CHAPITRE 12
Qui sont les détenteurs du pouvoir
religieux?
La question de savoir qui doit détenir le pouvoir dans la société
musulmane a dès l'origine été des plus controversées. C'est cette question
qui a divisé les musulmans, après la mort du Prophète. Chacun se
déclarait prêt à assumer la grande charge de diriger la société musulmane
et de prendre "l'affaire" en main. Voyons à présent ce que l'on entend par
le mot "affaire" et à qui doit être confiée "l'affaire". Lorsque Abou
Obeyda ibn al-Jarrâh s'est rendu auprès de Ali après l'investiture d'Abou
Bakr et lui a conseillé de confier "l'affaire" (le amr) aux plus
âgés qui ont plus d'expérience de la vie, et une meilleure connaissance
des affaires, il n'entendait rien d'autre par le mot "affaire", que la
dignité de commandement, et de chef de la communauté musulmane.
Le Coran ordonne aux Croyants: "Ô vous qui croyez! Obéissez à
Dieu, au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent le commandement!
Et si vous divergez au sujet d'une chose, renuvoyez-là à Dieu et au
Prophète; si vous croyez en Dieu et au jour Dernier. C'est préférable et
mmeilleur commme interprétation.
Coran, sourate Les Femmes (An-Nisâ'), verset 59
Ce verset désigne l'autorité de référence authentique des musulmans en
matière religieuse et sociale. En premier lieu, il donne l'ordre aux
croyants de se soumettre au Créateur du monde, car Il est le principe de
toute chose, Celui dont émane, et dont dépend le pouvoir. Cette obéissance
institue la souveraineté divine absolue. Le rôle du Prophète ne sera en
conséquence que celui de recevoir la révélation, et de transmettre les
ordres divins.
Le verset ordonne, en second lieu, d'obéir au Prophète, qui est le
représentant de Dieu parmi Sa création, et qui est préservé de l'erreur,
dans la parole et dans l'action. Outre sa mission consistant à
transmettre une série de commandements divins, le Prophète possède aussi
la capacité de mettre en pratique ces commandements, de définir une
politique pour résoudre les questions sociales, sans quoi il est
impossible de gouverner.
Car, il va sans dire, que dans ce domaine, il appartient au chef
suprême de déterminer les bons choix, à savoir ceux qui servent l'intérêt
de la communauté, dans le respect des conditions prévalantes. Il agit en
cela, par délégation divine. De ce qui précède, il ressort que
l'obéissance au Prophète est une sorte d'obéissance à Dieu; s'opposer à
lui revient à s'opposer à Dieu. le Coran le dit
explicitement: "Quiconque obéit au Prophète obéit aussi à Dieu..."
Sourate Les Femmes (an-Nisâ,), verset 80
En troisième lieu, le verset appelle les croyants à obéir "à ceux
d'entre vous qui détiennent le pouvoir" (ûli-l-amr minkumn) et qui
sont placés sur le même plan que Dieu et Son Prophète. Leur action
s'inscrit donc dans le prolongement de celle du Prophète. Elle ne saurait
aller à son encontre.
*
La question qui importe est de savoir quels sont ceux qui sont visés
par le Coran dans l'expression: "Ceux qui détiennent le pouvoir (à savoir
les uli-l-amr)".
Est-ce que tout homme qui s'emparerait de la direction politique des
musulmans doit être obéi, quelle qu'ait été son action, et quels que
soient ses défauts? Lui doit-on obéissance malgré son injustice, son
irrespect pour les principes religieux, ses vices, son manque de caractère
et de compétence, etc...? Si tel était le sens à donner à l'expression
coranique, sa contradiction serait flagrante avec le début même du verset
qui ordonne d'obéir à Dieu. Faudrait-il obéir à Dieu, ou à des "détenteurs
du pouvoir" dont l'action même est contraire à la volonté divine? On ne
peut concilier les deux.
Donc, l'interprétation de l'expression de uli-l-amr, comme désignant
tout homme qui parviendrait à la direction politique des musulmans est
inacceptable pour un esprit sain. Dieu ne peut pas d'une part ordonner
au Prophète de réformer les sociétés, de les conduire au bien, et d'autre
part ordonner aux hommes de suivre tout dirigeant, fut-il le plus corrompu
qui soit. Comment peut-on prêter à Dieu une telle chose, dénuée de
sagesse et de bonté?
On peut certes affirmer qu'il ne faut obéir à ces "détenteurs du
pouvoir" que dans le cas où leurs comportements et leurs ordres sont
conformes aux critères divins, et qu'il faut leur désobéir à chaque fois
qu'il en irait autrement. Mais cela ne va pas sans soulever bien des
objections:
1- Beaucoup de gens ignorent la règle divine -au moment où elle est
transgressée par le détenteur du pouvoirpour pouvoir réagir et le rappeler
à l'ordre. Comment des hommes pareils pourraient-ils assumer leur
responsabilité face à leurs dirigeants quand ils sont dépourvus eux-mêmes
des connaissances religieuses nécessaires? Comment savoir obéir au
détenteur du pouvoir à chaque fois qu'il ordonne conformément au critère
religieux, et comment lui désobéir chaque fois qu'il en va autrement?
En supposant la chose possible, l'expression "obéir au détenteur du
pouvoir" perdrait tout son sens, puisqu'on ne lui obéirait que parce que
ce qu'il a ordonné était conforme à Dieu. 2- D'autre part, cela
reviendrait à ouvrir la porte à toute bande qui estimerait que ses
intérêts sont menacés, pour se révolter, désobéir aux détenteurs du
pouvoir, et discréditer la notion même d'obéissance au sein de la
communauté. Il n'y aurait plus de limite. Les fondements même de la
société seraient ébranlés, et l'on assisterait à une déliquescence de
l'autorité. On ne peut donc pas accepter l'interprétation du verset
dans le sens que nous venons de voir.
*
Si nous supposions à présent que le "détenteur du pouvoir" soit pris
dans le sens d'un chef choisi et élu par voie de consultation de l'opinion
publique,l'objection en serait que cela ne peut pas être déduit de
l'examen approfondi du verset, car le Coran ordonne d'obéir aux
"détenteurs du pouvoir", mais reste muet sur la façon dont ces derniers
parviennent à cette charge. De plus, l'objection soulevée dans le cas
précédent est aussi valable pour ce cas-ci.
Compte tenu de ces remarques, il faut abandonner ces deux
interprétations, et tâcher de déterminer l'identité de ces "détenteurs du
pouvoir" en suivant une autre voie. Cette autre voie, consiste à
admettre que le dirigeant de la communauté soit tel, du fait de sa
désignation à ce poste par Dieu, et qu'il ait été choisi en raison de ses
vertus, qui sont celles-mêmes du Prophète, non pas en tant que Prophète,
mais en tant que chef de la communauté.
Il est vrai qu'au cours de sa vie, le Prophète a eu le temps de
propager un vaste enseignement dans les fondements de la religion aussi
bien que dans ses applications; il est vrai qu'il a parachevé la religion,
qu'il l'a rendue parfaite, et que les règles générales qu'il a édictées
permettent de dégager les prescriptions divines dont nous avons besoin
jusqu'à la fin du monde. Mais après lui que devions-nous faire?
Les croyants n'avaient-ils pas besoin d'une autorité religieuse qui les
éclaire dans toutes les situations, en particulier celles qui sont tout à
fait différentes de celles qui prévalaient à l'époque du Prophète? Le
Prophète a consacré treize ans de sa vie à lutter contre les polythéistes
de la tribu de Qoraych, obstinée dans son égarement. Il ne ménagea aucun
effort pour enraciner le monothéisme dans les consciences, et les rendre
aptes à recevoir les riches enseignements qui en découlent.
*
A Médine, aussi, le Prophète n'eut pas de répit. Il eut à affronter les
complots des Hypocrites d'une part, et d'autre part à organiser les
guerres contre les nombreux ennemis qui cherchaient à étouffer dans l'oeuf
la nouvelle religion. Il prit part en personne à plus de vingt
batailles.
N'était-il pas nécessaire, qu'après lui, une personne éminente assume
la responsabilité de protéger et de préserver de la falsification les
préceptes divins, d'interpréter l'enseignement religieux et de le
diffuser? Le sentiment n'est-il pas fort, chez tout croyant, qu'une telle
personnalité doit forcément être tenue à l'abri de l'erreur, et avoir un
passé sans tache, capable de refléter fidèlement l'enseignement divin?
Un "détenteur du pouvoir" que Dieu mentionne juste après Son Envoyé,
doit être de cette qualité, pur et parfait. Les "détenteurs du pouvoir"
dont il est question, ne peuvent être que les Gens de la Maison du
Prophète, ceux que le Coran déclare explicitement qu'ils ont été purifiés
par Dieu, débarrassés de toute souillure. Ce sont eux qu'en plusieurs
occasions le Prophète a évoqués, appelant les croyants à les aimer, à les
suivre, à s'attacher à eux.
Il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir juger pertinemment des
situations sans cesse changeantes, et de leur apporter la solution
conforme à l'islam. Le nombre de versets ordonnant et organisant les
préceptes religieux ne dépasse pas 500 versets au total; et les traditions
prophétiques qui précisent ces versets ou en définissent le champ
d'applications ne sont pas plus de 200. Quel serait donc cette personne
rare, unique, qui serait capable de fourni'r une interprétation religieuse
sûre pour les évènements qui se succèdent par milliers dans l'histoire, et
qui sont toujours porteurs de données nouvelles (mustajaddât) inexistantes
du vivant du Prophète? Un tel homme pourrait-il être autrement instruit
que par Dieu?
Seul un "détenteur du pouvoir" divinement désigné peut légiférer; à
juste titre, à propos des innovations, sans risque d'être contesté.
L'absence de prescriptions claires au sujet des situations différentes qui
surviennent au cours des années et des siècles, n'est pas une preuve d'un
défaut dans la Loi révélée, mais au contraire une preuve de sa souplesse,
de la largeur d'esprit qui l'anime.
*
On ne peut pas objecter à cela avec le verset relatif à la perfection
de la religion (ikmâl al-dîn) qui n'est d'aucune pertinence. Car ce
verset a été révélé, au Ghadir Khomm, après l'investiture de Ali, comme
Wali, et commandeur des croyants. Quand on étudie de près les
conditions prévalant alors, on mesure le grave danger qui menaçait la
nouvelle religion après la disparition du Prophète. L'islam ne pouvait
pas poursuivre son progrès et demeurer dans la ligne prophétique sans la
présence d'une autorité de référence dont la compétence est indiscutable,
et désignée par le Prophète lui-même de son vivant.
Le verset relatif à la perfection de la religion, ne si'gnifie pas que
toutes les prescriptions et recommandations divines, relatives à tous les
domaines de la vie, ont été données en détail. Certes, la révélation
avait cessé avec la disparition du Prophète, qui avait reçu de Dieu les
règles que nécessitent les hommes jusqu'à la fin des temps, et
l'instauration de la Loi divine avait été achevée.
Mais d'autre part, nous constatons que les prescriptions relatives à
toutes les matières légales ne nous sont pas parvenues, et ne se trouvent
-de façon explicite- ni dans le Coran ni dans la Tradition prophétique, et
que les arguments juridiques existants ne suffisent pas à traiter toutes
les questions nouvelles, survenues après la mort du Prophète, et cela
comme conséquence naturelle de la brièveté de la période de la prophétie,
qui ne laissait pas assez de temps au Prophète pour éclaircir tous les
points, et tout enseigner à sa communauté.
Beaucoup de compagnons se contentaient de s'appuyer sur la personnalité
noble du Prophète. Tant qu'ils vivaient à son ombre, ils ne ressentaient
pas la nécessité d'apprendre les prescriptions religieuses, d'approfondir
les sens du Coran. Après sa disparition, ils s'étaient retrouvés -en dépit
de leur rang social élevé- dans l'ignorance des préceptes régissant
beaucoup de questions relatives aux transactions, à la justice, et
d'autres affaires de la communauté.
Ils étaient souvent mal préparés à la compréhension des différentes
situations politiques, et des prescriptions relatives au califat,
c'est-à-dire à la charge de successeur du Prophète. Il y a de
nombreuses traditions dans les ouvrages sunnites qui nous informent que
les compagnons n'avaient pas une représentation claire à propos des
questions de l'héritage, de la fonction judiciaire, des peines légales,
des expirations et du prix du sang, etc...
La sagesse divine requerrait que la communauté musulmane dispose de
plus de temps pour s'imprégner totalement des enseignements prophétiques.
C'est la raison pour laquelle le Prophète avait pris soin de transmettre à
Ali, son calife et son légataire (wassiyy) toute sa science, afin
de le préparer à ses charges futures, et s'assurer la pérennité de
l'islam, d'asseoir sa culture sur des fondements inébranlables.
Nous disposons de preuves suffisantes que le Prophète passait des
heures et des heures tête à tête avec Ali, lui enseignant la religion. Le
Prophète pouvait-il agir ainsi sans ordre divin? Pouvait-il favoriser Ali,
et exclure les autres, si l'ordre même d'agir de la sorte ne venait pas de
Dieu, et s'il n'avait pas un but précis? Bien sûr que non.
Le Prophète voulait éviter aux musulmans la honte de transformer un
jour leur religion, en un système basé sur la déduction analogique,
l'opinion personnelle, la préférence personnelle, et par voie de
conséquence leurs caprices. Nous avons dit dans quelle grave ignorance
se trouvaient beaucoup de compagnons après la mort du Prophète. Seul le
Prophète pouvait, à bon droit, et il était de sa responsabilité, désigner
le successeur qu'il fallait, celui que Dieu agréait; pour éviter que la
religion ne devienne affaire d'opinions personnelles contradictoires.
L'histoire de l'islam porte témoignage que ceux qui ont pris la charge
de la détention du pouvoir n'ont jamais été à la hauteur des exigences
religieuses; même les mieux intentionnés se sont rendus coupables de
graves déviations à cause de leur ignorance des prescriptions (ahkâm
dîniyya).
*
Les compilateurs de tradition rapportent les faits suivants: -On
amena une femme adultère enceinte devant Omar ibn al-Khattâb. Il ordonna
qu'on la lapidât Ali intervint: "Qu'est-ce qu'on fait avec cette femme?"
On lui répondit: "On l'emmène pour la lapider". Alors Ali dit à Omar:
"Pourquoi la lapider? Si tu as pouvoir contre elle, quel pouvoir as-tu
contre ce qu'elle porte en son sein?" Omar dit alors à trois reprises:
"Tout le monde est plus intelligent que moi"...114
-Une femme aliénée mentale fut condamnée par le calife à la
flagellation pour cause de fornication. L'imam Ali rappela au calife que
ce jugement allait à l'encontre de la tradition prophétique selon laquelle
l'aliéné mental n'est pas responsable de ses actes, jusqu'à ce qu'il
recouvre sa raison, le dormeur jusqu'à ce qu'il se réveille, et l'enfant
jusqu'à ce qu'il atteigne sa majorité légale. Omar renonça à l'exécution
de la sentence.115
Les docteurs sunnites rapportent que lorsque Omar était embarrassé
devant un problème de droit, il le confiait à Ali pour le résoudre, et
avait coutume de dire: "N'eût été Ali, Omar serait dans la perdition". Il
disait aussi: "Que Dieu ne me laisse jamais seul devant une difficulté
sans Abou-l-Hassan (c'est-à-dire Ali) pour la résoudre." 116
*
Dieu permettrait-Il que Ses Lois soient transgressées après la mort de
Son Envoyé, ou qu'elles soient remplacées par des fausses lois? Ou bien,
aurait-Il confié les rênes du pouvoir à des hommes avisés, informés de
tout ce qui concerne les prescriptions de l'islam dans leurs détails, et
chargés de leur bonne exécution?
Si donc nous admettons comme seule interprétation valide du verset en
question, celle de l'obéissance à ces hommes qui remplissent les
conditions divines, nous aurions écartés toutes les objections possibles.
Le Coran n'autorise pas de suivre des hommes dont la volonté n'est pas
conforme à la volonté divine. "... N'obéis point à celui qui suit sa
passion et dont le comportement est imsolence."
Coran, sourate La Caverne (Al-Kahf), verset 28
Cela est en outre conforme à l'évidence; comment la raison peut-elle
accepter qu'un jugement contraire à la volonté divine puisse se concilier
avec la religion? L'imam Ali a dit: "L'obéissance est due à Dieu, à
Son Prophète et à ceux qui détiennent le pouvoir. Il a ordonné
l'obéissance à ces derniers car ils sont préservés de l'erreur, purifiés,
n'ordonnant jamais Sa désobéissance."117
Dans le Tafsir al-Borhân, al-Bahraynî rapporte qu'Ibn Babewayh a
rapporté que Jâber ibn Abdullâh al-Ansâri a dit: "Lorsque Dieu -qu'll soit
exalté- a fait descendre sur Son Prophète le verset: "Ô vous qui croyez,
obéissez à Dieu, et obéissez à l'Envoyé, et à ceux d'entre vous qui
détiennent le pouvoir", je lui ai demandai: "Ô Envoyé de Dieu, nous
avons reconnu Dieu et Son Envoyé, mais qui sont ces hommes à qui
l'obéissance est due au même plan que la tienne?"
Le Prophète répondit: "Ce sont mes successeurs, ô Jaber, et les
imams des musulmans, après moi. Le premier d'entre eux est Ali Ibn Abi
Tâleb; puis Hassan et Hussein, puis Ali ibn al-Hussein, puis, Muhammad ibn
Ali, connu sous le nom de Bâqer (celui qui fend les sciences). Tu le
rencontreras de ton vivant, ô Jâber, et quand tu le rencontreras
transmets-lui mes salutations; puis le Véridique Ja'far ibn Muhammad; puis
Moussa ibn Ja'far, puis Ali ibn Moussa, puis Muhammad ibn Ali, puis Ali
ibn Muhammad, puis al-Hassan ibn Ali, puis celui qui portera mon nom,
Muhammad, et mon surnom, la preuve de Dieu sur la terre, et Son ombre dans
Sa création, le fils de Hassan ibn Ali; celui à qui Dieu accordera la
conquête des orients et des occidents. Il dispara î tra devant ses
partisans et ses amis, pendant une occultation durant laquelle seuls
continueront à affirmer son imamat ceux qui auront été éprouvés par Dieu
dans leur foi."118
De même, al-Ayyâchî rapporte dans son Tafsîr que Issa Ibn
al-Sarîa dit: "J'ai dit à Abou Abdallah (le sixième imam): "informe-moi
au sujet des fondements de l'islam, sur lesquelles a été construite la
religion, ceux au sujet desquels il n'est permis à quiconque de faire un
manquement, et dont l'ignorance entraîne la corruption de la foi, et le
rejet des oeuvres; mais que celui qui les connaît et y conforme ses
actions, accomplit à juste titre sa religion, et voit ses oeuvres
acceptées, sans avoir à subir le préjudice de ce qu'il ignore.
L'imam répondit: "(ces fondements) sont l'attestation qu'il n'est de
divinité que Dieu, la foi en Son Envoyé, l'acceptation de ce qu'il a
apporté de la part de Dieu, l'acquittement des droits de l'aumône,
l'amitié qu'll a ordonné d'entretenir envers la Famille de Muhammad -que
les salutations divines soient sur lui et sur ses descendants-.
Le Prophète de Dieu a dit: "Quiconque meurt sans avoir connu son
imam, meurt de la mort pa ï enne." L'imam fut Ali, puis al-Hassan Ibn
Ali, puis al-Hussein lbn Ali, puis Ali Ibn Hussein, puis ce fut Muhammad
Ibn Ali Abou Ja'far. Les chiites ne connaissaient pas, avant Abou Ja'far
les rites du pèlerinage, ni le licite, ni le péché, jusqu'à ce que vienne
Abou Ja'far. Il accomplit alors un pèlerinage pour leur enseigner les
rites, le licite et l'illicite, au point qu'ils n'eurent plus à recourir
aux autres hommes. Ces derniers se mirent au contraire à apprendre chez
les chiites, après que ces derniers allaient apprendre auprès d'eux. Il
en va ainsi, et la terre ne peut pas être, sans imam."
*
En tant que "détenteurs du pouvoir", les califes omeyyades et
abbassides se sont rendus coupables d'innombrables scandales vis-à-vis de
l'Islam et des musulmans, faisant du califat un centre de corruption, et
de vice. Pour asseoir leur pouvoir politique illégal, ils n'hésitèrent
pas à faire couler le sang d'un nombre incalculable d'innocents, et
d'hommes libres et malgré cela, ils continuaient de se faire appeler
"Emirs des Croyants"!
Si Dieu avait rendu religieusement obligatoire l'obéissance à ces
transgresseurs, où en seraient l'équité et la justice, où en seraient
alors les droits de l'individu et ceux de la société?
*
Beaucoup de traditions sunnites vont dans le sens de l'interprétation
de l'expression "les détenteurs du pouvoir" par les imams de la Famille du
Prophète.119 D'autre part, les penseurs chiites et sunnites ont été
unanimes à écrire que le verset 55 de la Sourate La Table Servie
(Al-Mâ'ïda), fait allusion à Ali Ibn Abi Tâleb120 qui a offert, pendant sa
prière, une bague qu'il portait au doigt, à un mendiant qui lui a demandé
l'aumône. Voici le verset: "Votre patron et vos alliés sont
seulemment Dieu, Son Prophète et ceux qui accommplissent la Prière, et qui
donnent l'Aummône (Zakât) et qui s'inclinent."
Etant donné que nous n'avons jamais eu dans l'islam une obligation ni
même une recommandation de ce genre (c'est-à-dire de donner l'aumône même
pendant que nous faisons la prière et que nous nous sommes inclinés devant
Dieu), et qu'une telle sorte de charité n'a été rapportée qu'au sujet de
l'imam Ali, il ne reste nul doute que dans le verset en question: "ceux
qui donnent l'aumône et qui s'inclinent" revient à Ali Ibn Abi Tâleb.
Surtout que dans plusieurs autres cas aussi le Coran met le verbe au
pluriel quand il ne s'agit d'une seule personne.121 Il ne reste
alors plus aucun doute que Ali Ibn Abi Tâleb est celui qui a été choisi
par l'Envoyé de Dieu comme son successeur, le représentant de Dieu sur
terre après la disparition du Prophète, le Commandeur des musulmans,
l'Emir des Croyants.
* * *
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