Chapitre XVI


La mystification par la science

Les matérialistes prétendent que le développement de leur doctrine aux XVIIIeme et au XIXeme siècles, a un lien direct avec les progrés scientifiques, et que la dialectique est un fruit de cet essor scientifique.
Ils considèrent toute philosophie, autre que le matérialisme, comme utopique et idéaliste, et contraire à la méthode scientifique.
Leur position doctrinale est une position scientifique et progressiste. Pour eux, le réalisme consiste à se détourner de la quête métaphysique, et toute conception d u monde doit se fonder sur la logique des sens et l'expérimentation, et s'appuyer sur la philosophie matérialiste.

Cependant de telles assertions ne sont que des supputations de fanatiques reposant sur des théories injustifiées et indémontrées.
De telles conceptions résultent directement d'un système de pensée dont le matérialisme est le pivot, et où tout s'explique par référence à lui.

Sans doute, la croyance en l'existence d'un être digne d'adoration est l'une des composantes principales de la culture humaine, et la thèse de l'existence de Dieu comme conception juste, a été à l'origine de transformations profondes dans les fondements sociaux, et de changements radicaux dans la pensée humaine tout au long de l'histoire. Et à notre époque de science et de technologie, et de conquête de l'espace, la plupart des penseurs ont adopté une conception théiste, aprés avoir découvert Dieu par le coeur et la conscience, ainsi que par la logique et la démonstration.

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Si la thèse matérialiste était juste et réaliste, et ne découlait pas de la méconnaissance de l'histoire, un lien particulier devrait s'établir entre la science et la tendance au matérialisme, en ce sens que seules les doctrines matérialistes devraient prévaloir en milieu scientifique.

Tous les philosophes et savants de toutes les époques n'étaient pas hérétiques, et ne faisaient pas partie d'une société de matérialistes.
Si l'on étudiait scrupuleusement les oeuvres et les biographies des penseurs, on se rendrait compte que le camp de la religion compte de nombreux savants. Beaucoup de penseurs et les grandes figures de la science sont en fait les porte - f1ambeaux du monothéisme.

En outre, les idées athéistes n'ont pas vu le jour à l'ère des progrès scientifiques et technologiques. Elles ont existé depuis la plus haute antiquité aux côtés des idées religieuses.
De nos jours, la marchandise scientifique est devenue dans le marxisme populaire, plus que partout ailleurs,un moyen de tromperie.
Au lieu de se tracer la voie avec la lumière du savoir, et de poursuivre leur recherche loin de tout parti - pris et de tout préjugé, certains matérialistes sont sous l'emprise de leur fanatisme idéologique, et nient avec mépris toutes les valeurs supérieures à la raison.

L'affirmation qu'avec l'avènement de la science la question de Dieu est devenue désuète, est plus proche de la vanité que de la logique, parce que des milliers d'expériences scientifiques ne suffiraient pas à démontrer qu'il n'existe aucune entité autre que matérielle.
Le matérialisme philosophique est une métaphysique qui se démontre ou se réfute par la spéculation philosophique. Pour cela même on ne pourra pas réfuter la métaphysique quand on a accepté le matérialisme.
En dernière analyse, la doctrine matérialiste ne repose sur aucun postulat scientifiquement établi. Lui coller l'étiquette scientifique est une trahison à l'esprit.

Il est. vrai que l'humanité n'a pris connaissance des causes et des effets des phénomènes naturelles que récemment et qu'elle en ignorait les secrets; mais sa croyance en Dieu ne procédait pas de cette sorte d'ignorance. S'il en allait autrement, les nombreuses découvertes scientifiques, auraient dû faire s'écrouler l'édifice de la religion et de la foi. Or nous sommes témoins de cette vérité qu'en même temps que se révèlent les secrets de la nature, la croyance en Dieu connaît aussi un renouveau.

La science n'a éclairé qu'un espace limité pour l'homme. Sa vue sur le monde et l'univers n'a été que partielle; elle n'a jamais été en mesure de donner une connaissance parfaite du monde. Pourtant avec le développement de la science, la théologie a revêtu un aspect scientifique, les hommes prennent davantage conscience des causes et des effets, et ne perdent pas de vue l'importance et le rôle de la cause première.

Ou encore comme dit le professeur Ravaillet: "Pour la première fois, le savoir humain proclame, non par impuissance ou faiblesse mais sur la base de sa méthode habituelle, d'investigation ou d'expérience, que sa fonction ne consiste en rien d'autre qu'à connaître l'essence du créateur et ses manifestations dans l'existence. Tous ses efforts doivent avoir pour but la promotion d'une foi conforme à la science et à la connaissance juste du grand architecte. Il n'est pas juste de parler de la compabilité ou de l'incompabilité de la science et de la foi, parce que tous les livres religieux, tous les penseurs théistes considèrent l'intelligence comme le premier et le plus éminent don fait à l'homme, et ils ont appelé toute l'humanité à en tirer le meilleur parti.

C'est l'ignorance de la majorité qui a empéché tout au long des siècles cet appel de parvenir à son but. A présent que l'homme est entré dans l'ère glorieuse de la science et de l'intelligence, et que ses moyens et possibilités s'accroissent de jour en jour, il devra s'attacher assidûment au développement des cerveaux."29

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Jusqu'à un passé récent, l'homme n'avait conscience de son existence que par son corps équilibré et adéquat, mais ignorait les mécanismes mystérieux qui réglaient sa création.

Aujourd'hui, l'homme possède des informations surprenantes et détaillées sur l'intérieur de son propre corps, et il a appris que dix millions de milliards de cellules rentrent dans la composition de ses différents membres et organes.

Il va sans dire que la majesté et la grandeur du créateur, sont encore rendues ainsi incomparablement plus perceptibles que par le passé.
Est - il logique de soutenir que la croyance en Dieu est propre aux personnes n'ayant pas connaissance de la modalité de la création, et qu'un savant qui est au fait de la causalité naturelle de la création et de l'évolution vers la perfection, et qui sait qu'une loi minutieuse régit toutes les étapes de l'existence, doit au contraire croire que la source des lois naturelles n'est autre que la matière inanimée?

Les découvertes et les conclusions scientifiques l'auraient - elles conduit à penser qu'il est possible d'attribuer tous les pouvoirs de son créateur à la matière ignorante et inconsciente?
Dans la culture matérialiste qui ne voit qu'un seul aspect du monde, beaucoup de questions demeurent sans réponse.

Les savants théistes ont montré, au point de vue métaphysique, que le domaine de l'existence débordait le cadre de la matière, et que l'univers non - matériel était beaucoup plus peuplé et plus riche que celui des entités visibles. Bien qu'ils acceptent les systèmes prévalant dans la nature, ils ont la certitude qu'il y a une forme d'existence immatérielle, dont la connaissance ne se prête au champ habituel de l'expérience, mais dont les phénomènes et énergies naturels se font les reflets de l'essence.
En quoi cette façon de concevoir les choses serait elle moins scientifique ou pas du tout scientifique?

La science n'a pas de réponse à donner à des questions comme les suivantes: l'univers se divise - t il en deux domaines, matériel et spirituel? ou encore: l'univers a - t - il un but? ... Parce que ces questions ne sont pas de nature scientifique. En outre, notre connaissance scientifique porte sur des objets concrets, et est impuissante à nous indiquer la voie à choisir dans notre vie.

Bertrand Russel dit:
"Si l'on admettait que la civilisation scientifique est une civilisation utile, il faudrait forcément constater un accroissement de l'intelligence parallèlement à l'accroissement de la science. Par intelligence, l'entends la perception juste des objectifs de la vie. Or, c'est là un résultat que la civilisation n'entraîne pas par elle même. Par conséquent, bien que l'accroissement de la science soit un élément nécessaire au progrès humain, il ne garantit en lui - même aucun progrès véritable."30

Donc, une conception scientifique ne peut pas servir d'appui à une idéologie. Parce que la connaissance scientifique a surtout une valeur pratique, et confère à l'homme le pouvoir de maîtriser la nature, alors que la foi a besoin d'une valeur réaliste, et pas uniquement scientifique.

D'autre part, la science repose sur l'expérimentation; or les lois déduites de l'expérience sont très souvent sujettes à révision, alors que la foi exige un appui stable et éternel, pour pouvoir apporter une réponse aux questions spécifiques relatives à la nature et à la forme générale de l'univers, et satisfaire ainsi les besoins des hommes en connaissances métaphysiques.

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La perfection demande un équilibre intellecuel et spirituel. Sans but, l'homme ne peut qu'aboutir à l'impasse et à l'anéantissement. S'il ne trouve pas sa voie dans la religion, il la cherchera ailleurs. Ce qui constitue une sorte d'insoumission à la loi naturelle, et conduit à la sclérose des esprits.
Les découvertes scientifiques de l'époque moderne ont donné à l'homme la foi dans les institutions et lois publiques, au point de reconnaître la primauté au facteur matériel, devenu éternel. L'homme a divisé la nature et l'histoire et leur a reconnu la souveraineté. Il a renoncé à son libre- arbitre et s'est livré pieds et poings liés à la loi de la dialectique.

Avec le progrès continu des sciences, on se rend compte petit à petit que les phénomènes qui apparaissaient totalement distincts, sont en réalité liés par des forces insoupçonnées jusqu'alors. La conception scientifique tend vers une connaissance unifiante, et recherche de plus en plus, les liens unissant les différents phénomènes. Une fois que leur source est identifiée, ils sont tous expliqués par rapport à elle.

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