Chapitre IV LE CYCLE DE LA VIE ET LES SACRIFICES
L'homme est, avant tout, un être social qui a besoin de vivre avec ses
semblables. C'est là un penchant naturel très marqué de l'être humain qui
influencera toute son existence. Nous ne nous égarons, en fait, que lorsque nous négligeons ou ignorons
les devoirs qui sont les nôtres. Beaucoup de gens tentent-avec leurs
moyens propres de s'économiser dans la vie en fuyant leurs responsabilités
et en évitant toute activité susceptible de nuire à leur repos. Ils
refusent ainsi de consacrer une partie de leur temps à entreprendre des
activités dont les bénéfices iraient à d'autres qu'à eux-mêmes. Ces
personnes ont une vue courte, tournée vers des objectifs personnels et
s'habitueront progressivement à ériger cette vision des choses en mode de
vie. Elles ne pourront, dès lors, prendre en charge ou réaliser aucune
oeuvre d'importance ou bien acquérir une personalité douée de valeur et
recélant des énergies positives. Oeuvrer à réaliser de nobles objectifs La vie de l'homme est faite d'un espoir immense, celui de réaliser des projets ambitieux et qui sont bénéfiques. C'est pourquoi l'homme doit oeuvrer durement pour atteindre un niveau digne de son humanité, par l'éducation de l'esprit, la responsabilisation et le dévouement à autrui, à la société et à la communauté à laquelle il appartient. Le grand poête persan Hafez a dit: "Ne dis pas: Je n'essaierai pas de passer par le chemin obstrué. Sois comme la brise du printemps qui fait tout renaïtre après la mort". Le Dr Schweitzer lui disait: "Nous entendons souvent des gens dire: je voudrais faire le bien dans
ma vie, mais mes responsabilités et mes activités m'empêchent de réaliser
cet objectif. Je me suis noyé jusqu'au cou dans les questions
existentielles et je n'ai pas eu l'occasion de donner un sens à ma vie.
Cela fait partie des graves erreurs courrantes, car il existe nombre
d'occasions pour chacun d'entre nous et de recevoir la bénédiction de Dieu
et la paix de l'âme. Pour cela, l'homme ne doit pas oublier ou ignorer ses
responsabilités quotidiennes; il doit se garder d'entreprendre des tâches
ostentatoires destinées à attirer l'attention. Nous devons consacrer notre existence et nos forces à prêter main-forte
à ceux qui sont dans le besoin, sans lésiner sur le dévouement et les
sacrifices à faire. Ainsi, cette toute petite pièce donnée en aumône par
la veuve et qui constitue toutes ses économies vaut plus que les dons les
plus généreux faits par des gens riches et opulents. Nous entendons
souvent dire: Si j'étais riche, j'aiderai autrui. Mais nous pouvons
affirmer que nous pouvons tous être riches par l'amour et l'affection que
nous portons aux gens. Si nous pouvions découvrir les besoins réels des
nécessiteux et tenter de les combler, nous aurions alors consacré ce qui
nous est le plus .cher, c'est-à-dire l'amour et l'affection envers eux, ce
qui est supérieur à toutes les richesses matérielles de la terre! La manière de tirer un réel profit de la volonté L'homme est libre d'obéir aux commandements de sa conscience ou de les ignorer et chacun d'entre nous est maître de son esprit et de sa volonté, ce qui lui permet d'opter pour la vertu et l'honnêteté ou pour les tentations et les instincts débridés, c'est-à-dire la malveillance et l'agression. Toutes ces qualités et ces vertus sont donc sous le contrôle de l'homme et dépendent de sa volonté et de son choix. Il peut s'y astreindre par l'activité soutenue ou bien, au contraire, choisir le vice et l'avilissement, plongeant ainsi dans un environnement fait de tentations et d'instincts primaires. La puissance de la volonte est un don du Ciel que nous ne devons ni
gaspiller, ni mésestimer ni négliger pour ne pas verser dans le mal et
l'immoralité et utiliser celle-ci dans toutes nos activités. Profiter de
la volonté, à la lumière du discernement et conformément à la conscience,
afin de lutter contre les tentations de l'esprit et vaincre l'égocentrisme
et l'immoralité paraît difficile au départ et nécessite un esprit de
sacrifice, mais grâce à la persévérance, la détermination de l'homme se
trouvera graduellement renforcée et ses qualités morales s'affirmeront de
manière bénéfique. Ainsi, l'activité volontaire apparaîtra à l'individu
comme une chose toute naturelle et facilement réalisable. Un grand personage conseilla un jour son fils en lui disant: "Mon fils: sois pauvre et sans argent et laisses les autres s'enrichir
devant toi par la tricherie, le mensonge et la trahison, Vis sans
rechercher ni gloire ni position et laisses les autres occuper les hautes
positions par la flagornerie et l'insistance. Souffres les maux et les
peines et laisses les autres réaliser leurs voeux par la soumission et la
servitude. Délaisses les hommes puissants que d'autres courtisent
constament. L'homme, en général, a besoin, pour son éducation, d'un environnement social qui le soutienne et de modèles humains valables auxquels il puisse se référer pour arrêter une méthode de comportement dans son existence. Le rôle de la foi dans la prise de conscience des responsabilités Le sentiment de responsabilité et l'acceptation des obligations qui touchent à tous les aspects de la vie sociale sont à la base même du bonheur de l'homme comme de celui de la collectivité. C'est ainsi que l'éducation musulmane s'articule autour de cet axe qu'est le sentiment de responsabilité. Chaque musulman doit se référer à sa foi et à ses bonnes actions pour garantir son bonheur dans la vie. L'lmam Al-Sajjad (que le salut soit sur lui) qualifie les obligations humaines, en toute chose, de la manière suivante: "Sache que Dieu t'accorde Sa Miséricorde, que Dieu a sur toi des droits pour tout acte que tu entreprends, pour tout immobilisme de ta part, pour toute position que tu occupes, pour tout outill que tu utilises, certains plus grands que d'autres".3 L'Islam affirme que chacun est responsable de ses actes et que personne n'est tenu pour responsable des actes d'autrui, car le Coran repporte: "Quiconque se guide ne se guide que pour lui-même; et quiconque s'égare ne s'égare que contre lui-même. Et nul porteur ne porte le port d'autrui."4 Au fond de chaque être humain, il existe une force qui le pousse à
s'acquitter de ses devoirs et de ses responsabilités. Et lorsque l'homme
répond positivement à sa conscience, cette force intérieure le soutiendra
et le remplira de joie et de quiétude. Cette force c'est la conscience qui
naît au plus profond de la nature humaine et qui nous porte à éviter le
mal et à oeuvrer pour le bien. On pourrait s'imaginer que la conscience, à
elle seule, pourrait garantir l'actions du bien par l'homme et qu'elle
soit le pilier sur lequel reposerait l'exécution des obligations, nous
évitant ainsi la référance aux préceptes religieux. Le fait est que la
conscience morale, avec ce qu'elle a comme valeur pour la réalisation du
bonheur humain, ne peut, pour toutes les situations et dans tous les
contextes, empêcher l'homme de tomber dans l'erreur et la
déviance. L'activité de la conscience s'exerce essentiellement en ce qui concerne des sujets pour lesquels les us et les coutumes et les traditions sociales ont tranché de manière favorable, même s'il s'agit, en fait, de sujets répréhensibles en soi ou bien rejetés et blâmés par d'autres sociétés. Ainsi, le démon a travesti aux yeux de l'homme un certain nombre d'actions qui sont, en réalité, plus malveillantes qu'il ne le pense. Mais sous couvert d'activités bénéfiques, les hommes ont admis celles-ci comme telles. Le Coran rapporte cette réalité dans ses versets: "Dis: pouvons-nous apprendre lesquels en fait d'oeuvrer sont les plus grands perdants? Ceux dont l'effort, dans la vie présente, s'égare tandis qu'ils comptent bien faire?"5 Il ajoute: "Mais leurs coeurs s'étaient endurcis et le Diable enjolivait à leurs yeux ce qu'ils faisaient."6 Il faut également rappeler que la conscience, sans se référer à quelque
chose de particulier, ne pourra résister face à une multitude de
tentations de l'âme et à une foule de penchants, dont l'amour de l'or et
du pouvoir, car elle manque, dans cette lutte, de conviction et de
résistance. Parfois, elle rompt dès le premier choc face aux tentations et
aux penchants, car l'âme traîtresse peut travestir les réalités et tromper
la conscience, éteignant ainsi la lumière qui brille à l'intérieur de
chaque être humain. Lorsqu'il n'y a pas de dissentions entre l'âme et les instincts,
l'obéissance aux commandements de la conscience est. chose aisée. Le
problème se pose au moment où l'obéissance à la conscience oblige l'homme
à réprimer une tentation de l'âme. La force des instincts, avec l'étendue
de son influence, et lorsqu'elle ne repose pas sur la croyance religieuse,
domine généralement la conscience et l'être. Toute prétention humaine qui
n'a pas sa source dans la vie matérielle et n'est, dès lors, qu'une notion
et une utopie irréalisable. Le célèbre psychologue américain William James nous dit: "Le moraliste pur (agnostique) obéit aux lois, règles générales et
globales qui régissent les créatures en toute connaissance de cause et
n'ignorant point leurs conséquences. Mais cette obéissance est pénible et
ennuyeuse alors que dans son coeuril n'existe aucune passion ou
engagement. Il est toujours accompagné de ce sentiment que ces jugements
sont comme un couperet au-dessus de sa tête. A travers des versets du Coran, nous découvrons des paroles pleines de sagesse, de conseils et autres orientations, comme celles rapportées de Luqmân le Sage s'adressant à son fils pour lui tracer les grandes lignes touchant aux obligations et aux fonctions imposées à chaque homme dôté de bon sens la vie, à travers des sermons et des leçons de grande valeur: a) Les obligations de l'homme vis-à-vis de Dieu: "Et quand Luqmân dit à son fils, tout en l'exhortant: O mon petit, ne donne pas d'Associé à Dieu; oui, c'est un manquement énorme que de donner des Associés".8 b) Les obligations des enfants vis-à-vis de leurs parents: "Et nous enjoignons à l'homme, au sujet de ses parents-car sa mère le porte, fragilité sur fragilité et sevrage au bout de deux ans-ceci: Sois-Moi reconnaissant, ainsi qu'à tes parents! Vers Moi est le Devenir".9 c) Les obligations de l'homme vis-à-vis de ses sembleables: "O mon petit, établis l'Office et commande le convenable et empêche le blâmable et endureavec constance ce qui t'atteint. Oui c'est là de la résolution dans les entreprises!"10 "Et ne renfrogne pas ta joue pour les gens et ne foule pas la terre avec arrogance: Dieu n'aime pas du tout, vraiment, le présomptueux plein de gloriole"11 "Sois modeste dans ta démarche et baisse ta voix; oui, la plus détestable des voix c'est bien la voix des ânes"12
Sachant que les capacités mentales des gens ne sont pas semblables et qu'il existe entre eux des différences fondamentales pour ce qui touche à l'entendement et à la compréhension, les guides de la religion musulmane ont appelé les hommes à s'acquitter de leurs obligations conformément à des formes de pensée différentes selon la classe sociale à laquelle ils appartiennent et en leur parlant le langage qu'ils comprennent. Ainsi, la mission religieuse des prêcheurs doit s'axer sur l'essentiel
qui peut profiter à tout savant, penseur ou individu illettré. Par
exemple, faire admettre aux gens qui ne pensent qu'au commerce lucratif
l'existence d'un commerce plus lucratif encore; ou bien attirer les gens à
croire en une vie future paradisiaque peine de plaisirs et de bonheur du
fait qu'en ce monde ils ne pensent qu'à prendre du plaisir. Autrement dit,
on peut amener ceux dont la préoccupation est d'éviter la souffrance à
croire en un enfer de douleurs pour ceux qui pêchent. La part la plus importante dans le développement et la progression des religions monothéistes dans le coeur des gens revient à ce qu'elles accordent à la piété et à l'action du bien un intérêt tout particulier contrairement à bien des règles et lois humaines. La piété dans le système éducatif de ces religions célestes n'est pas seulement un moyen d'éviter la punition, mais plutôt un incitateur de récompense, car l'homme-du point de vue psychologique-laisse apparaitre une grande sensibilité et une grande réceptivité face à la réprimande ou à la récompense et, par là, il s'engagera de plus en plus dans la voie de l'obéissance aux commandements de l'école religieuse. L'Islam, de son côté, à travers beaucoup de ses textes, voit dans
l'obéissance absolue aux ordres divins, non par besoin de récompense ou
par peur de punition, une quasi-exclusivité des gens qui ont de la foi en
la vérité divine, une très haute idée. Ces gens sincères qui ont atteint
les plus hauts degrés de la loyauté ne pensent pas à autre chose qu'à
l'obeissance totale à Dieu et à obtenir la grâce du Très-Haut. Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait: "La communauté qui adore Dieu par convoitise fait montre d'une adoration de commerçants; la communauté qui adore Dieu par crainte fait montre d'une adoration d'esclaves et la communauté qui adore Dieu par reconnaissance est celle des hommes libres".13 Le célèbre savant anglais Owburry a une opinion qui s'accorde avec le contenu de cette citation. Il disait: "Celui dont l'âme s'emplit de l'amour de Dieu qui témoigne de sa
gratitude envers son Seigneur semble s'engager comme s'il n'avait ni
volonté ni choix, non dans l'espoir d'une récompense ou dans la crainte
d'une punition, mais uniquement par amour de Dieu. Celui qui agit en bien
et qui ferme les yeux sur une mauvaise action par volonté d'être
récompensé ou par peur d'être puni ne doit pas s'onorgueillir de son acte
ou de cette piété et ne doit pas être considéré parmi les élus, car il
n'est rien d'autre qu'un commerçant qui oeuvre pour son propre intérêt et
pour s'éviter toute nuisance; une sorte de salarié qui supporte tout dans
l'attente de son salaire. Cependant, nul doute que ce qui nous pousse à les considérer comme des
bienfaiteurs est chose vile, en vérité. Il aurait été certes plus beau
s'ils avaient porté leurs regards vers de plus lointains horizons, pour
adorer Dieu du fait qu'Il est le Seul qu'on doit adorer. Ceux qui
gaspillent leur existence par tentation des jolies choses périssables
n'attendent point de profits de cette attitude, car ils espèrent autre
chose, de plus sublime, et qui n'obéisse pas à des objectifs purement
matériels: ils cherchent la beauté, car ils sont épris d'arts. Ils veulent
prendre la beauté aux multiples couleurs et facettes pour l'exposer et la
faire admirer. C'est là leur seule motivation. Plus la foi de l"homme en Dieu croît, plus nous remarquons dans ses actes les signes de la loyauté. Ainsi, la recherche du contentement de Dieu domine ses actes et réprime ses tentations et ses penchants. Celui-là agit alors en toute chose sans craindre la réprimande ou souhaiter la récompense. Le Calife Ali (que le salut soit sur lui) disait: "Seigneur, je ne T'ai adoré-lorsque je l'ai fait ni par peur de Ton enfer ni par envie de Ton paradis, mais parce que je T'ai trouvé digne de l'adoration, alors je t'ai adoré"15 Le Coran rapporte du prophète Salomon (que le salut soit sur lui) qu'il
disait: "Disposes-moi Seigneur à rendre grâce pour le bienfait dont Tu
m'as comblé ainsi que mes père et mère et que j'oeuvre le bien que Tu
agrées"16 se fixant comme objectif l'agrément de Dieu. Alors que les
actes soient la voie pour se rapprocher de Dieu et obtenir Sa
grâce. De même, l'adoration en Islam ne signifie pas uniquement que la probité
et la piété soient présentes dans le coeur de l'individu au moment
d'accomplir les rites, s'en désintéressant après cela pour s'abandonner
ensuite aux tentations et aux instincts primitifs, perdant toute vertu et
tout sens du bein. En réalité, il est tel le voyageur qui hésite à
atteindre sa destinée et à profiter de la lumière qui illumine sa route
dans les moments sombres de l'existence. L'essentiel dans l'éducation religieuse est qu'il existe entre l'homme
et son Créateur un lien indéfectible et que l'individu n'ait de peur,
d'amour et de renoncement que pour Dieu, car Celui-ci est l'Unique
référence pour toute chose et à tout monent de la vie. |