Chapitre VI


L'APPORT DES RICHESSES DANS L'ORGANISATION DE LA VIE



Le principe de l'entraide sociale

Les nobles sentiments qui émanent du tréfonds de l'âme et qui s'expriment à travers les actes de bonté et de charité au service de l'humanité, représentent le plus haut degré dans les qualités morales humaines. Ces sentiments agissent sur le coeur de l'être humain lorsqu'il asssiste à des malheurs ou à la souffrance d'autrui, et le poussent au sacrifice et à la lutte pour le soulager et le consoler.
En effet, la joie et la douleur, le bonheur et le malheur, la richesse et l'indigence sont étroitement liés à la vie de l'homme. Toutefois, dans la plupart des cas, il est possible de soulager les maux et les souffrances et d'atténuer leur effet en suscitant les sentiments et la sensibilité des autres et en venant en aide à ceux qui souffrent.
L'être humain n'est pas uniquement un ensemble de cellules vivantes. Plus que cela il porte avec lui un message incamant la vertu, la science, la beauté et les valeurs les plus nobles, en ce sens que les relations qui doivent lier les hommes entre eux doivent être empreintes d'amour sincère et désintéressé et non pas bâties sur l'intérêt et les nécessités de l'heure.

Au demeurant, il est impossible de vouloir trouver des solutions aux problèmes courants sans faire de sacrifice et sans préfére quelques fois les autres à soi-même dans les moments décisifs. Il ya lieu de signaler, à cet égard que parmi les fondements nécessaires à la construction d'une véritable "entraide sociale", la compassion, le sacrifice et la préférence des autres à soi occupent une place trés importante. La personne ou la collectivité qui s'imprègnent de cette spiriualité dans leur vie sociale ne peuvent que parvenir à la perfection.
Il va de soi que celui qui aime la vie doit faire en sorte que celle-ci soit meilleure autant que possible. De même qu'il doit contribuer, autant que faire se peut, à l'émergence d'une société saine et prospère. Car autant une personne a le sens du social et le sentiment aigu, autant elle s'intéresse au sort des autres. En effet, les idées bénéfiques et la sociabilité, en plus du fait qu'elles participent de la perfection de l'homme lui-même. aident à jeter les bases d'une société idéale pour le bien-être de ce même homme. Les sciences sociales ont mis l'accent sur le fait que le soin et la sollicitude que dépense l'homme pour sa personne impliquent la prise en charge des préoccupations des autres et l'entraide sociale avec eux. Les anciens n'ont-ils pas dit: "c'est par la main avec laquelle tu as donné que tu seras sauvé!".

Celui qui n'a pas semé le bien dans la vie, comment espére-t-il récolter le bien? Bien plus, les vertus humaines et la responsabilité sociale dans une société donnée agissent en fonction de la méthode de pensée et de la spiritualité en vigueur dans cette société. Cela dit, l'absence de cette spiritualité au sein de personnes ou de collectivités est la preuve qu'il y a un déséquilibre quelque part et qu'il y a un retard en matière de maturité sociale. Par conséquent, cette société se trouve livrée au laisser aller, à l'irresponsabilité et au désordre moral par la faute de ses membres qui n'ont pas su comprendre que leur bonheur dépend de celui des autres.
Une telle société ressemble à un navire en détresse où chaque membre de l'équipage veut sauver sa peau sans se préoccuper du sort des autres.

Il reste bien sûr évident que le sacrifice au service des autres, n'est pas chose facile. Un savant a dit à ce sujet:

"On éprouve toujours de la peine et des contraintes à faire des actes de bienfaisance. Toutefois, au fur et à mesure qu'on avance dans cette voie, on sent comme une force nous pousser et nous stimuler. En vérité, les actes de bienfaisance ressemblent à des femmes fécondes desquelles nait une nombreuse descendance."

Ceci est vrai, en ce sens que le sacrifice et le dévouement aux autres constituent une grande charge pour l'homme soucieux de son bien-être et enfoui dans son égoisme, cet homme avide de toute chose et prêt à se sacrifier pour parvenir à son but, à son idéal, quelqu'en soit le prix! Or y a-t-il dans la vie de l'homme une chose qui ne constitue pas un problème et une peine? Bien au contraire dans tout geste qu'il accomplit couramment, il y a une peine et une lassitude. Il en va ainsi de l'effort de perception et de compréhension comme des autres efforts quotidiens. La diférence n'existe qu'au niveau de la démarche et de l'effort fourni. C'est ainsi qu'une juste et sage perception de choses peut mener l'homme à la vérité et à la certitude dans ce bas monde et dans l'autre où il trouvera la récompense et la béatitude. Le contraire est aussi vrai.

Cependant, bien qu'ils soient nombreux ceux qui prétendent être bienveillants et partager la souffrance des autres, il n'en demeure pas moins qu'ils refusent d'assumer leurs responsabilités afin d'alléger, un tant soit peu, le malheur de ceux qui souffrent. De fait, si on propose, à l'un d'eux, une responsabilité ou une charge impliquant des dépenses ou des efforts pénibles de sa part pour aider les nécessiteux, ou bien de renoncer à certains de se priviléges, celui-ci ne peut que. refuser cette charge et s'en éloigner. Tout ça, parce que ces gens-là, nont pas été préparés à assumer des responsabilités et des fonctions. Bien plus, ils n'ont pas voulu s'habituer à assumer la plus petite des responsabilités afin d'être aptes à en assumer de plus importantes. Porter sur soi la souffrance d'autrui est un sentiment sublime digne de la plus haute considération.
Toutefois, si ce sentiment-là ne se concrétise pas en acte de bienfaisance susceptible d'alléger le malheur des autres, on ne voit pas oû est son utilité. Les sentiments restés à l'état de voeux pieux peuvent-ils servir à quelque chose? Les sentiments enfouis dans le tréfonds de la conscience n'ont par conséquent, aucun effet sur les réalités de la vie, et ne peuvent donc être utiles à l'humanité. En effet les bonnes intentions ne suffisent pas, à elles seules, dans la vie pratique et réelle de l'homme dans ce bas monde. Ils ne valent que s'ils sont suivis par des démarches et des actes concrets.

Les plus hauts délices spirituels

L'effort accompli en vue de soulager les gens qui souffrent n'est pas une fonction impartie à telle ou telle personne. C'est un des actes les plus sublimes de la vie. L'homme est appelé à aimer son prochain, et à inclure dans son amour tout le genre humain. Son âme et son coeur n'en seront que purifiés et illuminés. Il connaitra alors le vrai bonheur et percevra la beauté en toute chose.

Un savant occidental a dit à ce sujet:

"Chaque bonne action implique nécessairement une récompense et vice-versa. mais que valent cette récomppense ou cette punition au-delà du bien et du mal et de leur implication morale? Y a-t-il en effet une satisfaction plus belle que celle que produit un acte vertueux accompli pour aider auturui? Y a-t-il, également une punition plus ignominieuse que le fait de se sentir coupable de turpitude?
En vérité la récompense et le châtiment ne sont que les conséquences naturelles de nos actes. De même que celui qui touche au feu souffre de brûlure, celui qui fait du mal et outrepasse ses droits, ne peut qu'observer le résultat de ses actes. C'est pourquoi, nous ne devons pas penser à ce qui nous attend comme récompense pour fruit de nos actes, mais faire en sorte que notre quête du bien soit désintéressée. Ainsi donc, que le jour succède à la nuit aussi vrai que l'ombre suit le soleil, un bonheur ineffable suit, comme un résultat inévitable, nos actes les plus vertueux. Ce bonheur ineffable est la paix de l'âme et sa sérénité.
En effet, celui qui est bienfaisant et charitable avec autrui, dans les limites de ses contraintes et des ses charges, ressent en lui-même, une joie indescriptible. Il se verra, ce faisant, se hisser au-dessus des contingences terrestres et survoler les espaces lumineux du monde métaphysique. Ce sentiment-là lui donnera l'occasion de goûter au véritable bonheur.

L'intention de faire le bien est déjà en soi un acte louable. Cependant, il importe de concrétiser cette intention et de la mettre en pratique. Au demeurant, lorsqu'une pensée bienfaisante effleure notre âme, nous sommes les seuls à en jouir. Or les actes de piété et de charité ressemblent aux étoiles brillantes qui illuminent le chemin des hommes. Cela dit, il importe à nous de bâtir une société saine et vertueuse ou de la détruire. C'est pourquoi notre responsabilité est engagée.
Les hommes sont divisés en deux parties: l'une peine pour la quiétude des autres, tandis qui l'autre cause de la peine aux autres pour assurer sa propre quiétude. Cependant, si les seconds ne peuvent échapper à la peine qu'ils font endurer aux autres, les premiers partagent le bonheur qu'ils sèment avec autrui. Il est vrai que tous les actes accomplis par les hommes de bien pour aider et soulager les autres auront des conséquences bénéfiques dignes de considération, aussi insignifiants soient-ils"1

Certes, il n'y a pas de limite pour la piété et la bonté, car les sentiments humains sont inépuisables. Bien plus à chaque fois qu'on les sollicite, ceux-ci grandissent de plus en plus. Ne dit-on pas que les cerveaux humains sont limités tandis que les sentiments ne connaissent aucune limite du fait qui'ils peuvent englober toutes les choses et les contenir? En un mot, disons que dans les actes de bonté et de charité au service des autres réside une joie à laquelle seuls quelques hommes peuvent prétendre.

L'insouciance vis-à-vis des problèmes des autres

Les gens qui abhorrent tout ce qui a trait aux bonnes actions et éprouvent du mépris pour leurs semblables n'ont plus d'attachement avec le monde où ils vivent! Ils se sont renfermés sur eux-mêmes et ont oublié l'existence des autres, auxquels ils ont d'ailleurs dénie tout droit à l'existence. Jamais ils ne pourront penser que leur prospérité implique aussi celle des autres. Il est vrai que cette catégorie de gens n'est pas totalement dépourvue de sentiments humanitaires en ce sens qu'ils sont conscients de la souffrance des autres. Ils sont, hélas, prisonniers de leur égoisme et de leur narcissisme qui ne laisse aucune place dans leur coeur à l'amour d'autrui. En d'autres termes, ils ne peuvent dépasser le "moi" individuel pour le "moi" collectif.

Le Dr Alexis Carrel écrit dans cette optique:

"Tout homme qui conduit sa vie de façon rationnelle voit son caractère changer du tout au tout. Et quand les actes du corps et de l'espirt sont en harmonie avec leur ordre naturel, ils deviennent plus fructueux encore. Le respect des régles de la nature pour la préservation de la vie et la continuation de l'espèce et le développement mental entrainent un surcroit de force dans toutes les activités physiques et mentales. Ce développement se manifeste de façon particulière dans l'accroissement des vertus morales, du sentiment religieux et humain, et dans l'illumination de l'intelligence.

Quand l'être humain comprend que le but de la vie ne consiste pas seulement dans la jouissance et l'intérêt matériels, mais dans la vie elle-même, il cessera de faire de ce monde son seul souci. Il regardera sa vie et celle des autres d'un regard plus aigu. Il comprendra par exemple que sa vie dépend de celle des autres et réciproquement. Il devient alors manifeste pour nous que les théories de Jean-Jacques Rousseau sont des vues de l'esprit, et que l'individualisme est une théorie dangereuse, et que la théorie du contrat social n'est pas logique, et qu'il est nécessaire de considérer les autres à toutes les étapes de la vie.
Certes, il existe une contradiction flagrante entre l'amour de soi et l'amour de l'espèce en tant que nécessité sociale. Le développement du corps et des appareils se réalise par les facteurs du milieu et de l'environnement et de l'aide d'autui. Quand l'homme se trouvait dans la matrice maternelle, il dépendait de sa mere, et quand il grandit il devient dépendant de la famille et de la société. Et c'est ainsi qu'il s'habitur à considérer que trier profit des facteurs environnants est un droit pour lui, et que l'expansion de l'individualisme est en relation avec ces tendances instinctives vers l'amour de soi dans toutes les créatures.

D'autre part, l'excès dans l'amour de soi rend impossible la constitution de la société. Par conséquent l'amour de l'espèce est aussi une nécessité naturelle comme l'amour de soi. Un équilibre doit régner entre le "moi" et le "nous" comme la condition sine qua non pour la résussite dans la vie, comme la précision dans les mouvements de nos mains est la résultante naturelle de la contradictuion qui existe entre les membres qui se courbent et ceux qui sont droits."2

Les programmes éducatifs en Islam ont été conçus de façon à permettre à l'esprite humain d'approfondir sa vision des choses en matière de réflexion et d'étude des faits sociaux. En effet à chaque fois que la vision de l'hommme s'élargit et que le niveau de sa reflexion s'approfondit et s'élève, celui-ci parvient à sortir de l'ornière du moi et de l'égoîsme. Pour ce faire, les programmes d'inspiration islamique ont été organisés de façon à affermir, en sus du sens moral individuel, l'éthique sociale afin que l'être humain lie son moi individuel au moi collectif. Ce faisant la société sera composée d'êtres solidaires entre eux et non d'égoistes qui ne penseront qu'à eux-mêmes. Les liens et les relations sociales dans une société islamique sont également affermis par une attache divine qui leur confère un caractère sacré. C'est ainsi qu'ils sont tenus de se recommander les uns les autres le bien, la piété et les bonnes oeuvres, de même qu'ils doivent s'aider mutuellement afin de jeter les bases d'une société solidaire où les générations futures pourront vivre dans le vien et la vertu, à l'ombre de la foi et des valeurs saines. A la suite de quoi, toutes les forces vives seront mobilisées dans la voie du bien et du progrès et non dans la voie du mal et de la destruction. De cette façon-là, se conjugueront les démarches et les objectifs de même que s'harmoniseront les coeurs pour travailler au service de l'humanité. Par ailleurs, du moment que l'Islam exige que soit mise en place une société solidaire fraternelle et unie, de façon à pouvoir assumer ses responsabilités sociales, et sachant que la vertu, la piété t la bienfaisance sont les fondements de sa morale, il a proclamé et décrété que celui qui ne travaille pas pour le bien de la société n'est pas un musulman, C'est ce qui ressort de la parole du Prophète (sur lui bénédiction et salut):
"Celui qui ne s'intéresse pas au sort des musulmans ne fait pas partie d'eux".3

Depuis que l'Islam s'est levé comme une aurore dans les ténèbres de l'ignorance, il a donné au monde une conception de la vie embrassant toutes les préoccupations de l'individu et de la société. Il s'est attelé à purifier et à éduquer une nation habituée à vivre dans la haine, l'orgueil, le vice, la déchéance morale et l'exploitation de l'homme par l'homme. Il les a invités à la fraternité, la bienfaisance, la compassion, la miséricorde et l'amitié sincère. De ce fait, il a pu donner à chaque homme une personnalité solide et remarquable de façon à ce qu'aucun prétexte ne puisse les diviser, et semer parmi eux la haine. Ce fut une société forte et saine où la foi, le dévouement pour autrui et la recherche de l'intérêt général constituaient les fondements principaux. Dans cette société-là, il est évident que chaque membre se sente reponsable du sort des autres comme s'il en avait la charge à lui seul. Chacun des membres de cette société éprouve pour son prochain de l'affection, de la générosité et un dévouement qui l'amène à lui donner la préférence sur sa propre personne. N'est-ce pas ces relations qu'a décrit le Saint Coran dans les versets qui suivent:

"Ceux qui avant eux se sont installés dans le pays et dans la foi, qui aiment ceux qui émigrent chez eux et ne ressentent dans leurs poitrines aucun sentiment d'envie pour ce que ces gens ont reçu. Ils leur donnent de plus la préférence sur eux-même, même quand ils sont dans le besoin".4

Il a aussi décrit les pieux et les justes en ces termes: "Qui a donné l'argent, malgré son amour pour lui, aux proches, aux orphelins, aux miséreux, à l'étranger de passage, aux mendiants et pour affranchir les esclaves".5

L'amour propre étant ce qu'il est, il importe à l'homme riche et aisé qui veut aider les nécessiteux de ne pas toucher leur dignité en sachant procéder avec finesse et tact. Dans cette optique-là, l'Islam recommande aux riches d'abaisser la main qui tient l'aumône par humilité, afin que les pauvres puissent la prendre sans avoir à s'abaisser et sentir l'humiliation et afin qu'ils puissent rester eux-mêmes loin de l'orgueil et de la fierté. Comme disait l'imam Ali:

"Qu'elle est admirable l'humilité des riches vis-à-vis des pauvres pour obtenir les bienfaits de Dieu. Mais ce qui est plus admirable encore, c'est l'orgueil des pauvres vis-à-vis des riches parce qu'ils s'appuient sur Dieu".6

Le sens du Bien en Islam

Parmi les caractéristiques intrinsèques au musulman, ilya l'amour et la compassion. Ces deux qualités découlent d'une sincèrité dans la foi qui l'amène à considérer tout ce qu'il a comme venant de Dieu. et tout ce qu'il donne il le donne à lui. Celui à qui est accordée cette grâce, son coeur déborde d'amour pour les êtres, même si aucune relation ne le lie à eux, car sa conduite s'inspire de l'amour ardent qui passionne son coeur et qui coule de la fontaine inépuisable de l'amour divin.
Y a-t-il en effet un stimulant plus fort que la foi et la sérénité envers Dieu, ainsi que l'espérance en sa Miséricorde et Sa récompense future pour encourager l'homme à faire le bien d'une façon désintéressée et loin de toute amère-pensée?
Ainsi donc, la piété et la bienfaisance n'ont de véritable sens que s'ils émanent d'un coeur sincère et visent un objectif sacré, en l'occurence la satisfaction de Dieu.
Cela dit, l'Islam oeuvre constamment en vue de guider les consciences vers ce but sacré et sublime. Pour ce faire, il ouvre à l'homme les vastes horizons de l'intelligence et de l'imagination et les met en adéquation avec les aspects physiques et métaphysiques de l'univers de façon à ce qu'il s'imprègne de l'immensité et de l'éternité de la puissance divine et afin qu'apparraisse, devant lui, la Vérité, dans tout son éclat.

Evidemment seuls ceux qui font preuve d'une adoration dévouée à Dieu et qui se souviennent constamment de lui, peuvent éprouver ce genre de perception supra-humaine.
En effet, le dèvouement au Créateur et la recherche de Sa proximité et de Sa protection font parvenir l'homme à une station spirituelle telle qu'il peut pénétrer le sens véritable du "vicariat de Dieu", (khilâfat Allâh) et qu'il devient un être imprégné d'amour devant lequel la voie de la vertu sera aplanie.

Par ses préceptes et ses enseignements, l'Islam nourrit en l'homme ce genre de sentiments naturels qui existent en chacun de nous. Une fois que l'amour devient le reflet de ces sentiments et déborde sur le coeur de l'homme, celui-ci sera forcément enclin à suivre la voie du bien et à se dévouer pour ses semblables. En revanche, la haine et la volonté de faire le mal ne peuvent tenir dans un tel coeur et finiront par se dissiper, car l'amour ne saurait cohabiter dans un même coeur avec l'infâmie et les souillures de l'âme.
Il va de soi que la guidance de l'Islam et l'éducation morale et spirituelle qu'il destine à l'humanité entière laissent à l'intérieur de l'âme une influence bénéfique considérable, une fois qu'elle s'en imprègne. De fait, en prenant conscience de l'existence d'une relation étroite et ferme entre sa personne et le monde qui l'entoure, l'homme agirait en conséquence, en respectant et en se conformant aux lois de l'univers, c'est-a-dire en étant en harmonie avec l'ordre cosmique tel qu'il a été établi. Ce faisant, il aura pour toutes les créatures un regard plein de compassion, à l'exception de celles qui sont nuisibles. L'homme parvenu à cet état spirituel où se révélent sa grandeur et sa noblesse dans toute leur plénitude. sera purifié de toutes les souillures de l'âme. Il constituera un facteur positif dans l'existence humaine et partant dans l'ordre cosmique.

N'est-ce pas la connaissance spirituelle qu'avait le prophète qui lui faisait dire à propos de ceux qui s'étaient opposés à son message: "Seigneur, dirige mon peuple sur la bonne voie, car il est dans l'ignorance". Bien plus la compassion du Prophète n'englobait pas seulement son peuple, ell s'étendait à toutes les créatures. C'est ainsi qu'il enseignait à ses compagnons la généralisation du bien et de la compassion même envers les animaux. Un jour il leur raconta ce qui suit: "Alors qu'il souffrait de la soif en plein désert, un homme vit un puits dans lequel il descendit pour se désaltérer. En remontant, il vit un chien haletant et mourant de soif. Pris de pitié, il redescendit dans le puits et remplit ses chaussures pour pouvoir donner de l'eau au chien. Dieu lui pardonna toutes ses fautes passées à cause de ce gest-là" Les compagnons lui dirent: "Serons-nous récompensés pour notre compassion à l'égard des animaux?" Il répondit: "Oui! Vous serez récompensés en venant en aide à tout ce qui posséde un coeur."
Ceci dit, il nous incombe de ne jamais agir par anticipation ou avec des idées preconçues devant n'importe quel évènement, mais de toujours chercher à en connaitre les raisons. C'est comme le malade que le médecin ausculte pour connaître les symptômes de son mal.

Le sens du bien dans le monde moderne

Nous savons tous que les pays riches consacrent une part de leur budget à l'aide aux pays pauvres. Ceci est une bonne chose en soi, mais malheureusement, cette aide n'est jamais dénuée d'arrière-pensées non louables. Les considérations humanitaires ne sont pas les seules à entrer en ligne de compte. C'est souvent des raisons bassement mercantiles ou politiques qui déterminent cette aide. On maintient en vie des pays qui, s'ils entraient en révolution mettraient en danger les pays riches eux-mêmes. Quant aux actes charitables accomplis par certaines personnes qui veulent d'ailleurs donner à leurs actes une publicité la plus large, ils ne sont souvent que des manoeuvres de snobisme qui finissent le plus souvent en pure perte ou des tremplins pour lancer de nouvelles stars de la politique mondiale.
On veut bien penser que, bien que ce soit l'intention d'un acte qui détermine sa valeur, dans ces cas-là le résultat soit pris en considération si quelque aide matérielle parvenait quand même aux malheureux du monde. Mais ce serait faire injure à la morale que d'assimiler une bonne action à une équation mathématique, ne prenant en compte que les chiffres.

Voici ce que dit Alexis Carrel à ce propos:

"Le mobile de nos actions est l'acquisition d'un progrés personnel, et en premier lieu les intérêts financiers et la satisfaction de l'instinct de mise en valeur de sa personnalité, de la recherche de la promotion et des grades, ainsi que de la gloire et du rang social. Ces visées se camouflent parfois sous les masques de l'ostentation et de l'amour du genre humain. Il nous est possible d'observer les défis secrets et les trahisons inavouées dans les milieux militaires, les universités, les milieux politiques et judiciaires, où l'idée d'honneur est souvent défigurée.
Ceux qui se consacrent à une grande cause, ou s'efforcent sincérement sans ostentation sont souvent considérés par la plupart de gens comme des fous misérables. On peut observer les signes de la recherche de l'intérêt personnel partout. Dans une femme qui se consacre aux oeuvres de bienfaisance, mais ne nourrissant pas dans son coeur le moindre sentiment d'aide au nécessiteux, et qui en fait convoite un poste de direction d'une oeuvre de bienfaisance par exemple ou bien encore de recevoir la médaille d'honneur dont elle pourra tirer plus tard quelque bénéfice quand elle ouvrira une boutique commerciale par exemple.

Dans un médecin célébre qui conseille ses étudiants et ses patients d'utiliser un médicament pour lequel il reçoit un pot de vin de la part du fabriquant.
Dans un homme de science universitaire qui ne vise pas dans ses efforts le progrés scientifique, mais qui espére acquérir une chaire à l'Académie ds sciences, titre qui lui ouvrira la porte à ses intérêts matériels. Dans des médecins qui ne respectent pas le coté moral de leur profession dans leurs expérience, et la préservation du secret de leurs patients.
Dans un étudiant qui tente de corrompre le secrétaire de la faculté pour obtenir les question qui seront posées aux prochains examens. Dans des étudiants qui se livrent à la commercialisation au marché noir des avantages matériels qui leur sont offerts pour leurs études.
Souvent, la recherche de l'intérêt personnel se cache sous le voile de la science, de l'humanitarisme, du sacrifice et de lintégrité. Nous sommes soucieux de gagner de l'argent, car l'argent est tout, et il nous confére la puissance. On peut tout acheter avec. L'argent satisfait nos misérables désirs."7

Il va de soi que cette conception du bien qu'ont les pays riches est dénuée de tout sentiment noble qui donne au geste charitable toute sa valeur humaine. Ce qui n'est pas le cas bien sûr, dans l'enseignement religieux des prophètes, où chaque acte de bienfaisance est un maillon d'une chaî ne de vaste solidarité sociale qui relie toutes les catégories sociales et tous les individus. Voici à titre d'exemple ce qu'enseigne l'Islam:

"Un homme vint un jour chez le Prophète et lui dit: J'ai faim O envoyé de Dieu"; Celui-ci envoya quelqu'un auprés de son épouse pour lui apporter de quoi nourrir l'homme affamé. On lui apprit qu'il n'y avait rien chez lui, sinon de l'eau. L'Envoyé de Dieu se tourna alors vers ses compagnons et leur dit: "Lequel de vous veut donner l'hospitalité à cet homme-ci?" Un homme des Ansars (premiers musulmans de Médine) accepta d'être l'hôte de l'invité de Prophète. Cet homme se rendit donc chez lui accompagné de l'indigent, mais sa femme lui apprit que la nourriture disponible pouvait juste suffire aux membres habituels de la famille. Il demanda quand même que le repas fut servi, et s'asseyant lui-même dans un coin sombre, il se débrouilla pour que son invité qui mangea à sa faim, ne se rendit pas compte qu'il ne mangeait pas.
Dans ce même ordre d'idées, Al-Majlisi rapporte dans le niveau de sa reflexion s'approfondit "Tout musulman doit faire chaque jour une bonne action". quelqu'un lui dit: "Et qui peut supporter cette tâche?" Il répondit: "En débarrassant la voie des objets qui l'encombrent, tu auras accompli une bonne action."8

Il y a lieu de signaler cependant que ce genre de bonnes actions que l'Envoyé de Dieu compare à un simple geste consistant à enlever des pierres sur la voie, constitue le minimum que peut accomplir un musulman dénué de moyens et de ressources pouvant lui permettre de faire mieux. Quant à ceux dont la position sociale est plus aisée, ils doivent faire des actes de charité en fonction de leurs ressouces et de leur rang social. En d'autres termes, chaque membre de la société est tenu de faire des actions de bienfaisance proportionnellement à ses capacités.
Un de mes amis, qui exerçait dans un service des oeuvres sociales m'a fait un jour, la confidence suivante: "Chaque jour, avant de commencer mon travail, je me suis fixé un programme consistant à faire une bonne aciton ne serait-ce que de donner des conseils à celui qui ne sait pas comment commencer son travait."
En effet, si chaque musulman applique selon ses capacités les directives du Prophète en matière d'éthique, nul doute que la vie sociale aura plus de dynamisme et partant plus d'efficacité et que beaucoup de problèmes seraient ainsi résolus.

Quel est l'être le plus aimé aux yeux de Dieu?

Al-Kulayni rapporte dans son recueil de traditions intitulé Al-Oussoul min Al-Kâfî, que l'imam Al-Sâdeq a dit:

"On a interrogé le messager de Dieu en ces termes: quel est l'être le plus aimè aux yeux de Dieu?" Il répondit? "Celui qui est le plus utile à ses semblables." De même il a dit: Celui qui se désintéresse du sort des musulmans ne fait pas partie d'eux. N'est pas également musulman celui qui entend son frère appeler à l'aide, et ne lui vient pas en aide."

En outre, Al-Kulayni rapporte, d'après Safouan Al-Jamal, le récit suivant: "Un jour, alors que j'étais assis chez l'imam Jaafar al-Sâdeq, un homme venu de la Mecque du nom de Meymoun entra et se mit à se plaindre de la difficulté de trouver une location. L'imam Jaafar se tourna vers à chaque fois que la vision de l'homme s'élargit et que le niveau de sa reflexion s'approfondit et mon retour, j'informai l'imam de ce que j'ai fait, en lui disant que Dieu avait régé son problème. Il me dit alors: "Il m'est plus agréable que tu secoures ton frère dans le besoin que de faire durant une semaine les tournées autour de la Kaaba, avant tout le monde. "Il ajouta: un jour, un homme vint voir Al-Hassan ibn Ali pour régler un problème. Il se leva et partit avec lui. Sur le chemin, ils virent Al-Husseyn en train de prier. Al-Hassan dit à l'homme: pourquoi n'as-tu pas sollicité Al-Husseyn que voice, il t'aurait aidé à régler ton problème. "L'homme lui répondit: j'ai cherché aprés lui, mais on m'a dit qu'il était en retraite spirituelle l'imam Al-Hassan lui dit: "s'il t'avait aidé, cela aurait mieux valu pour lui que s'il avait fait une retraite spirituelle d'un mois.9

L'immensité de l'amour et de la bienfaisance

Autant les sentiments humains prennent d'étendue et d'ampleur, autant ils touchent et englobent un plus grand nombre d'hommes. Du reste, la compassion ne peut pénétrer au plus profond des coeurs étroits. Par conséquent leur bienfaisance reste sans grand effet et ne touche qu'un nombre restreint de personnes. une compassion de cette sorte est loin de la miséricorde divine?
Un de ceux qui avaient une vision de cette compassion a dit un jour devant Al-Husseyn ibn Ali: "un bienfait, lorsqu'il est accompli en faveur d'un homme qui ne le mérite pas, devient vain." Al-Husseyn lui répondit: "C'est inexact, car un bienfait n'est jamais vain. Il est semblable à une averse de pluie qui touche le bon et le mauvais."10

Par ailleurs, l'imam Ali ibn Al-Husseyn, fils du précédent, a recommandé à son fils, le cinquième imam, Muhammad Al-Bâqer.

"O mon fils, aide quiconque te sollicite. S'il le mérite, tu l'auras fait alors à bon escient. Mais s'il ne le mérite pas, tu seras toujours du nombre des bienfaiteurs"11

Quant au maître des hommes libres, Al-Husseyn ibn Ali, il recommandait aux gens de faire le bien en les stimulant par ces paroles édifiantes:

"O mes fréres! Rivalisez entre vous dans la générosité, hâtez-vous dans la recherche du bien, ne laissez pas les occasions de le faire vous échapper, car plus vous vous empressez à faire le bien, plus votre réussite sera digne d'éloges. Par contre, plus vous tergiversez dans le chemin du bien, plus vous vous exposez aux critiques des gens. Apprenez que lorsque vous rendez service à quelqu'un et qu'il ne vous sera pas reconnaissant, Dieu le sera à sa place car Il est le plus généreux et le plus reconnaissant. Apprenez que la sollicitude des gens pour vous est un des bienfaits que Dieu vous accorde.

Aussi ne soyez pas excédés des bienfaits de Dieu, sinon ils se transformeront en courroux. Apprenez que le bien est digne d'éloge de même qu'il est source de récompense. Si le bien avait un aspect humain, vous le verrez rayonnaant, sympathique à tous ceux qui le voient. Si le mépris avait aussi un aspect humain, vous le verrez laid, affreux et repoussant. O mes frères, celui qui est généreux accède à un rang élevé, alors que celui qui est cupide s'abaisse dans la servilité.
Le plus généreux des hommes est celui qui donne sans attendre en retour. le plus noble des hommes est celui qui pardonne alors qu'il est en position de force. Le plus magnanime des hommes est celui qui revient à celui qui l'a rejetè. Comme les arbres qui donnent leurs fruits après s'être solidement ancrés dans leurs racines, le bien qu'on avance en faveur de son frère aujourd'hui, on le retrouve demain. Celui qui cherche la satisfaction de Dieu, en faisant don à son frère d'une plantaion, Dieu le gratifiera d'une autre lorsqu'il sera dans le besoin et éloignera de lui les malheurs de cette vie, si terribles soient-ils. Celui qui dissipe le chagrin d'un croyant, Dieu dissipera sons chagrin dans ce conde et dans l'autre. Celui qui est bienfaisant avec les gens, Dieu sera benfaisant avex lui, car Il aime les bienfaisants."12

Il va de soi que la chartié et la bienfaisance ne sont pas circoncrites uniquement dans la générosité, la compassion vis-à-vis des gens et la bienveillance envers eux. loin s'en faut. L'aide morale, le bon conseil et l'éducation des gens sont plus précieux que l'aide matérielle. Aussi si quelqu'un s'assigne la tâche de guider les égarés et de les sauver des ténèbres de la corruption et de la dépravation, vers la voie de la lumière et de la vérité, il aura accompli là le plus grand des biens et la plus noble des chartiés. En effet la sollicitude envers les égarés et la main tendue aux noyés dans les ténèbres du vice et du mal est le plus haut degré de la vertu en Islam.

N'est-ce pas le Prophère qui disait à Ali:
"Il est préférable pour toi que Dieu guide un homme grâce à toi, sur la voie du salut, que d'être le premier homme sur lequel le soleil se lévera"13