bien, de
l'altruisme, de la quête de la perfection, afin que par elle on puisse
interpréter les actions morales. Le Coran dit en effet: "Mais Dieu vous a fait aimer la foi, et l'a embellie dans vos coeurs, et Il vous a fait détester l'impiété, la dépravation et la désobéissance"13 Hâfez, le célebre poète persan du treizième siècl a dit: Toute cette bonté, cette fidélité qu'il y a entre nous, Bertrand Russel dit: "Jadis, on pensait que les vertus reposaient sur la volonté. On admettait que l'être humain avait un trop-plein de tendances mauvaises, qu'on ne pouvait dominer que par une seule faculté, la volonté. Il semblait que l'élimination de ces tendances perverses était impossible, que tout ce qu'on pouvait faire était de les maitriser par la volonté. L'homme à leurs yeux était comparable à un criminel ou à un policier.
On ne se représentait une société qui serait débarassée un jour des
personnes que la nature prédisposait au crime. Pour cette raison, le mieux
que l'on pouvait faire était d'établir un nombre suffisant de centres
policiers, de façon à dissuader les criminels, et lorsqu'il se trouvait
quelqu'un pour défier ces mesures, il était sévèrement puni. Jean-Jacques Rousseau écrit à ce propos dans son célebre Emile ou de l'éducation: "Au contraire, un jeune homme élevé dans une heureuse simplicité est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres et affectueuses: son coeur compatissant s'émeut sur les peines de ses semblables; il tressaille d'aise quand il revoit son camarade, ses bras savent trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verser des larmes d'attendrissement; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d'avoir offensé. Si l'ardeur d'un sang qui s'enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit le moment d'après toute la bonté de son coeur dans l'effusion de son repentir: il pleure, il gémit sur la blessure qu'il a faite; il voudrait au prix de son sang racheter celui qu'il a versé; tout son emportement s'éteint, toute sa fierté s'humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même: au fort de sa fureur, une excuse, un mot le désarme; il pardonne les torts d'autrui d'aussi bon coeur qu'il répare les siens. L'adolescence n'est l'âge ni de la vengeance ni de la haine; elle est celui de la commisération, de la clémence, de la générosité. Oui, je le soutiens et je ne crains point d'être démenti par l'expérience, un enfant qui n'est pas mal né, et qui a conservé jusqu'à vingt ans son innocence, dans la physiologie et les hormones. Il sera, le plus aimant et le plus aimable des hommes. On ne vous a jamais rien dit de semblable..."15 De son côté Waldo Emerson écrit dans La philosophie sociale: "Les vertus existent dans les âmes fortes; ces dernières les contiennent toutes. L'âme humaine aspire à la pureté, l'équité et le bien, alors qu'elle est supérieure à toutes ces qualités. Ainsi, précher la vertu sans parler de la nature de l'âme humaine, c'est commettre un manquement envers elle. L'enfant qui reçoit une bonne éducation possède toutes les facultés naturelles, sans avoir fait d'effort pour les acquérir. Parlez avec le coeur de l'homme, vous le trouverez sûrement plein de vertus" Par conséquent, et en accord avec l'enseignement de l'Islam, et la
tendance des théories savantes contemporaines, l'homme vient au mond doté
d'une nature pure, d'une âme saine suivant les lois de la génétique, Les
états de perversion sont accidentels en lui, et ne procèdent pas de sa
nature foncière. La prédication des prophètes divins repose sur le fondement de la
nature unitariste et de la nature morale. Ces principes naturels sont
aussi la base de l'éducation de l'homme conforme à son intelligence. La
fonction des prophètes, à travers leur mission et les livres célestes
qu'ils ont apportés, consistait surtout à réveiller les hommes à leur
nature primordiale, comme à un capital enfoui en eux et dont ils n'avaient
pas conscience... Comme dit Aristote: "La vertu est le moyen terme entre deux vices. L'un est l'excès,
l'autre la négligence. Car la caractéristique de la vertu est précisément
ce moyen terme dans les actions et les réactions. Par conséquent, le bien
n'est pas chose facile. La connaissance du juste milieu en toute chose est
hypothètique. De même la connaissance du centre d'un cercle n'est pas
donnée à tout le monde, sinon à la personne qui est initiée à la
géometrie. Il ne faut pas suivre la pente de son désir au point d'outrepasser les
limites raisonnables, afin qu'en demeurant dans le juste milieu, on puisse
se préserver de l'erreur..." Dans ces cas, la distinction entre la liberté et son contraire n'a pas
de sens. La distinction à faire est entre une aliénation et une autre
aliénation. La liberté n'est pas sur un plateau de la balance pendant que
l'aliénation serait sur l'autre. On peut dire qu'on a le choix entre une
liberté et une autre liberté; les hommes ont la possibilité de choisir
entre la liberté humaine et la liberté animale. Les enseignements religieux consacrent une large place à la méthode à suivre pour contenir l'empire des instincts dans des limites raisonnables de façon à assurer le développement des valeurs spiritulles. Nulle autre force que la foi ne peut assurer aux hommes cette liberté et ce bonheur. La foi seule peut engendrer en l'homme le sens de la responsabilité, sans lequel aucune société ne peut être à l'abri de la criminalité et de la transgression des lois. L'Islam a énoncé les mesures nécessaires pour l'éducation des hommes, la réforme de leurs conditions de vie sociale et économique. Il promet bonheur et récompense infinie aux bons, et malheur et châtiment infernal aux máchants. De par leur double effet positif et négatif, les habitudes jouent un
rôle considérable dans l'édification de l'homme ou sa décadence. L'esprit
positif des habitudes consiste dans la force qu'elles conférent à la
résistance morale devant les assauts des passions et des preuves
affligeantes et des difficultés de toutes sortes. Quant aux effets
négatifs résultant des mauvaises habitudes, ils sont
incalculables. Dans ses Principes de Psychologie, Mann écrit: "Les habitudes qui sont apparues au début sous l'effet d'un mobile
donné sont susceptibles de persister aprés la disparition de ce mobile.
Nous pouvons alors dire que l'habitude est devenue son propre mobile. Au
lieu de dépendre des besoins, tendances ou éspoirs de l'homme, les
habitudes s'en éloignent et s'en détachent et acquièrent une certaine
autonomie. Certains peuvent changer d'habitudes, et les événements peuvent changer le cours de leur vie. Mais on ne peut nier que l'âme humaine résiste à tout ce qui est nouveau, comme si elle redoutait le changement. Ceux qui entreprennent de changer les habitudes des personnes adultes ne devront pas perdre de vue cette donnée." Le systéme éducatif de l'Islam L'habitude est une faculté dont Dieu a doté les hommes. Grâce à elle,
ils peuvent accomplir des nombreux efforts dans l'acquistion des
connaissances et leur formation dans la vie. Mais en dépit de son impact
considérable, l'habitude peut se révéler une cause d'égarement, et de
destruction de l'esprit humain, lorsque celui-ci n'a pas une culture
suffisante et complète même. Les habitudes qui régnaient dans la société
arabe d'avant l'Islam étaient pour la plupart capables de causer la ruine
de la communauté. Les Arabes ont vu s'élargir les horizons de leur vie de façon
spectaculaire au point qu'ils se sont massivement détournés de leurs
anciennes coutumes qui les clouaient dans le cadre étroit. Ils étaient
rendus aptes à la mission divine. Et c'est tout naturellement qu'ils ont
porté la parole de Dieu aux quatre coins du monde en un temps record.
Le docteur Carrel écrit dans ses Réflexions sur la conduite de la vie: "Avant tout, il faut écarter les obstacles qui empêchent notre
éducation spirituelle. Avant de progresser sur la voie de l'élévation
spirituelle, nous devons abandonner les habitudes et défauts qui
s'opposent à cette élévation. Puis aprés avoir écarté ces obstacles, nous
entreperndrons l'élévation spirituelle suivant les dispositions de la
nature authentique de la vie. L'homme se distingue par un caractère
étonnant qui consiste dans la possibilité qu'il a, quand.il refléte sur la
conduite de la vie esprit à l'aide de sa conscience vivante et éveillée.
Mais cette construction nécessite une technique particulière. Il nous est
possible d'apprendre l'art de nous gérer nous-mêmes, comme il nous est
possible d'acquérir l'art de conduire des avions. Mais cela n'est possible
qu'à celui qui est capable de se maitriser lui-même. Il n'est pas
nécessaire que nous soyons des savants ou trés intelligents pour
entreprendre l'ascension spirituelle; il nous suffit de le vouloir. Il est
certain qu'il n'est pas possible de suivre ce chemin tout seul, car tout
homme peut avoir besoin à un moment de sa vie d'être guidé et conseillé
par les autres, mais on ne peut compter sur personne quand il s'agit de
développer et d'organiser ses activités intellectuelles et affectives qui
sont la composante essentielle de la personnalité. Le premier principe
n'est pas le développement des facultés rationnelles, mais la
consolidation du tissu affectif. L'imam Ali, le quatrième calife a dit: "Triomphez de vos âmes afin de leur faire abandonner les désobéissances (à Dieu), il vous sera ensuite plus facile de les conduire à l'obéisssance;" et: "Luttez contre vous-mêmes pour abandonner les habitudes, combattez les passions, vous en serez les maitres."17 Certains soufis, mystiques de l'Islam, ont défini le soufisme comme l'abandon des habitudes. Les habitudes religieuses demandées par l'Islam doivent être conscientes, toujours accompagnées d'une conduite de la vie et la responsabilité, et ne doivent pas être accomplies comme un châtiment ou une charge pénible. L'lslam recommande expressément d'habituer les enfants aux pratiques
religieuses, à lamour des vertus humaines, à fuire les causes de la
dépravation et du péché, comme un rempart pour la foi. C'est ainsi que le prophète a recommandé que l'on initie les entants à la prière dés l'âge de sept ans.18 L'imam Ali ibn al-Hussayn, quatrième imam du chiism, surnommé al-Sajjâd, recommandait à ses enfants de "redouter le mensonge, petit ou grand, dans le sérieux ou la plaisanterie; Car un petit mensonge encourage au grand."19 Et l'imam Jaafar al-Sâdiq disait: "Prenez l'initiative de parler à vos enfants des choses de la religion pour les préserver de l'influence des sceptiques."20 Plus prés de nous, en Occident, un homme comme Bertrand Russel disait dans son livre sur l'éducation: "Dans l'enfance, toute mauvaise habitude sera un obstacle à l'acquisition des bonnes. Par conséquent la formation des habitudes, dans l'enfance est une chose trés importante. Car de bonnes habitudes nous mettent à l'abri du blâme et de la réprimande. Ajoutez à cela que les habitudes acquises en bas âge seront aux étapes ultérieures de la vie comme des instincts dans leur effet et leur domination. Quant aux habitudes opposées à elles, mais acquises plus tard, elles ne pourront pas les égaler en impact et en force sur le comportement. C'est pour cette raison qu'il faut que la question des premières habitudes mérite toute l'attention."21 |